du mois d'avril 2008
Avril partage avec Février la particularité que l’étymologie de son nom fait référence à une action : «aprire» «ouvrir» alors que les autres mois puisent leurs origines soit dans le nom d’un dieu auquel ils sont consacrés ou dans leur numéro d’ordre dans le premier calendrier romain.
Avril, aprilis, était consacré à Cybèle, déesse de la terre et de la force reproductrice chez les Romains.
Certaines sources et non des moindres disent que le mois était consacré à Vénus ou Aphrodite, tels ces vers du célèbre Ovide :
Avril, aprilis, était consacré à Cybèle, déesse de la terre et de la force reproductrice chez les Romains.
Certaines sources et non des moindres disent que le mois était consacré à Vénus ou Aphrodite, tels ces vers du célèbre Ovide :
«Que n’ose pas l’envie à Vénus :
Des jaloux vous disputent ce mois qui n’appartient qu’à vous ;
On veut, que du retour des beaux jours du printemps avril ait pris son nom !
Mais l’aimable immortelle revendique ses droits sur la saison nouvelle.
Vénus, âme puissante anime l’univers.
Son empire s’étend sur des êtres divers ;
Et de la terre aux cieux, sa ceinture féconde
De vie et de bonheur environne le monde»
Avril, c’est le mois du renouveau, du printemps qui se fait attendre, et le mois d’une intense activité agricole. Pendant de longs siècles il a ouvert le début de l’année. De fait depuis l’équinoxe de printemps, le 20 mars cette année, le soleil a franchi l’équateur céleste au « point vernal », ce qui marque la fin du cycle du zodiaque. De l’élément «eau» : les Poissons, nous sommes passés avec Avril dans un élément de «feu» avec le Bélier. Dans le rapprochement avec la sortie du signe des poissons, certains trouvent une explication aux fameux «poissons d’avril» Je préfère une explication plus «historique».
Lors d’un voyage organisé par Catherine de Médicis pour «asseoir» l’autorité royale de son jeune fils de 14 ans, Charles IX, on fit le constat d’une grande diversité dans les dates marquant le début de l’année. Le diocèse de Lyon, faisait débuter l’année à Noël, mais à Vienne, tout à côté, l’année commençait le 25 mars pour la fête chrétienne de l’Annonciation. Dans d’autres endroits le début de l’an était le 1er mars comme chez les Romains ; ailleurs c’était à Pâques. Comme la date de Pâques varie selon le calendrier lunaire, on imagine facilement la confusion que cette diversité pouvait engendrer. Pour être le plus clair possible dans la rédaction des actes d’état-civil, il fallait donner plusieurs références comme par exemple cet extrait de la généalogie des rois de France de Bouchet en 1506 : «Charles VII alla a trépas au chasteau d’Amboise le (samedi) 7 avril 1497 avant Pâques ( le 15 avril cette année-là), à compter l’année à la feste de Pasques ainsi qu’on le fait à Paris, et en 1498 à commencer à l’Annonciation de Nostre Dame ainsi qu’on le fait en Aquitaine» Vrai casse-tête pour les historiens !
La Cour qui s’était d’abord installée à Lyon dut fuir la ville à cause d’une épidémie de peste. Elle trouva refuge 50 km plus bas à Roussillon dans le beau château renaissance d’inspiration italienne, construit au XVI ème siècle pour le Cardinal François de Tournon ( 1489 – 1562), fameux diplomate et ministre au service de François Ier.( Ne pas confondre Roussillon en Dauphiné avec le petit village de Château-Roussillon près de Perpignan ! )
Pendant 29 jours, au milieu des fêtes et réjouissances, Catherine de Médicis et ses conseillers, notamment Michel de l’Hospital et Sébastien de l’Aubespine reformulèrent des articles de l’édit de Saint Germain, édit que le Parlement de Paris avait refusé d’enregistrer et qui déjà préconisait de dater les actes publics en faisant commencer l’année au 1er Janvier. Les édits tentaient de jeter les bases d’une administration moderne, mais tous limitaient le pouvoir des notables, des parlements et de l’église au bénéfice du Roi et de la centralisation. Il ne faut pas oublier que le pays venait de vivre la première guerre de religion.
C’est dans ce contexte, et de façon tout à fait accessoire, alors que tous les articles de l’édit concernent la justice et la police du Royaume, qu’on ajouta un article 39 qui établissait que désormais l’année commencerait le 1er Janvier : «Voulons et ordonnons qu’en tous actes, registres, instruments, contrats, ordonnances, édicts, tant patentes que missives, et toute escripture privé, l’année commence doresénavant et soit comptée du premier jour de ce mois de janvier.
Donné à Roussillon, le neufiesme jour d’aoust, l’an de grâce mil cinq cens soixante-quatre. Et de notre règne le quatrième. Ansi signé : » le Roy en son Conseil» Sébastin de l’Aubespine.»
