vendredi 8 février 2008

Été 1566 : la révolte des Gueux sous la loupe d’Alain Lottin

Des bandes de casseurs qui mettent à sac les églises, des nobles qui se liguent contre le pouvoir à Bruxelles en criant « Vive les Gueux »… L’été 1566 et les mois qui s’ensuivent sont particulièrement agités dans notre région. Dans son dernier livre, l’historien Alain Lottin revient sur ces événements violents et fondateurs.

«C’est une étrange troupe que Nicolas du Pisre, curé de Laventie, voit faire irruption dans son église, le 15 août 1566. Des intrus, armés de pistolets, d’arquebuses, d’épées, de bâtons, munis de marteaux, haches, couteaux et cordes commencent à casser les statues, les autels, les tabernacles, les tableaux, à déchirer les ornements liturgiques…» Le livre commence avec le récit des ravages commis dans les églises du pays d’Armentières.
Méfaits de sauvageons sans foi ni loi, de barbares ancêtres de nos casseurs de banlieues ? Certes non. Le curé de Laventie, par exemple, les connaît tous. Ils sont du village. Ce qui se passe à Laventie se répète des jours et des semaines dans une bonne partie de la Flandre et du Brabant, de Valenciennes à Anvers et Tournai.



Répression

Ces expéditions sont menées par les luthériens, calvinistes, et autres adeptes de la religion réformée, des «sectaires» comme disent les catholiques. Ils ont décidé de quitter le christianisme, religion officielle du roi d’Espagne dont dépend alors la Flandre et l’essentiel de l’actuel département du Nord car l’Église catholique a perverti le message du Christ, disent-ils. En quelques jours, quatre cents églises sont dévastées, suscitant un mouvement quasi insurrectionnel à Valenciennes et au Cateau-Cambrésis. Un mouvement qui va bientôt rejoindre la fronde agitant une partie de la noblesse des provinces des Pays-Bas, l’actuelle Belgique, contre la politique du roi…

En 200 pages passionnantes, Alain Lottin mène son lecteur à la rencontre de ces Gueux – terme délicat puisqu’on trouvait aussi bien des paysans, des ouvriers, des journaliers que des nobles et des marchands. Le pouvoir ne restera pas l’arme au pied : le roi d’Espagne exige du gouvernement général de Bruxelles une répression «par le glaive, la corde, le feu». En quelques semaines, les Gueux sont pourchassés, massacrés, des familles entières contraintes à l’exil. Les victimes se comptent par milliers. «Une chape de plomb s’abat sur le pays, broyant les consciences.» Désormais, nos régions vont s’ancrer dans un catholicisme rigoureux sur lequel le protestantisme n’aura plus guère de prise.

•JEAN-MARIE DUHAMEL

«La révolte des Gueux» Éditions Les Échos du Pas-de-Calais, 196 p, 20 E

in LA VOIX DU NORD, édition régionale du 8 février 2008

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