mardi 5 février 2008

Février 2008 : un mois intercalaire !

Habituellement plus court que les autres, le mois de février cette année sera plus long d’un jour. Il reste malgré tout le plus court des mois de notre année et mérite bien par le mauvais temps qu’il nous amène très souvent, une série de dictons, bien justifiés, quelles que soient les régions :

«Avec février, on a de tous les mois, le plus mauvais et le moins long» dit-on en Lozère. Dans les Bouches du Rhône on dit : «Février de tous les mois est le pire, cent fois». Dans le Vivarais : «Le plus court des mois est février, mais aussi le plus guerrier» ou encore «Mois de février, le plus petit, le plus diable !» C’est pourquoi les dictons de ce mois sont pleins de sages recommandations et d’appels à la prudence. Pour les bergers : «Il vaut mieux voir un loup dans son troupeau qu’un mois de février trop beau !» Pour les vignerons : «Si tu tailles ta vigne au 28 février, tu auras du raisin plein ton panier» et à la cave : "Vin soutiré en février est toujours bien clarifié» Mis en tonneau le vin des dernières vendanges commence à fermenter et se trouble. Un premier soutirage est nécessaire. Mais, las ! Ce dicton des Charentes, ne semble plus d’actualité tant les méthodes naturelles de vinification ont évolué. Dommage ! Dans les champs : «pluie de février vaut jus de fumier» dit-on en Aquitaine. «En février, l’oie et la merlette, et tous les oiseaux doivent couver.». Ce sont ces observations qui sont à l’origine historique de la Saint Valentin : «Chaque bête cherche son pareil !».

On trouve encore «fleur de février ne va pas au panier» bien que chez nous dans le Midi «pas de février sans fleurs d’amandier !». Quant à la neige de février, les dictons se contredisent selon les régions : «Bon temps pour les blés» ou «brûle le blé» ( Provence ) ou «mets peu de blé au grenier» ( Aquitaine )… je me limiterai à la prudence la plus répandue qui veut qu’on se méfie de février et de ses sautes d’humeur qui annoncent celles de son voisin le mois de mars : «On ne sait jamais ce que février a valu, tant qu’il n’a pas montré son cul» ou, si vous voulez rester plus pudiques : «Février est un malin qui cache l’hiver au fond de son sac !»

De façon plus «technique» j’observe que cette année, la nouvelle lune du 7 février avec un nœud lunaire et une éclipse de soleil, non visible chez nous, pourrait amener du mauvais temps comme le prévoit le calendrier des postes - autrefois «du facteur» !- qui nous annonce de la neige fondue autour de ce jour, puis du beau temps pour la pleine lune du 21, avec une belle éclipse totale de lune ce même jour. Il sera intéressant d’observer cette éclipse, malgré l ‘heure tardive ( l’éclipse sera à son maximum à 3h26 (TU) soit 4h 26… !) parce que nous n’aurons plus d’éclipse totale de lune visible d’ici deux ans et 10 mois, et la prochaine éclipse ne sera même pas visible en totalité dans nos contrées. Voilà de quoi donner du grain à moudre à nos astrologues !

Je rappelle qu’une éclipse de lune se produit lorsque la lune passe dans la pénombre ou dans l’ombre de la terre, c’est à dire qu’il y a absence d’éclairement de la lune pour laquelle le soleil est masqué par la terre. Si nous étions sur la lune, ce serait alors une éclipse de soleil ! Pour nous sur terre, une éclipse de soleil se produit quand le soleil est masqué par la lune. C’est ce que nous dit bien la chanson : «le soleil a rendez-vous avec la lune, le soleil ne la voit pas et la lune ne le sait pas ! !» Voilà pour les rendez-vous du soleil et de la lune !

Le beau temps de cette pleine lune ne durera pas et la pluie arrivera pour les derniers jours, sans doute avec du vent à l’approche du 29. A vos observations ! Ce sera ce qu’on appelle «l’été de la Saint Valentin»

Mais auparavant nous fêterons la Chandeleur. L’Eglise fête le rite prescrit par la loi de Moïse, selon laquelle toute mère ayant mis au monde un enfant, était considérée comme impure pendant quarante jours si c’était un garçon, et quatre-vingt jours si c’était une fille. C’est aussi ce jour là, la présentation de Jésus au Temple. Cette fête s’appelle la Chandeleur, parce qu’on portait à la main des chandelles allumées en l’honneur de la Vierge Marie.

Les derniers jours de janvier, les Grecs fêtaient le dieu Pan qui avait la réputation de terrifier les campagnes et de séduire les femmes. Son apparition, réelle ou supposée, déclenchait une fuite générale : la «panique»… C’est là l’étymologie de ce mot.

A Rome, sur le même registre, on organisait les Lupercales, fêtes dédiées à la Louve qui éleva Romus et Romulus, fêtes de la fécondité. Les Romains s’assemblaient dans les rues avec des torches, pour manger des galettes de céréales en l’honneur de Proserpine. Cette divinité était la reine des enfers et aussi la protectrice du monde agraire. Chaque année elle remontait à la terre pour favoriser la germination des plantes. Certains débauchés parcouraient les rues de la ville en agitant des flambeaux, et vêtus de peau de bêtes semaient la «panique» au sein de la gent féminine.

