Moeder, de Reuze Komt !
C’est un rite parmi d’autres, au moment du carnaval vient le Reuze dans les rues de Dunkerque. Malgré les remous de l’Histoire, juché sur son char et coiffé de son casque romain, il veille sur les carnavaleux … La légende que l’on contait aux veillées dit comment l’on en vit à choisir un tel protecteur dans la paroisse de Saint-Eloi.
Au temps où la Flandre n’existait même pas, sous le règne du « Bon roi Dagobert », les gens de la côte vivaient sous la menace permanente des Reuzes, des géants venus des froides mers de Scandinavie. Attirés par la richesse des villes et des abbayes, ils débarquaient, pillaient, violaient et massacraient tous ceux qui pouvaient « pisser contre la muraille ». Quand ils repartaient, ce n’était pas seulement les sacs emplis de richesses mais aussi les bras chargés des filles les plus plaisantes et d’enfants dont ils étaient particulièrement friands… surtout à la broche. Autant dire que la vue de leurs voiles sur l’horizon emplissaient les cœurs d’une panique tout à fait justifiée. S’établissant à Mardyck et ayant pressuré les habitants jusqu’à l’extrême limite, ils se mirent donc en chasse de nouveaux terrains de jeux, histoire de ne pas perdre la main. Parmi ces nouvelles destinations, ils trouvèrent un village perdu dans les dunes, bâti autour d’une modeste église… Dunekercke !
Allowyn !
Un de leurs chefs de guerre, un géant redoutable et redouté, du nom d’Allowyn, d’une avidité extrême dont ne venait à bout de la cupidité, ni les pleurs, ni les gémissements, un ogre ! Mais voilà, un matin, sans doute trop pressé de faire sa razzia, Allowyn s’empêtre dans les cordages en débarquant et choit lourdement sur la plage. L’image eut été comique si le mauvais sort – ou la divine colère – ne l’avait fait s’embrocher sur son propre glaive. La population voyant le géant affalé et inerte sur l’estran trouva la part belle de se venger. Elle se précipita pour en découdre, enfin… le dépecer. Un seul se trouva pour stopper leur fureur, le bon Saint-Eloi, le fameux conseiller royal, qui leur avait fait adopter le Dieu des Chrétiens. Assurément, cela aurait manqué de charité ! Il le fit porter en sa demeure et s’enferma avec le géant quinze jours durant. A l’aube du seizième, ils sortirent ensemble et se dirigèrent vers l’église où le géant reçu le baptême, torse et têtes nues. L’ogre s’était fait l’agneau. Saint-Eloi demanda à la plus jolie des pucelles de la paroisse de devenir la marraine d’Allowyn…et aussi son épouse. Une fois fait chrétien, le géant retourna en la maison du saint-homme pour en ressortir armé de pied en cape. Stupeur et tremblement pour les habitants mais ils ne purent s’empêcher de lui obéir quand il leur ordonna de construire avec lui un rempart. Bien vite, les anciens compagnons du Reuze, partis à sa recherche, découvrirent une forteresse là où il n’y avait que sable et du haut de la muraille, un géant armé qui les harangua en leur langue, les rejoignit pour les étreindre une dernière fois et les laissa reprendre la mer en paix. Au fil des années, les attaques se firent plus rares, Allowyn continua à protéger la ville, permettant à Dunekercke de se développer au contraire des autres villes constamment ruinées.
De Reuze is dood
Il vécut jusque l’âge avancé de cent ans, un mois, une semaine, un jour et une heure, et quand vint la dernière, il monta sur les remparts en compagnie de ses enfants et de ses meilleurs guerriers, regarda longtemps vers le nord, vers son ancienne patrie. Il but sa coupe jusqu’à la lie, la jeta dans les flots et s’écroula. Les habitants voulurent lui élever une statue mais parmi eux, on ne trouva aucun sculpteur, pas plus de fondeur. Ils décidèrent de tresser des roseaux, et de les couvrir d’étoffes. Le Géant était né. Il fallut aussi lui donner une demeure à sa mesure. Ils se résolurent à construire une haute tour contre leur église. Chaque année, à l’anniversaire de sa mort, c’est lui qu’ils promènent en procession, l’accompagnant au son des cloches et dansant autour de lui. Quant aux Reuzes, ils ne revinrent jamais plus: le géant d’osier leur laissait croire qu’Allowyn avait gagné l’éternité et restait pour toujours le gardien bienveillant de l’église dans les dunes…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire