Du mois de juin 2009
Juin est un mois qui commence presque toujours avec des sautes d’humeur, comme le temps qu’il fait pendant le tournoi de Roland Garros. Cette période bien connue des météorologistes a été baptisée « la mousson d’Europe ». C’est un mois qui souffle le chaud et le froid, ce qui lui vaut toute une kyrielle de dictons, qui disent tout et le contraire, tant on a besoin que ce mois soit beau pour les foins et pour les moissons.
« Chacun sait, ma saison est belle,
Je suis le mois de juing nommé
Qui fait tondre, la chose est telle,
Brebis, moutons a grant planté.
En tous temps doit estre loué
Celluy qui tant de biens envoyé,
Car en mon temps, c’est vérité,
Abondent tous biens à montjoye… »
Grand Calendrier des bergers, Guiot Marchant 1496
Je suis le mois de juing nommé
Qui fait tondre, la chose est telle,
Brebis, moutons a grant planté.
En tous temps doit estre loué
Celluy qui tant de biens envoyé,
Car en mon temps, c’est vérité,
Abondent tous biens à montjoye… »
Grand Calendrier des bergers, Guiot Marchant 1496
Qualifié de «mois « brillant » de Charlemagne», sans doute à cause de la victoire de celui-ci sur les Lombards en 774. Juin est le mois des jours les plus longs, le mois des roses, de la fauchaison, de la fenaison dans le Midi, de la taille «au vert», des dernières semailles du maïs, du sarrasin et des légumes d’automne. C’est le temps des cerises, des groseilles, des framboises, de la splendeur de la nature et de ses récompenses. Juin nous amène les jours les plus longs avec douze minutes de plus soit une durée de seize heures pour la course du soleil, au moment de son solstice.
La pluie de juin est donc redoutée car si elle est persistante elle va entraîner un déficit de chaleur qui pourrait occasionner la dégénérescence des fruits et le pourrissement des fleurs. Le pollen entraîné par les averses, «coule» avant qu’il n’ait pu féconder les fleurs.
«Juin pluvieux vide celliers et greniers» ou encore «Eau de juin ruine le moulin» par voie de conséquence. !
«Temps trop humide en juin, au paysan est grand chagrin».
On préfère souhaiter du beau temps : «Beau mois de juin, change herbe rare en beau foin» ou «Beau temps en juin abondance de grain». La vigne participe à cette allégresse : «Prépare autant de tonneaux qu’en juin seront de jours beaux».
Las ! Juin c’est le mois de la Saint Médard, le saint sans doute le plus célébré par la verve «dictonne» : «S’il pleut à la saint Médard, il pleuvra quarante jours plus tard !». Il faut pourtant apporter ici une précision d’importance. Ce dicton daterait du XI ème siècle. A cette époque, on vivait encore sous le calendrier julien. La saint Médard était alors située le 20 juin, à proximité du solstice d’été qui était alors le 24 juin, période où la lumière solaire est la plus vivifiante, et époque où les influences astronomiques peuvent amener des troubles atmosphériques se traduisant par des orages et de la pluie. S’il fait beau ou pluvieux ce jour-là, les conditions de la saison s’en ressentiront sûrement. Cette forte croyance populaire avait donc sous le calendrier julien des bases météorologiques solides. Avec les modifications du pape Grégoire XIII en 1582, la saint Médard gagna douze places (8 juin) et sa pluie a perdu l’importance que les adages populaires continuent de lui prêter. On adopta alors saint Barnabé pour donner un sens restrictif aux dictons de la saint Médard. Mais les automatismes ont la vie dure ! «Quan ploou pers an Médar, De la recolto empouerto un quar ; Quan ploou pa, N’empouerto la mita.» (Quand il pleut pour la saint Médard, de la récolte il manque un quart, quand il ne pleut pas, il en manque la moitié).
En réalité, comme je l’ai si souvent rappelé ici, c’est de l’influence de la lune qu’il faut parler. Voyons donc où en est sa courbe avec les passages délicats qui sont toujours sources de perturbations.
La pleine lune est le 7 et elle sera à son apogée le 10. On peut penser qu’il pourrait faire beau temps. Voyez les nuances… malgré la saint Médard le 8 juin.
Pour ce qui est du personnage du saint et de sa fête en ce 8 juin, il n’y a qu’une lointaine relation de cause à effet. En effet saint Médard était un jeune picard, né à Salency, en 457, puis devenu évêque de Noyon. Il est connu pour être resté tout un jour sous une pluie battante – sans doute une de ces violentes pluies d’orages fréquentes en ces périodes - sans être mouillé. De là à en faire un « marchand de parapluies » !
