samedi 8 novembre 2008

Le 11/11 à 11 heures... à Dunkerque

Jeudi 7 novembre 1918... Les dépêches du Nord Maritime annoncent l’arrivée des parlementaires allemands. L’espoir se fait plus fort. On tente de rattraper le temps perdu en distribuant les prix aux collèges Jean Bart et Lamartine parce qu’on n’avait pu le faire en juillet. D’ailleurs, le maire Terquem en profite pour remettre la croix de Chevalier de la légion d’Honneur à M. Herlemont, principal du collège Jean Bart.

Le lendemain, la foule se masse devant le Nord Maritime mais rien ne vient. L’animation dans les cafés vient interrompre la longue attente.


Les locaux du Nord Maritime, point de rassemblement des Dunkerquois avides de bonnes nouvelles


Samedi 9, le soleil inonde les rues. L’évêque de Lille, Mgr Charost vient présider des réunions solennelles à St-Jean-Baptiste et à St-Martin. Quant aux nourritures terrestres, annonce est faite du transfert du magasin municipal de ravitaillement le mardi suivant de la rue royale à la rue du Sud. Bonne nouvelle, il ravitaillera les épiceries en pâtes alimentaires et en saindoux à vendre au prix de la taxe.

Le 11-11 à 11 heures

Lundi 11 novembre
: les têtes tournent, les regards s’illuminent. La nouvelle est tombée : l’armistice a été signé à 5 heures du matin et doit entrer en vigueur à 11 heures. Joie indescriptible, on danse dans les rues.

A 10 h 30, les sirènes du port et des bateaux mugissent. La foule explose de joie puis, brusquement, retombe dans le silence au passage du convoi funèbre d’un soldat anglais qui traverse la ville. Les femmes se taisent, les hommes retirent le chapeau. L’on pense à la veuve qui vivra seule de l’autre côté de la Manche.
A 11 heures, à l’heure où les combats doivent s’arrêter, toutes les cloches se mettent à sonner. Au port, les prisonniers allemands comprennent sans qu’on leur dise que la guerre est finie.


Le Monument aux morts de la guerre de 1870, érigé en 1906, reçoit les nombreux hommages aux poilus




La ville prend des couleurs : à l’Hôtel de ville, l’on pend le grand drapeau tricolore sorti pour la première victoire de la Marne en 1914. Les châteaux d’eau revêtent les couleurs nationales. Le monument aux morts de la guerre de 70, place de la république se couvre de fleurs et les anglais viennent tendre des drapeaux sur la statue de Jean Bart. Des siècles de rancœur en quelques minutes effacés ! Le soir, les réjouissances continuent : les canons donnent de la voix et rythment la danse des pinceaux de lumière des projecteurs de DCA alors que le Phare balade à nouveau ses rais de lumière sur l’horizon…



Le lendemain, Dunkerque célèbre la victoire : administrations, port, usines, écoles… tous chôment.


Les fenêtres sont pavoisées. Le soir, les dunkerquois s’arrachent avec avidité les exemplaires du Nord Maritime…


C’est enfin la paix !


Les enfants s’y mettent aussi en lançant force pétards mais personne ne s’en émeut ! Que sont-ils au regard des milliers d’obus et de bombes que leur ont envoyé généreusement l’ennemi ? Puis de toute façon, on revient à la tradition en faisant Saint-Martin… pour la première fois depuis 1913. L’Eglise n’est pas en reste : Mgr Charost célèbre un salut solennel à Saint-Martin en présence de l’archiprêtre de Dunkerque, Mgr Scalbert.

Pour l’heure, il faut panser les plaies, préparer le retour des soldats et des prisonniers, affronter le regard des « gueules cassées » et reconstruire ville et port. Il faut aussi garder le souvenir des années de plomb. Ainsi, au conseil municipal du samedi 16 novembre, les élus décident de baptiser les rues. La rue de l’église devient rue Clemenceau, la rue Neuve prend le nom du Président Wilson, la rue royale devient rue Albert Ier, la rue du Sud est baptisée rue du Maréchal Foch, le Maréchal Joffre donne son nom à la rue Saint-Jean, La rue des pierres honore le maréchal French et la rue des Bassins l’Amiral Ronarc’h. Quant la rue des arbres, elle devient la rue des poilus. Au port, le Quai de la Visite reprend son nom de Quai des Américains. Quant à la rue Nationale, elle devient rue Gambetta, grand symbole de la résistance à l’Allemagne en 1870… Plus loin, les rues des vieux quartiers et du magasin à poudre prennent le nom du Président Poincaré alors que la rue de l’abreuvoir prend le nom de 110e. Une page, finalement, se tourne lentement… Le chapitre de la Grande Guerre se clôt le 24 novembre. L’église saint-Eloi ruinée, les autorités civiles et militaires prennent place dans le chœur de la chapelle de la rue David d’Angers. On y trouve le général gouverneur Pauffin de Saint-Morel, l’Amiral Ronarc’h, les représentants de la municipalité et de la chambre de commerce, les officiers des bases anglaise et belge, et des militaires de tous grades de la garnison. La chapelle exigüe ne peut contenir la foule qui se masse dans la rue et qui ne peut voir les orgues ensevelies sous les drapeaux français, ni la ferveur qui emplit le lieu sacré.

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