Du mois de mai 2009
Voici le mois de mai que nous attendons tous, en particulier à cause de la série de ponts et de jours fériés qu’il amène, en espérant bien sûr qu’il va faire beau, malgré la lune rousse qui, au milieu de sa course autour de nous avec son cortège de saints de glace, nous invite à rester prudents, même si le ciel est provisoirement au beau fixe.
Comme on vous a déjà tout dit sur le 1er mai et son origine ou sur le muguet, porte-bonheur, charmante coutume, peu ancienne et à l’origine douteuse, j’ai cherché pour trouver sur quel vous entretenir. J’ai voulu éviter ce qu’on appelle, dans le jargon des salles de rédaction, un «marronnier» c’est à dire un sujet incontournable qui revient à date fixe, comme le sapin de Noël ou les chrysanthèmes de la Toussaint. Mais voilà, un marronnier en journalisme étant un article d'information de faible importance meublant une période creuse, consacré à un événement récurrent et prévisible, j’ai cherché à faire plus «original» et nouveau ! Déjà en donnant ici une explication sur c’est qu’est un «marronnier». Pour ma part j’avoue que je ne connaissais pas cette expression. Tout comme le marronnier (l'arbre) qui invariablement, tous les ans, produit ses fruits, le marronnier journalistique reproduit les même sujets avec plus ou moins d'originalité. Les sujets débattus dans un marronnier sont souvent simplistes, parfois mièvres.
L’origine de ce terme, viendrait, dit-on, d’un beau marronnier qui fleurissait chaque début de printemps sur la tombe des Gardes Suisses tués par les émeutiers le 20 juin 1792. Tous les ans, un article paraissait dans la presse pour relater l'évènement, de faible importance il est vrai, mais attendu par les lecteurs.
Le «marronnier» a cette particularité de gêner plus celui qui écrit, que le lecteur : le premier doit transformer ce qu'il ressent souvent comme une corvée en un papier comportant une accroche ou un angle d'attaque nouveaux et intéressants, tandis que le second serait frustré, à juste titre, de ne pas voir les repères du cycle annuel (les fêtes, par exemple) ou les efforts d'organisation d'un événement par une association ou un comité. Comment faire preuve d’originalité alors, puisque la qualité première du «marronnier» est qu'il n'est jamais rédigé dans l'urgence, puisque sa parution est programmée… d'une année sur l'autre, presque comme mes chroniques !
Voici donc une chronique qui parle plus des coutumes et traditions puisque sur le mois de mai, la lune rousse et les saints de glace je vous ai presque tout dit avec toute une litanie de dictons, dans ma précédente chronique. Je fais seulement remarquer que le temps n’est pas si beau que ce que l’on voudrait et que personne n’a encore parlé de lune rousse !
Le nombre de commémorations, de fêtes ou de journées dédiés à telles ou telles causes plus ou moins importantes, chacune pouvant à elle seule justifier un jour férié et des manifestations, atteint le chiffre record de 19 pour ce seul mois.
Cela va de la très grave journée mondiale de l’asthme, le 2 mai, c’est la période des allergies avec le pollen des plantes des arbres et des fleurs, à la journée des espèces menacées le 11, à celle de la lutte contre l’homophobie le 17, en passant par la journée européenne de la mer le 20, ou par celle de diversité culturelle le 21. Je relève encore la si noble cause des enfants disparus le 25, ou à plus originale journée de la Serviette le 25, Towel Day, qui célèbre par le port d’une serviette le deuil de l’auteur de science-fiction Douglas Adams, ou à la plus fantaisiste Journée sans pantalon le 5 mai.. Une certaine idée de la liberté, qui remonterait aux années 1985/1986, inventée probablement à l’Université d’Austin, journée où le port du pantalon, est banni, mais celui des jupes, robes shorts et kilts! mais oui ! Il y a des photos très drôles sur internet sur ce sujet. Il faudrait aussi citer en début de mois la fête de Beltaine grande fête religieuse de l’année celtique, qui après la fête de Samain, marque la fin de la saison sombre, (voir Halloween en début novembre). Il ne faut pas oublier la Journée mondiale de la liberté de la presse le 3 mai, ou le si grave Mémorial day du dernier lundi de mai aux USA. La belle fête des Voisins le dernier mardi du mois soit le 26 mai cette année, prend de plus en plus d’ampleur. Elle est due à Atanase Périfan, qui avait lancé cette idée dans le 17ème arrondissement de Paris en 1999. Il y a encore le National Sorry Day, qui est lui un évènement australien de demande de pardon aux Arborigènes pour le tort causé à leurs familles. Il y a encore le Cinco de Mayos au Mexique qui remémore la triste expédition française du Mexique, le Kodomo no hi Jour des enfants au Japon. Et encore l’anniversaire de Boudha le 2 mai cette année, sans oublier nos amis Canadiens avec leur fête de la Reine ! et j’en oublie sûrement !
Voila de quoi alimenter nos échanges et discussions et des prises de position plus ou moins sérieuses.