Au siège de Namur, en 1692, la saint Médard n’a pas failli à sa renommée. «Le beau temps se tourna en pluies, de l’abondance et de la continuité desquelles personne de l’armée n’avait vu d’exemple, et qui donnèrent une grande réputation à saint Médard. Il plût ce jour-là à verse, et on prétend que le temps qu’il fait ce jour-là dure quarante jours de suite. Le hasard fit que cela arriva cette année. Les soldats, au désespoir de ce déluge, firent des imprécations contre ce saint en recherchant, des images et les rompirent et brûlèrent tant qu’ils en trouvèrent.» écrit Saint-Simon dans ces Mémoires.
On ne peut dissocier Saint Médard de son compère Barnabé. : «Quand il pleut à la saint Médard, si Barnabé ne lui ferme pas son bec, il pleut quarante jours après !» C’est ce qui justifie le dicton suivant : «Le jour de la saint Barnabé ( le 11 juin), est le plus beau jour de l’année.» C’est lui en effet qui vient : «Couper l’herbe sous les pieds» de son compère, baptisé de «grand pissard et «reboutonner sa culotte». Pour faire le pendant à son compère Médard, on dit que Barnabé était «marchand d’ombrelles» !
Mais s’il pleut pour la saint Barnabé, c’est un mauvais présage : «S’il pleut pour la saint Barnabé, mauvaise affaire !».Avec leurs compères Gervais et Protais que l’on confond souvent avec les saints de glace dont je vous ai entretenus le mois derniers, les choses ne vont pas mieux : «S’il pleut à la Saint Gervais ( ou la veille) pour les bleds, c’est mauvais signe, car d’iceux la tierce partie est ordinairement pourrie, à cause que pendant trente jours le temps humide aura son cours. Que si tel jour était serein, qu’on assure d’avoir du grain». Observons donc le temps de ce 19 juin pour les récoltes et aussi pour organiser nos fêtes et réunions de famille de cet été.
Le nouveau mois lunaire cette année, commence le 22, lendemain du solstice d’été, et la courbe de l’orbite lunaire à son périgée le 23. C’est dire qu’on peut prédire presque à coup sûr des perturbations atmosphériques ces jours-là. Ou des orages ! La fête de la musique et les feux de la saint Jean ne vont pas se dérouler sous les meilleurs auspices. Je peux me tromper. Je ne suis pas astrologue et encore moins météorologue.
Pour donner une note plus sereine je parlerai encore ici de la fête de la musique, désormais fixée au 21 juin alors que l’origine sa véritable origine serait à situer pour la belle fête de la Saint jean le 24, puisque c’est à cette fête que l’on doit le nom des notes de la gamme.
C’est un moine, Guy, de la petite ville d’Arezzo en Toscane, proche de Sienne, qui au XI ème siècle, en recherchant à la fois un système de notation musicale et un système de codification des intervalles musicaux, a imaginé ce qu’on désigne aujourd’hui par le mot de «gamme». Alors qu’auparavant les notes étaient choisies dans les premières lettres de l’alphabet, c’est lui qui inventa le procédé mnémotechnique par lequel on nomme les notes de la gamme dans les pays latins, à partir des syllabes initiales de chaque vers de l’hymne des Vêpres de la fête de saint Jean Baptiste :
Ut queant laxis
Resonare fibris
Mira gestorum
Famuli tuorum
Solve polluti
Labii reatum
Sancte Ioannes.
Ce qui signifie approximativement:( Pour que puisse résonner sur les cordes détendues de nos lèvres, les merveilles de tes actions, enlève le péché de ton impur serviteur, O saint Jean.) et n’a pas grand chose à voir avec la musique elle-même !
Ce détail historique est bien connu des bons amateurs de musique, même si quelques chercheurs tentent une nouvelle approche, comme récemment en 1988 MM Chailley et Viret dans La Revue Musicale, qui voudraient interpréter autrement cette origine du nom des notes. Ce serait dommage d’effacer cette jolie histoire !
La musique est bien au cœur du solstice et de la fête du grand saint Jean. Cette belle fête d’été se situe au moment où le soleil brille le plus longtemps. Elle a remplacé les fêtes païennes du solstice d’été et les feux de joie que l’on allumait un peu partout dans les campagnes au soir du 23 juin, tradition qui s’est perpétuée à travers les siècles et encore aujourd’hui dans nos campagnes et même à Paris au pied de la Butte de Montmartre. Seuls la sécheresse et les risques d’incendie, ou les orages, viennent perturber ces vieilles coutumes !
"A la Saint Jean, les feux sont grands". Pour ces feux, on collectait autrefois, fagots et bûches, de maison en maison : tout refus attirerait des calamités sur la famille ! A la nuit noire, le bûcher était allumé par le prêtre, ou parfois les derniers mariés, ou encore des enfants prénommés Jean ou Jeanne. Rondes et concours de sauts allaient bon train. On récitait des prières.