C’est le Pape Gélase qui essaya de mettre fin aux orgies dans lesquelles dégénéraient ces fêtes et substitua aux lupercales la fête de la purification. Il eut l’idée alors de distribuer les galettes aux pèlerins affamés venus à Rome. On les appelait alors des «oublies». Ce sont les ancêtres de nos crêpes de la Chandeleur.
Il est également possible de faire un rapprochement avec les Parentalia romaines, c’est-à-dire la fête annuelle en l’honneur des morts, au cours de laquelle on veillait en s’éclairant de chandelles et de torches en honorant Pluton et les dieux. D’où peut-être cette vieille tradition qui faisait qu’on gardait les cierges bénis de la Chandeleur, pour pouvoir les allumer auprès des morts dans nos familles, ou encore pour les allumer quand il y a de l’orage, pour préserver de la foudre…. !
On retrouve également dans cette fête de la chandeleur, de lointaines réminiscences des fêtes de la purification chez les Celtes, qui l’hiver tirant à sa fin, célébraient la purification de l’eau pour assurer la fertilité et la fécondité avec le retour de la vie en cette fin d’hiver. C’était la fête d’Imbolc.

«A la chandeleur l’hiver meurt ou prend rigueur» ou «A la chandeleur, le jour rougit de douleur et le bout du nez pleure". On se souvient de l’hiver 56, et des oliviers gelés dans notre Midi.
C’est à ce même pape Gélase qu’on doit la saint Valentin qui va se télescoper avec le Mardi-Gras et le Carnaval. Je vous invite à relire mes chroniques des années précédentes sur ces deux sujets.

Carnaval, ce sont ces réjouissances profanes qui précédaient le Carême et s’achevaient dans la nuit de Mardi-gras par la mort de Carnaval ( de carnelevare : «ôter la viande» ) symbolisé dans la plupart des régions par un mannequin qui finissait brûlé, broyé, noyé ou pendu à la veille des quarante jours de jeune. A Paris, il y a eu longtemps la célèbre descente de la Courtille, l’actuelle rue du faubourg du Temple, après que les parisiens soient allés s’encanailler dans les courtilles de Belleville, entre la barrière du Temple et lointain village de Belleville, et notamment au cabaret du père Ramponneau, et à la Taverne Desnoyers, qui comptaient, au XVIIe siècle, parmi les lieux de divertissement les plus prisés de l’Est parisien. «Ramponneau cabaretier de la Courtille, vendait, en 1760, du très mauvais vin à très bon marché. La canaille y courrait en foule ; cette
afluence extraordinaire excita la curiosité des oisifs de la bonne compagnie. Ramponneau devint célèbre»
écrit Voltaire dans «Plaidoyer de Ramponneau prononcé par lui-même». Le cabaret de Ramponneau, situé du 1 au 5 rue de l’Orillon, à l’angle de la rue saint Maur, fut rebaptisé «Tambour Royal», nom que perpétue un petit Théâtre tout proche dans le passage Piver.

Carême -Entrant ou Carême Prenant, sont les trois jours qui précèdent l’entrée en Carême, le dimanche, lundi et mardi, avant le Mercredi des Cendres. «Soleil de Carême-Prenant est souvent là pour longtemps» ou «Vent du Carême-Prenant revient le plus souvent»
Le Carême c’est cette période de quarante jours (plus les six jours des dimanches) qui précède la fête de Pâques, en rappel des quarante jours de jeûne que le Christ observa dans le désert. Le jeune était une pratique courante en Orient. Le christianisme fit de ce geste un précepte des plus rigoureux. Cette règle d’hygiène de vie fit l’objet de très sévères interdictions. Le Concile de Nicée, en 325, interdit l’usage de la viande pendant toute l’année à ceux qui en auraient consommé pendant le carême. Puis il étendit l’interdiction aux laitages, au beurre et aux œufs, (c’est ce qui nous vaut la tradition des œufs de Pâques et de l’omelette) ; enfin l’interdiction engloba tout ce qui venait directement ou indirectement de l’animal. Les souverains eux-mêmes cautionnaient ces sévérités, tel Charlemagne qui punissait de mort toute violation des lois de l’abstinence. Ceux qui étaient dénoncés sans preuve échappaient au châtiment suprême mais avaient tout de même leurs dents arrachées. Quelques tentatives d’aménager ces rigueurs intervinrent avec le Pape Innocent III qui en 1216 instaura la pause de la Mi-Carême.

Charles V, grâce à un certificat de son médecin finit par avoir le droit de consommer du beurre et du lait. Henri II put obtenir de l’Église l’usage de la viande pour les malades. Ces entorses aux règles incitèrent les riches et les puissants à tenter de s’arranger avec le ciel grâce aux aumônes et autres œuvres de charité ou des dons aux églises ils parvenaient à passer le carême sans trop de peine. Les chefs de La Réforme s’élevèrent contre ces pratiques «pas très catholiques». Érasme affirmait dit-on que son âme était catholique mais son estomac luthérien…Henri IV, pour s’attirer les bonnes grâces de l’Église interdit à la corporation des bouchers de «vendre aucune chair pendant le Carême.» On pouvait tuer le porc mais seulement pour le saler. En 1595 la peine de mort fut reconduite pour les obstinés.