Je parlerai quand même du 1er mai car indépendamment de l’actualité il nous amène facilement à la question du repos dominical En 1889 le congrès de la IIème Internationale socialiste réuni à Paris pour le centenaire de la Révolution française, avait décidé de faire du 1er mai un jour de lutte à travers le monde avec pour objectif la journée de huit heures, en mémoire du mouvement du 1er mai 1886 de Chicago.
Dès 1890, les manifestants arborent un triangle rouge symbolisant leur triple revendication : 8 heures de travail, 8 heures de sommeil, 8 heures de loisirs. Cette marque est progressivement remplacée par une fleur d'églantine, puis en 1907 par un brin de muguet, souvent associé à une rose rouge ou à quelque chose de rouge.
On a un peu trop vite oublié les longues luttes qui ont abouti à faire du dimanche un jour non travaillé. Il faut se souvenir que, en France, le dimanche est devenu jour de repos et de la famille après une longue mutation qui s’amorça au milieu du XVIIIème siècle pour s’achever en 1906.
Des Philosophes des Lumières, farouches anticléricaux et libéraux, jusqu’au Premier Empire autoritaire, avaient jugé à l’instar de Napoléon que « si le peuple mange le dimanche, il doit pouvoir travailler le dimanche. » Cependant entre 1802 et 1814, le dimanche chômé est prévu pour les administrations publiques et les institutions judiciaires.
C’est sous la Restauration, en 1814, qu’une première loi imposa le repos dominical assorti de sanction financière et pénale pour ceux qui ne l’appliqueraient pas.
En parallèle, héritée du mouvement révolutionnaire de 1789, naissait dans le milieu ouvrier la culture contestataire de la "Saint Lundi". Ces défenseurs du lundi chômé refusaient le symbole religieux contenu dans ce 7ème jour de la semaine ; ces laïcs militants profitaient également de cette journée de repos pour organiser des meetings politiques, les rassemblements syndicaux et les déjeuners citoyens.
Avec l’arrivée des Républicains en 1879, une série de dispositions législatives et réglementaires laïcisent le pays. En 1880 ils votent l’abrogation de la loi de 1814, du même coup celle du repos dominical. L’employeur est seul juge pour accorder ou non un jour de repos hebdomadaire et libre de fixer ce jour. Une forte opposition va naître contre cette loi rassemblant aussi bien les membres du clergé, la droite traditionaliste, les partisans de la famille, des socialistes réformateurs ou encore des médecins hygiénistes alertés par les conditions de travail et de santé des employés. Leurs nombreux arguments sont aussi divers que variés : renforcement du lien familial garant des bonnes mœurs, éducation de la masse ouvrière par des activités culturelles inaccessibles en semaine, repos du corps, diminution du risque de délabrement physique ou moral, augmentation de la productivité, le devoir d’assister à la messe, l’unification du rythme de vie de tous les citoyens, mais aussi faciliter la tâche… de l’inspection du travail ! La déchristianisation étant assez avancée et les preuves de la laïcité de l’Etat faites, le caractère religieux du dimanche pouvait passer largement au second plan. Mais au sein du mouvement ouvrier comme chez certains grands patrons, c’est un tollé. L’attention y est surtout focalisée sur la mise en place ou non des «trois-huit» et de nombreuses raisons de réticence au dimanche chômé subsistent. Certains craignent une baisse conséquente des salaires, d’autres y voient une entrave à la liberté du travail ou encore un renforcement de l’emprise cléricale et surtout une mesure de plus prise dans le processus de «disciplinarisation» de la main-d’œuvre.
Finalement après de multiples débats houleux, le repos hebdomadaire, pour le privé comme pour le public, pour les femmes comme pour les hommes, est fixé au dimanche. Mais ce n’est qu’après la guerre de 14-18 qu’il sera réellement appliqué et encore avec des difficultés – commesouvent - dans l’industrie et le commerce. Notons également qu’en 1917, la semaine anglaise apparaît – bien que confinée dans un cadre étroit puisque appliqué uniquement aux ouvrières du textile ; cette mesure sera appelée « le samedi du balai ». Elle sera finalement généralisée en 1936, lors de la mise en place de la semaine de quarante heures qui prolonge sensiblement le repos hebdomadaire ; la semaine de cinq jours était née. Et maintenant on a les 35 heures !
Alors va-ton en 2009 oublier cette histoire récente et céder à la pression des groupes financiers, commerciaux ou industriels, avides de main-d’œuvre peu onéreuse et toujours disponible, pour abroger la loi de 1906. Outre la rentabilité économique et l’augmentation des emplois, les arguments invoqués détournent les arguments familiaux de 1906 : cela répondrait, dit-on, à une demande des consommateurs de faire leurs courses et activités culturelles le dimanche. A cela on peut citer le rapport du Conseil Economique et Social qui, en 1989, a détruit un à un ces arguments en affirmant qu’au contraire cela entraînerait la destruction du commerce de proximité, l’affaiblissement financier des fournisseurs, le développement du consumérisme et par-dessus tout, l’exclusion familiale et sociale des employés travaillant le dimanche. Une circulaire ministérielle en 1994 rappelle encore «ce principe fondamental du repos dominical» en précisant : «Le respect de cette réglementation constitue à la fois une règle protectrice des salariés et une condition du maintien de l’égalité entre commerçants». Souhaitons que nos ministres de 2009 aillent rapidement faire un tour dans leurs archives, cela leur évitera d’une part de se contredire tous les dix ans et d’autre part d’oublier ces siècles de combats d’hommes et d’idées de tous bords, pour ce repos, pour tous, le dimanche.
