mardi 22 janvier 2008

Dunkerque : Les Chantiers de France dans la Grande Guerre

Les Chantiers de France, malgré tout !

En passant près du bastion 32, l’on se souvient d’un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître : Dunkerque, c’était aussi les Chantiers de France ! Logique, il ne reste quasiment plus rien des Chantiers hormis la "cathédrale" et une façade de hangar.

Durant la tourmente de la Grande Guerre, les chantiers connaissent leurs heures de gloire. Non content d’accueillir les hydravions militaires dès décembre 1914, les ouvriers des Chantiers de France continuent de travailler malgré la guerre…

Avant 1914, ils occupent près de 2.000 ouvriers qui sont quasiment tous mobilisés a l’entrée en conflit. Fait rare, ceux-ci reviennent travailler lors de leurs permissions ! La désorganisation prend fin en quelques semaines en rappelant des ouvriers non mobilisables. L’activité est alors toute entière tournée vers la production de guerre. On quitte le domaine exclusivement maritime pour blinder des automobiles, des locomotives et des wagons armés de canons. On y teste la construction de lance-bombes, de boucliers roulants … qui n’eurent pas toujours les résultats escomptés. Quoiqu’il en soit, les Chantiers ont livré pas moins de 300.000 grenades, des milliers d’obus de 200 mm, près de 500 caissons de canons de 75, des affûts d’artillerie… Mais l’activité principale des ateliers reste la construction navale.

Tourné vers la mer
Cinq jours avant l’entrée en guerre est lancé l’Athos, un paquebot de 19.500 tonnes appartenant aux Messageries Maritimes. Envoyé à Brest en avril 1915, il est torpillé par un sous-marin en février 1917 au large de Malte, entraînant dans la mort 754 personnes sur les 2.200 à bord. Trois autres navires sont encore sur cale en 1914 que les ouvriers achèvent tant bien que mal sous le feu allemand.

Quelques semaines plus tard, le navire suivant, le Devon, un cargo de 12.500 tonnes construit pour un armateur anglais est mis à l’eau et immédiatement convoyé à Londres.
Les Chantiers reçoivent des ouvriers sans cesse plus nombreux mais l’effectif reste longtemps à environ 700 hommes qui, galvanisés par les attaques, oeuvrent à l’achèvement de deux navires restés sur cale.

Le 9 novembre 1916, le troisième paquebot, le La Pérouse, est lancé devant les autorités civiles et militaires, entièrement armé et chaudières allumées, tant et si bien qu’il fut mis en service par la Compagnie Générale Transatlantique moins d’un mois après sa mise à l’eau. En 1917, ses activités sont essentiellement tournées vers la réparation navale. Il est vrai que les combats sont terribles et que nombre de navires de guerre nécessitent d’être remis en ordre de combat. Les besoins étant de plus en plus pressants avec la guerre maritime à outrance, l’on y arme aussi des navires civils en installant blindages et canons.

Au moment de l’offensive allemande au travers des Flandres en mars-avril 1918, se dresse le centième navire sur la cale, un navire imposant de 145 mètres de long, 18,5 de large et 23 de haut. Le mastodonte, presque achevé, a néanmoins été touché par trois torpilles aériennes. Devant l’urgence, l’Etat envoie les ouvriers de ses propres arsenaux pour aider les Dunkerquois. De fait, les Allemands concentrent leurs tirs sur le navire. Les chantiers sont pris pour cible par la pièce de Leugenboom les 2, 3, 14, 18 et 20 avril puis par les escadrilles teutonnes. Le cargo 100 est malgré tout achevé, lancé armé et chaudières allumées pour se diriger immédiatement sur Cherbourg, escorté par l’Obusier et plusieurs torpilleurs. Le navire quitte son ber le 24 avril 1918 au matin sous les ordres du Capitaine Leroux et du pilote Leleu mais il part sans cérémonie officielle, sans baptême, ni fanfare, avec la foule des militaires pour seuls témoins mais contrairement à ce qui est prévu, il doit attendre le lendemain matin pour quitter le port car l’on vient de découvrir que des mines déposées dans la nuit par un sous-marin barrent les passes. Il faut 20 heures pour les éliminer. Parti en mer sans nom, il recevra par la suite celui de Jacques-Cartier et sera par la suite le navire-école des élèves-officiers de la Marine Marchande.

Les sacrifices des ouvriers des Chantiers ne passent pas inaperçus puisqu’une citation saluant leur courage est leur est attribuée le 14 juillet 1918.

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