jeudi 18 décembre 2008

La bonne nouvelle pour La Treille, désormais monument historique

C'est à Rome , où il est en ce moment, que Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille, a appris la bonne nouvelle : la cathédrale de Lille va être inscrite au titre des Monuments historiques. Sur avis favorable donné mardi soir par la commission régionale du patrimoine et des sites, le préfet devrait, tout prochainement, signer le décret officiel de protection.
PAR JEAN-MARIE DUHAMEL

Cet événement, attendu depuis longtemps, marque la fin d'une exception culturelle - pas vraiment élogieuse pour le coup - en même temps qu'un changement de regard sur un moment du patrimoine. À la différence de la grande majorité des cathédrales de France authentiquement médiévales qui appartiennent à l'État, Notre-Dame de la Treille était la seule cathédrale de France - avec celle d'Évry, construite à la fin des années quatre-vingt -à ne pas bénéficier d'une telle protection. Elle est propriété du diocèse de Lille (institué en 1913) qui en a la charge, et l'on imagine bien que veiller à un tel monument, longtemps décrié, suppose beaucoup d'attentions et de gros moyens.

Mais par-delà les affaires d'intendance - aussi lourdes fussent-elles -, cette inscription marque aussi et surtout un changement de regard. Si on se souvient que la demande avait été initiée en 2002, par Gérard Defois, prédécesseur de Laurent Ulrich, on met en avant une chose : la toute récente reconnaissance d'un style, le néogothique cher au XIXe siècle qui en a largement usé (et parfois abusé, convenons-en). Historien de la cathédrale et archiviste du diocèse, Frédéric Vienne se souvient d'un article de La Voix du Nord au titre un peu provocateur paru dans les années soixante : «Va-t-on détruire la cathédrale ?» Entre le début d'un chantier passablement laborieux entamé au milieu des années 1850 dans une certaine forme d'exaltation mystico-constructiviste - bâtir une cathédrale en pleine Révolution industrielle ! - et aujour-d'hui, les jugements portés sur l'architecture du XIXe comme du XXe siècles ont considérablement évolué, souligne Jacques Philippon, conservateur régional des Monuments historiques.

«Depuis une vingtaine d'années, on reconnaît au style néogothique des qualités, en ne le prenant plus seulement comme une imitation ou un pastiche.» De fait, une fois assurée de l'état sanitaire du bâtiment, la commission prend en compte des critères esthétiques mais aussi historiques et archéologiques.
Ici, les spécialistes du patrimoine mettent en avant la qualité du style choisi à l'époque par les concepteurs et les architectes - «un optimisme architectural aux accents industriels», souligne Didier Joseph-François, président de Renaissance du Lille ancien et professeur d'architecture -, mais aussi l'intérêt patrimonial de l'ensemble du quartier : la cathédrale a été bâtie sur le site de l'ancienne motte féodale, là où s'élevait le tout premier château de Lille avant l'an 1000, non loin du site de l'ancienne collégiale Saint-Pierre détruite à la Révolution (et dont il ne reste aujour-d'hui qu'une crypte bien désolée sous le palais de justice).

Architecte et artistes vivants
Toutes bonnes raisons pour lesquelles cette protection concerne la cathédrale mais aussi les abords, y compris le très controversé campanile en briques, élevé au début du XXe siècle. Enfin, elle prend en compte également la façade conçue par l'architecte lillois Pierre-Louis Carlier et terminée en 1999 avec la rosace de Kijno, la structure métallique de Peter Rice (qui a causé quelques frayeurs il y a trois ans) et le portail de Jeanclos.
Un architecte et des artistes vivants qui ont l'honneur de voir leur oeuvre ainsi reconnue et protégée : le fait est rarissime. •
in LA VOIX DU NORD, édition de Lille du 18 décembre 2008

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