La fumée du feu de la saint Jean est sensée protéger enfants et animaux des maladies et paraît propice à la fécondité. C’est le moment, pour les jeunes couples, de faire connaître leur intention de mariage sautant au dessus du feu main dans la main. Pour autant, ce n’est pas la bonne époque pour la noce : gros travaux obligent ! On attribue aux feux de la saint Jean des pouvoirs «fécondants». On brûle plantes parasites et animaux répugnants comme les serpents, les rats, les crapauds. La braise, recueillie dans un sabot, est répandue dans un champ ou un jardin pour éloigner les nuisibles. Les cendres ont des vertus purificatrices pour les couples et les animaux ; Un tison placé sur le rebord de la fenêtre protège de la foudre ou de l'incendie.
Au matin de la Saint Jean, il est bon de puiser de l’eau à trois endroits différents pour se préserver des maladies de peau. La nuit du 23 au 24, à la clarté de la lune, «al rai de la luno», ou le matin, avant l’aube, il faut cueillir les fameuses «herbes de la saint Jean», «lis erbo de sant Jan» appelées aussi «li planto de la luna». C'est en effet, lors du solstice d'été que les plantes contiennent le plus d'énergie.
On en dénombre une bonne trentaine. La plus réputée est le millepertuis qui protège du tonnerre, chasse le diable. On l’appelle chez nous «l'erbo de l’oli rouge» car on fait infuser les sommités dans le l’huile. Auparavant on fait passer les graines cueillies, par trois fois dans la flamme du feu en criant : «Sant Jan la grano !». On l’appelle aussi la «casso-diable». Vient ensuite l'armoise ou «ceinture de saint Jean». Plutarque disait que l ‘écume ramassée sur l’infusion de cette plante, préservait les bergers de la morsure des serpents, et Apulée affirmait que porter de l’armoise sur soi empêche de sentir la fatigue du voyage. C’est l’herbe de la route bien connue des pèlerins. «Se sabiés li vertu de l’artemiso, n’en garniries l’orlet de ta camiso» "si tu savais les vertus de l’artémise, tu en garnirais l’ourlet de ta chemise". Elle passe pour avoir des vertus pour guérir le mal des yeux. On dénombre aussi l'orpin «poivre de muraille» ; la verveine qui aurait le pouvoir de prémunir contre les cauchemars ; l'immortelle «herbe de saint Pierre» ; la fougère mâle qui fleurit à minuit sonnant, et produit ses graines et les sème dans l'heure qui suit ; l'épervière, plante du soleil, employée par les druides pour chasser les démons, la sauge, la camomille, ou encore le salsifis sauvage pour préparer des remèdes capables de guérir bêtes et gens. Les pétales de lys seront présentés à la flamme puis mis à macérer dans l’eau de vie et serviront à soigner les plaies, notamment les brûlures, en prononçant cette formule : "Saint Jean le Désiré, où es-tu donc resté? Derrière un pied de blé fleuri et grainé ?" On trouve aussi dans la liste les feuilles de noyer et le lierre terrestre…
Ces plantes sont montées en bouquets, en croix ou en couronnes et mises au fronton des portes afin de porter bonheur, c'est : «le bouquet de la bonne aventure»
Nous n’oublierons pas, dans la nuit de la saint Jean, de cueillir les noix, ou les feuilles du noyer, pour faire le vin de noix à offrir aux amis.
Voilà pour ce mois de juin dont l’étymologie na pas été établie avec certitude. Peut-être que ce nom viendrait de l’époque de la république, à Rome et du premier consul Junius Brutus, fils adoptif de Jules César.
On dit aussi que «juin» viendrait de juniores, «jeunes gens», tout comme «mai» viendrait de majores, «hommes âgés». La chose la plus probable, compte tenu que le nom de ce mois vient du premier calendrier romain, est que «Juin» vient bien de Junon, selon une habitude courante chez les habitants du Latium à cette époque, de dédier à un dieu chacun des mois de l’année avant qu’on ne fixe des noms liés au système numérique.
C’est le mois des mariages et des mères à cause de la référence à Héra et la maturité qu’elle symbolise. Des quantités de croyances et légendes populaires en découlent dont par exemple la tradition en vigueur dans les temples de Junon qui voulait que les femmes se coiffent en séparant leur chevelure en deux, théoriquement avec la pointe d’une lance, pour symboliser la fusion des principes lunaire et solaire. C’est sans doute l’origine de cette coiffure des jeunes filles que l’on appelle les couettes !
C’est à cette date que les domestiques saisonniers sont loués pour les grands travaux de l’été : un nouveau cycle commence.
Bon mois de juin !
Addisias.
Jean Mignot le 1er du mois de Juin 2009
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