Si on analyse bien cette décision on peut difficilement dire que le jeune Roi en assure la paternité, comme on le voit écrit partout. Il serait plus juste de dire que c’est une décision prise sous le règne de Charles IX qui opère ce changement très important. J’ai écrit dans une chronique de janvier que le choix de cette date est très arbitraire car il ne correspond pas à une échéance liée au cycle des saisons ou de la lune. Le calendrier républicain avait fait un autre choix, pour faire commencer l’année le jour de l’équinoxe, le 22 septembre.
L’édit de Roussillon enregistré dès cette année 1564 par le Parlement de Paris, fut appliqué petit à petit avec plus ou moins de bonheur et beaucoup de réticences. Dès qu’il faut changer les habitudes on sait bien nous les français combien c’est difficile d’évoluer ! La décision est appliquée à Paris en 1567, à Beauvais en 1580. Cela nous amène bien vite à la grande réforme grégorienne de 1582.
Pour donner une explication facile à nos «poissons d’avril» on se plait à raconter que le 1er avril 1565, c'est-à-dire celui qui suivait la décision de Roussillon, les habitants de certaines régions n’acceptèrent pas ce changement et continuèrent d’offrir des cadeaux farfelus de toutes sortes qui devinrent vite des farces, des blagues et des canulars. Selon les corps de métiers, on demandait aux apprentis les moins dégourdis, de ramener «la corde à lier le vent», «la passoire sans trou», «la clef des champs», «le bâton à un seul bout» ou de «l’huile de coude». Voici donc une hypothèse sur l’origine du poisson d’avril. On en trouve d’autres qui n’ont pas plus de fondement que celle-ci.
En Angleterre, le poisson d’avril se dit «april’s fool». C’est l’occasion de faire de nombreux gags. En Ecosse, c’est le traditionnel «hunt the gowk». Gowk c’est le coucou. On envoyait l’idiot du village porter un message ; celui qui le recevait envoyait le messager à une autre personne, et ainsi de suite jusqu’à ce que le messager finisse par ouvrir le message et lise ces mots «chasse le coucou un mile de plus !». Quand il revenait le soir, éreinté d’avoir couru pour rien toute la journée, les farceurs ayant organisé ce tour pendable, se réunissaient pour rire à ses dépens. La personne dupée était appelée «April gowk» «coucou d’avril». Chez nous on dit : «Ce n’est jamais avril si le coucou ne l’a pas dit !» ( Il n’a pas encore chanté dans notre région ! ), mais ce matin du 1er avril un couple de huppes est venu nous rendre visite dans le jardin. Chaque année leur fidélité est un signe pour les prochains beaux jours !
Les Ecossais avaient ainsi beaucoup de plaisir à envoyer des personnes faire des courses idiotes, comme d’aller chercher des «dents de poule» ou du «lait de pigeon» ! Le 2 avril chez eux se nomme «Taily day». Il s’agit de réussir à donner un cadeau à une personne de son choix tout en essayant de lui coller dans le dos un petit panneau où il est écrit «Donnez un coup de pied aux fesses».
En Belgique les enfants ( et même les plus grands !) attachent un poisson en papier dans le dos de leurs camarades, de leurs parents, de leurs professeurs..
En Allemagne, on dit «April april» ou «Aprilscherz» et ce, au moment de faire sa blague ou juste après pour faire comprendre que c’est juste une blague ! Nous pourrions poursuivre notre promenade !
Les dictionnaires consultés, indiquent tous le «poisson d’avril» au sens de plaisanterie, mais aucun ne parle de cadeau ou d’étrennes, encore moins de petit poisson accroché dans le dos ! Tous parlent de promenades et de démarches inutiles qu’on fait faire à quelqu’un pour se moquer de lui. Une forme de bizutage !
La lune et les proverbes nous laissent prévoir un temps d’avril 2008 plutôt maussade, gris et pluvieux, voire froid les deux ou trois jours qui suivront la nouvelle lune du 6 qui sera à ce moment la à son périgée. Et ce sera la fameuse lune rousse. Non pas une lune appelée ainsi à cause de sa couleur, mais parce que à cette période, quand le ciel est dégagé, le thermomètre indique facilement 19, 20, ou même 24° dans la journée ce qui fait que les petites pousses et les fruits en formation se gorgent de chaleur. Quand le soleil se couche, la terre qui met plus de temps à se réchauffer n’a pas encore de chaleur à restituer. Le froid se rétablit très vite. Progressivement une rosée froide recouvre les végétaux. Elle peut devenir glaciale au lever du jour. Le thermomètre indique alors des températures entre 4° ou 0° voire moins. Mais la température ressentie est bien plus basse ; C’est ce que commence à nous indiquer la météo nationale ; c’est le «wind chill» de nos stations météo modernes. Les jeunes pousses sont alors «brûlées» par ce froid, et prennent une apparence de roussi. Les embryons des fruits deviennent noirs. C’est l’effet de la lune rousse. Cette année sa lunaison commence le 6 avril et se terminera le 5 mai, juste quelques jours avant les trop célèbres saints de glace. Il ne faut pas oublier que ces saints de glace sont précédés en avril par les saints cavaliers car leur fête tombe juste après la pleine lune, au plus mauvais moment. Saint Georges le 23, saint marc le 25 avril.