J’aimerai faire un autre rappel d’une bien vieille tradition de l’histoire de nos ancêtres. Une très vieille coutume voulait que ce soit le mois où se tenaient les assemblées politiques. Nous en avons quelques exemples récents !
En réalité, cela se passait d’abord au mois de mars chez les Francs. Les guerriers se réunissaient autour de leur chef, dans un lieu qu’on appelait «le Champ de Mars». Si le discours des chefs plaisait, les guerriers applaudissaient en frappant leurs boucliers de leurs framées. Sinon ils étouffaient sa voix par des murmures. Les framées ont été remplacées par les vociférations de nos élus dans les assemblées qui ne pouvant plus faire claquer leurs pupitres jouent à qui crie le plus fort ! Je préciserai aussi que chez les Francs, il n’était pas question d’absentéisme ! Ceux qui ne participaient pas s’excluaient d’eux-mêmes de la vie publique ! Sujet récurent encore aujourd’hui !
Sous Charlemagne, la date de ces assemblées fut repoussée au mois de mai. Les évêques, qui sous Clovis avaient été admis à ces assemblées, avaient pris un rôle prépondérant, rejoignant le pouvoir des comtes et seigneurs et le rôle des guerriers s’effaçait peu à peu. Ces assemblées disparurent à la fin de l’empire carolingien ; «les champs de mai» furent remplacés par «les Etats Généraux». On se souvient en particulier de ceux de mai 1302 sous Philippe le Bel et de ceux de mai 1789 ! Quand on voit les difficultés de faire des réformes, on peut se demander parfois à quoi tout cela à servi !
Pour ce qui est de la coutume du muguet, il semble que le «lys des vallées», une plante originaire du Japon, soit présente en Europe depuis le Moyen-Age. La plante à clochettes a toujours symbolisé le printemps et les Celtes qui lui accordaient des vertus porte-bonheur.
Le 1er mai 1561, le roi Charles IX officialisa les choses : ayant reçu à cette date un brin de muguet en guise de porte-bonheur, il décida d'en offrir chaque année aux dames de la cour. La tradition était née.
La fleur est aussi celle des rencontres amoureuses. Longtemps, furent organisés en Europe des "bals du muguet". C'était d'ailleurs l'un des seuls bals de l'année où les parents n'avaient pas le droit de cité. Ce jour-là, les jeunes filles s'habillaient de blanc et les garçons ornaient leur boutonnière d'un brin de muguet.
J’aurai pu parler ici de «l’arbre de mai» rite de fécondité lié au retour de la frondaison, qui symbolise les forces de la nature domestiquées par les ancêtres. Maibaum en Bavière, Meyboom à Bruxelles, Mai de Silly dans le Hainaut, arbre planté devant le domicile des élus, en Corrèze, en Dordogne, dans le Limousin ou en Val d’Aoste et aussi dans les village de nos Cévennes, et de façon plus répandue dans tout le monde occitan, avec toutes sortes de variantes locales comme à Cucuron dans le Vaucluse, ou dans les landes.. Et de bien d’autres coutumes locales !
Quant aux vieux dictons pour ce mois j’en citerai encore quelques-uns en guise de conclusion, en vous invitant à relire ma précédente chronique pour ce qui est de la lune et du temps. «Chaleur de mai verdit la haie» comme on dit en Savoie, ou «Dieu nous garde de la poussière de mai et de la fange d’août» comme on dit en Corrèze. En Beauce on trouve "Du mois de mai la chaleur fait de tout l’an la valeur, mais s’il est pluvieux, c’est le laboureur qui est heureux». Pourtant la pluie de mai peut faire pourrir les glands indispensables pour nourrir les cochons «Eau de mai tue le porc de l’année».Il est vrai qu’on les nourrit aujourd’hui de toute autre façon ! Plus prudent, ce n’est pas en Normandie mais dans les Ardennes qu’on trouve «Mai fait, ou défait !». Pas de risque de se tromper. Dans le Vaucluse on dit «Mai humide, beaucoup de paille et peu de grain ; aujourd’hui fèves et demain faim».
Quant aux conseils de prudence on trouve tout et son contraire : «Celui qui s’allège avant le mois de mai, certainement ne sait pas ce qu’il fait» rejoint le vieux dictons si connu qui recommande de ne pas quitter un fil en avril. Mais on si on dit en Provence «Mai, quitte ce qui te plait», en Lorraine on préfère rester sur la réserve «Pendant le mois de mai, couvre-toi plus que jamais».
Ce que reprend ce dernier dicton que je vous laisse en conseil «Mai, va comme il te plaît, quoique encore on ne sait !»
Addisias !
Jean Mignot le 7 mai 2009
Jean Mignot le 7 mai 2009
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