Dans certaines régions de France, on avait coutume pendant le carême d’exposer sur la cheminée un tableau composé d’une phrase de quarante six lettres. Chaque jour, à compter du mercredi des Cendres, on rayait une lettre. Le tableau était donc entièrement rayé la veille de Pâques. L’inscription engageait à la modestie : «Mors imperat regibus, maximis, minimis denique omnibus» ( la mort commande aux rois, aux plus grands, aux plus petits, à tous enfin !

Le Mardi-gras, juste avant l’entrée en Carême était jour de licence. Il y avait la traditionnelle élection du «bœuf gras» Dans l’Antiquité le bœuf sacré symbolisait le cycle du soleil. Il était le symbole de l’agriculture, du courage, de l’endurance, de la force mais aussi de la patience. Les Gaulois égorgeaient l’animal dans un service sacrificiel auquel le christianisme mit fin en interdisant les offrandes païennes.
Les bouchers avaient le privilège de fournir le bœuf de la parade. A partir de 1597 leur corporation se défendit contre les prétentions exorbitantes des évêques sur les animaux débités car ils ponctionnaient une part et non la moindre sur les viandes. Un jury sélectionnait des bœufs âgés de quatre à six ans en fonction de critères de poids, de robe. Selon la coutume des régions d’élevage, les bœufs paradaient pesamment et confiants jusqu’au sacrifice! «Les bœufs du Carnaval avec leurs culs comme une banaste, leur lent ondulement, leurs yeux maquillés de rose et leurs maquignons vêtus de noir» étaient acclamés par tous à travers rues et places. Sacrifice en moins, on se croirait à nos comices agricoles ou au salon de l’Agriculture. Ces parades cessèrent à la proclamation de la première République puis ne reprirent qu’à la suite d’une ordonnance du 23 février 1805. On trouve ici et là, localement, la trace de ces vieilles coutumes.

Toutes ces fêtes et rites divers ont leur origine dans ces rites et fêtes païennes que j’ai souvent évoqués. Tout comme pour la fête de la saint Luce il s’agit avant tout de célébrer la victoire de la nuit sur les ténèbres, avec le jour qui devient plus important que la nuit, la nature qui commence à se réveiller malgré les derniers assauts de l’hiver. C’est ce qu’on retrouve dans la galette ou les crêpes qui symbolisent le soleil, et avec des œufs, et tout ce qu’on peut faire avec, ce qui symbolise la naissance et la vie, sans oublier le printemps qui s’annonce avec la saint Valentin, devenue une bonne affaire commerciale. Là dessus se sont greffés à travers les siècles et selon les pays et les peuples, toutes sortes de festivités, rites et autres habitudes dont on a souvent aujourd’hui perdu le sens premier.

Conserver les fêtes et traditions populaires ce n’est ni être traditionaliste, ni être conservateur. Elles font partie de nos vies tout comme le folklore. Les supprimer ou en modifier les usages, et les adapter à nos modes de vie, c’est montrer notre capacité d’adaptation et d’évolution. Pourvu que le vrai sens ne soit pas oublié et que le bon sens triomphe ! C’est ce que nous avons fait à Uzès avec une messe votive au grand saint Antoine à l’occasion de «la journée de la truffe» !

Un peu d’humour avec l’histoire, la «petite histoire» comme on dit !
Nous connaissons tous et apprécions les fameuses «Crêpes Suzette». Leur origine serait la suivante : en 1903, Edouard VII roi d’Angleterre fit une visite officielle en France. On se souvenait dans certains milieux parisiens des frasques du Prince de Galles. Le prince se rendit dans l’établissement d’Henri Charpentier, qu’il avait bien souvent fréquenté. On servit des crêpes et le restaurateur eut l’idée de verser de l’alcool dessus pour les faire flamber. Il dit en regardant le prince en bonne compagnie : «Nous les appellerons « crêpes princesse » ! ». « Disons plutôt Suzette !» rectifia galamment le prince avec sans doute un clin d’œil vers la dame qui était à ses côtés. C’est ainsi que la jolie Suzette est passée à la postérité.

On raconte aussi qu’à la Chandeleur de 1812, Napoléon 1er avait tenu à faire sauter des crêpes, selon la tradition, tenant la poêle d’une main et une pièce de monnaie dans l’autre pour que cela lui porte bonheur. Mais il loupa la cinquième crêpe qu’il fit. Quelques mois plus tard, pendant la campagne de Russie, devant Moscou fumant, il dit à Ney : «C’est ma cinquième crêpe !»
Moi je dis qu’il aurait dû regarder de plus près le calendrier et la lune comme je vous y invite si souvent !

A Diou sias !
Jean Mignot

le 3 février 2008

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