jeudi 4 mars 2010

inondations : la région aussi est concernée

Dans le delta de l'Aa, neuf siècles de maîtrise de l'eau

Avant le IVe siècle, dans le delta formé par Calais, Saint-Omer et Newport en Belgique, on ne parlait pas de terres mais d'îlots. ...
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Depuis, la mer s'est peu à peu retirée, l'homme a accéléré le processus en asséchant les marais. Cette victoire sur la nature est fragile et repose en partie sur l'entretien des infrastructures mises en place au fil du temps.
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L'eau, au départ des fossés, puis des watergangs, emprunte les canaux et rivières creusés censés améliorer les écoulements jusqu'à la mer. Les moulins à vent qui actionnaient des vis d'Archimède ont été remplacés par des pompes motorisées, mais ce principe de wateringue est opérationnel dans le delta de l'Aa depuis le XIIe siècle. Et 450 000 personnes dépendent de ce système.
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Cette eau est ensuite rejetée dans les canaux gérés par les Voies navigables de France (VNF) qui maintiennent un niveau minimum de 1,34 m afin de permettre la navigation. Ce niveau est régulé par les ouvrages situés dans les ports du littoral par tirage (à marée basse) ou par pompage (à marée haute) quand le niveau de la mer est supérieur à celui des canaux. Et donc des terres. La capacité totale pour évacuer les eaux des secteurs des wateringues est de 120 m³ par seconde. Mais est-ce suffisant ?
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Saturation
L'entretien des fossés, des canaux, la mise en place de bassins de rétention, le renouvellement du matériel... L'homme se doit d'entretenir ce maillage au quotidien. La moindre défaillance peut tourner à la catastrophe. Les dernières inondations en date prouvent que ce système a ses limites. Fin novembre 2009, 112 mm d'eau sont tombés en continu durant quinze jours. Les champs regorgent d'eau, la Hem sort de son lit et inonde les habitations. Le canal d'Ardres rejette ses eaux dans des fossés qui, par des pompes, renvoient ces mêmes eaux dans le canal.
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Le système est arrivé à saturation.
Les préfets du Nord et du Pas-de-Calais ont pris les choses en main et, avec les principaux acteurs du système hydraulique du delta de l'Aa, planchent sur le sujet de la mise hors d'eau du secteur des wateringues. Et il ne s'agit là que de répondre à la maîtrise des eaux pluviales. Pas d'une éventuelle percée de la mer.
L. R.
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Inondations marines : la région n'est pas à l'abri
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Probablement pas de pertes humaines, mais d'immenses dégâts économiques... Les zones côtières de la région ont beaucoup à redouter d'une prochaine tempête.
PAR ÉRIC HOLZAPFEL
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«Vous êtes aux Moëres, altitude - 2,50 m», indique un panneau à l'entrée de cette petite commune située à 10 km de la mer, près deDunkerque. Plus loin, un autre panneau : «Vends terrains à bâtir.» En mairie, une affichette précise les conditions pour obtenir un permis de construire (« prévoir un bassin pour les eaux pluviales ») et met en garde : «L'évacuation des eaux peut être rendue difficile dans un contexte de changement climatique.» Une fois prévenu, on n'a plus qu'à s'installer, à ses risques et périls...
Une partie de notre littoral, le delta de l'Aa, est située au-dessous du niveau de la mer. Ce polder de 100 000 hectares est protégé par l'Institution interdépartementale des wateringues (IIW). Mais pour les inondations marines, comme celle qui a endeuillé la Vendée ce week-end, le président de l'IIW, Jean Schepman, ne répond de rien. «L'invasion marine se fera par les points faibles de nos systèmes de protection, prévient-il. Un tiers de nos digues ne sont pas saines.» Pourtant, on continue à construire. Tout simplement parce que « le classement en zone inondable n'a pas été déterminé sur la zone du polder. Si on voulait être franc, elle est entièrement inondable... mais qu'est-ce qu'on fait de tous les gens qui y vivent ? On parle de 500 000 personnes, dont 100 000 directement sur des zones à risque», reprend-il.
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Les risques, il est vrai, ne sont pas aussi terribles qu'en Vendée. Avant d'atteindre les terres les plus basses, éloignées des côtes de quelques kilomètres, les eaux de mer seraient soumises à «une série de freins», précise Philippe Parent, directeur de l'IIW. «On nous a dit qu'il ne fallait pas qu'on s'inquiète», sourit, tranquille, une habitante des Moëres.
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À deux pas de la mer, sous le niveau de l'eau
Mais à cinquante kilomètres d'ici, sur la côte entre Dunkerque et Calais, les habitants des Escardines, à Oye-Plage, auraient des raisons d'être moins sereins. Cette résidence de 160 pavillons a été construite dans les années 80, à l'abri d'une dune... en recul à chaque tempête. Elle est la seule zone qui puisse se comparer aux territoires sinistrés de l'Ouest : à quelques mètres et sous le niveau de la mer. En 2009, elle a été répertoriée au «dossier départemental des risques majeurs». Curieusement, c'est plus ce classement que la peur d'une tempête qui inquiète les habitants du quartier. «On est surtout conscients qu'on ne pourra pas vendre notre maison », témoigne l'un d'eux. Quant aux inondations, il préfère « ne pas y penser».
Philippe Parent lui donne en partie raison : «Une dune qui lâche n'entraîne pas le même effet de violence qu'une digue», relativise-t-il. Mais, ajoute Jean Schepman, «même sans perte humaine, on peut s'attendre à des dégâts économiques extraordinaires sur toute la côte» quand une grosse tempête, «poussée par des vents du nord», s'abattra sur la région.
in LA VOIX DU NORD, édition régionale du 4 mars 2010

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