jeudi 22 janvier 2009

La vie par dessus tout : la leçon de ténèbres de M. Saurel

La salle polyvalente du collège Robespierre de Saint-Pol-sur-Mer s’emplit d’un silence assourdissant. Devant les élèves de 3e réunis ce vendredi 16 janvier, la principale Mme Habryn, reçoit M. Jacques Saurel pour une conférence organisée par M. Laurent Desmulliez, Conseiller Principal d’Education du collège en partenariat avec la LICRA représentée par Mme Warzawski. Les professeurs d’Histoire-géographie ont préparé la venue de M. Saurel ; l’une d’entre eux, Mme Decanter a pris soin avec ses élèves de constituer des affiches pour l’accueillir. Un mot d’accueil et une présentation de la Licra font office de préambule puis la salle glisse dans la pénombre.
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Les collégiens entrent dans une véritable leçon de ténèbres lors de la projection de « Nuit et Brouillard ». Les images du système concentrationnaire nazi défilent sur une musique souvent légère, mettant encore plus l’accent, si besoin était, sur l’horreur des actes. Silence sépulcral ! Les enfants reçoivent les images et les mots de plein fouet. Quand la lumière revient, M. Saurel leur livre alors SON histoire, celle d’un gamin d’une dizaine d’années projeté dans l’univers concentrationnaire.
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L’homme, cheveux blancs, visage avenant, se livre pendant une heure. Fils d’immigré juif polonais né en 1933, il doit d’abord une relative sécurité parce que son père s’est engagé dans l’armée française. Fait prisonnier, sa famille jouit alors d’une relative tranquillité grâce à la Convention de Genève. Il faut pour l’heure supporter vexations et insultes de certains esprits imprégnés de la propagande que contrebalancent ceux qui, courageux ou compatissants, les avertissent des dangers qui menacent.
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Dans l’antichambre de l’Enfer.
Février 1944, avec sa sœur aînée, la cadette ayant été cachée, son petit frère et sa mère, il est interné à Drancy. Comment peut-on comprendre à 11 ans cet ostracisme ? Très vite, ils sont transférés au camp de l’Etoile à Bergen-Belsen. Brimades, vexations, mauvais traitements des gardes comme des kapos, déshumanisation, les appels interminables, le froid, la faim qui torture … Tout est livré aux élèves sans complaisance. L’enfance est volée mais il n’en tente pas moins d’en garder l’étincelle en inventant avec ses camarades d’infortune des jeux discrets pour ne pas s’attirer la foudre de ses bourreaux. Il décrit la gêne quand, couvert de vermine, dans le froid, on l’envoie à la douche collective avec sa famille et qu’il faut se mettre nu devant les autres mais aussi les voir dans leur plus simple intimité !
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Enfance saccagée aussi lorsque jeté dans le baraquement des adultes, il subit des punitions à la place des hommes. Terribles sont alors les journées qui défilent dans un camp devenu un vaste mouroir. Puis vient le moment des convois, il leur faut partir parqués dans des fourgons à bestiaux, avec 2.000 déportés, que les S.S. trimballent parce que les soviétiques arrivent. Et de subir 14 jours d’errance, à côtoyer la mort dans l’indifférence, par lassitude, par habitude, pour finalement être libérés par les troupes de choc russes et mis en quarantaine à cause du typhus qui frappe les rescapés. Vient le temps de la liberté, des retrouvailles au retour à Paris après le passage obligé à l’Hôtel Lutetia. Il exprime les regrets comme de n’avoir pu aller à l’école parce qu’il fallait aider ses parents. Il fallait vivre malgré tout.
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Une leçon de vie
La salle ne bruisse toujours pas… Les questions des élèves surviennent et reçoivent des réponses venues du cœur, sans haine mais lucides. Ce témoignage, ils peuvent encore le prolonger par la lecture de son livre « De Drancy à Bergen-Belsen, 1944-1945, souvenirs rassemblés d’un enfant déporté » (Fondation pour la mémoire de la Shoah, éditions Le Manuscrit, ISBN 2-7481-8396-7, 17,90 €). A la fin, répondant aux questions des enfants sans détour, c’est un véritable message d’espoir et d’humanité que leur offre M. Saurel, un don pour des jeunes esprits et de tendres cœurs qui ne connaissent de la barbarie que ce que leur livrent les manuels et touchent alors du doigt ce qui fait la grandeur de l’homme : la volonté de survivre au-delà de tout, la foi en soi et la douceur pour réponse sans l’aigreur de ceux qui en ont trop vu… une véritable leçon de vie…

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