Ces saints sont qualifiés de «gresleurs, geleurs et gasteurs de bourgeons» par Rabelais. Nos dictons disent : «Saint Georges et saint Marc sont répûtés saint grêleurs.» ou encore «Geourgeot, Marquot, Philippot, Crousot et Jeannot, sont cinq malins gaichenots (garçonnets) qui cassent souvent nos goubelots ( gobelets)»
Philippot, Philippe, était le 1er mai et Crousot, c’est la fête qu’on appelait l’exaltation de la Sainte Croix, début mai, alors que Jeannot est la fête de Saint Jean devant la porte latine, c’est à dire le lieu où saint Jean aurait été martyrisé.
On dit pour saint Georges : «Pluie de saint Georges, coupe les cerises à la gorge !» ou encore : «S’il pleut à la saint Georges, de cent cerises restent quatorze». Et aussi : «S’il pleut à la saint Georgeau, n’y aura guignes ni bigarreaux». «S’il pleut le jour de la saint Marc, les guignes couvriront le parc» ou encore : «A la saint Marc s’il tombe de l’eau, il n’y aura pas de fruits à couteau» ; c’est à dire de fruits dont on enlève la peau avec un couteau pour les manger…
On dit que ces saints sont casseurs de gobelets ? Parce que le froid ou la grêle ces jours–là est néfaste pour la vigne, donc au vin, donc aux pichets et aux gobelets. On trouve encore : «Gelée de saint Georges, saint Marc, saint Robert, récolte à l’envers» ; ou pour la saint Robert le 29 avril : «La pluie de saint Robert, du bon vin emplira ton verre.»
Il n’est donc pas surprenant que les vignerons aient pris saint Marc comme saint Patron, bien avant le choix de saint Vincent, du moins dans nos régions méridionales. Cette fête qui est marquée par de grandes festivités, qui marquent le début de l’éclosion des bourgeons de la vigne, moments où ils sont fragiles et sensibles aux variations de la température. Raison de plus de chercher la protection d’un saint et rien de surprenant que les dictons fassent tous allusion aux gobelets pour boire le vin !
Ce jour de saint marc, vers l’an 600, le pape saint Grégoire le Grand, 64ème pape de l’église catholique, instaura une fête connue sous le nom de «litanies majeures», ou selon un rituel strictement le même que celui des «litanies mineures», c’est à dire des Rogations, ( les trois jours avant la fête de l’Ascension ), dans l’objectif de protéger la ville de Rome d’une épidémie de peste qui sévissait alors. On allait en procession dans les champs, au rythme de la mélodie des litanies des saints, invoquant leur protection sur les récoltes, et l’éloignement des famines et de la peste. Alors que les Rogations étaient des prières instaurées par un évêque de Vienne, à la suite d’un gel très important intervenu dans la vallée du Rhône et sur le Dauphiné. Petit clin d’œil à ceux qui nous disent que le gel de fin mars est exceptionnel. Vous avez lu ma chronique sur «li Vaquerieu» !
C’est au cours de la célébration de cette fête des Litanies Majeures qu’eut lieu, en 799, un attentat perpétré par des nobles romains, contre le Pape Léon III accusé de toutes sortes de vices, de crimes, de parjure, de fornication et d’adultère. On lui crève les yeux, on lui coupe la langue. Mais avec l’aide de quelques fidèles il arrive à s’échapper et il cherche refuge auprès de Charlemagne… Une affaire qui aurait fait grand bruit dans nos médias !
Je note seulement pour prendre quelques précautions qu’il a gelé le 6 avril 1911 un peu partout en France ; qu’il a neigé à Lille le 14 avril 1975 ; Neige et grêle à Bourges le 13 avril 1998 ; gelées en Alsace le 21 avril 1938 et moins 11° en Limagne en 1991…mais aussi sécheresse en 1933 en fin avril, chaleur estivale en 1939 et en 1949 … et bien d’autres exemples pourraient être donnés.
La sagesse paysanne nous dit : «On n’est pas sorti de l’hiver, qu’avril n’ait montré son derrière» et encore : «l’hiver n’est jamais achevé que la lune d’avril ne nous ait houspillés». Alors s’il faut redoubler de prudence et ne pas se découvrir d’un fil, en langue de pays d’oc : «o mès d’obriéou, quittès pas eu piéou» ( une peau !) nous regarderons les bienfaits qu’une bonne pluie peut apporter. On l’attend et ce n’est pas nouveau comme en attestent les proverbes tels : «pluie d’avril emplit le fenil»
«Abrieou a trento, se ploouvie trent’un, farié maou en degun» Avril a trente jours, s’il pleuvait trente et un jours cela ne ferait mal à personne.
«Cy finissent les dits et notables enseignements tout au long et sans rien requérir, mis en lumière par votre serviteur, touchant les origines et curiosité d’avril. Si d’aventure, le lecteur parvenu bénévolement jusqu’à l’explicit, maugrée tant soit peu sur l’insuffisance, incertitude et vanité du présent poisson scientifico-littéraire, l’auteur très humblement, lui recorde qu’icelui ne pouvait être autre chose que poisson d’avril» Théodore de Jolimont 1843
A Diou sias !
Jean Mignot le 1er avril 2008
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