et arrive Novembre 2008
Neuvième mois du calendrier romain, novembre placé sous la protection de Diane chasseresse est désormais le mois du souvenir notamment à cause de la Toussaint et du 11 novembre. C’est le mois des brumes et il sera après le 21 le mois des frimas. C’est le mois de la sainte Cécile et celui de la sainte Catherine le 25, mais nous pourrions nous souvenir de bien d’autres dates marquantes de notre histoire ou d’autres grands saints fêtés ce mois-ci et qui ont très largement contribué à l’évolution de nos sociétés.
Voyons un peu cela.
«Hé oui ma fille, quand octobre prend sa fin la Toussaint est au matin» écrivait la Marquise de Sévigné. On a tout dit ou presque sur la Toussaint et on va encore en dire beaucoup, souvent en ne faisant aucune nuance entre la païenne et pernicieuse halloween et le respectable culte des morts du 2 Novembre, qu’on associe à tort à la Toussaint catholique. Une relecture de mes précédentes chroniques peut aider à rafraîchir notre mémoire. Je redirai ici seulement avec insistance, que le culte des morts est respectable. Et tous ceux qui se font vecteur d’informations et d’animations de tous ordres autour de la fête d’Halloween, ce dernier avatar de la fête celtique de Samain, ne servent pas le bien public. On ne fait pas de l’animation ou la une des journaux sur le laid et le mauvais ! Il y a mieux à faire !
Toussaint c’est d’abord la transformation du Panthéon d’Agrippa, cet étonnant édifice de Rome à l’extraordinaire coupole, dont la hauteur est presque égale à la largeur et qui reste une des plus grande coupole du monde, n’en déplaise à celle de St Pierre de Rome un peu inférieure, en église dédiée aux saints martyrs par le pape Boniface IV en 610 ap JC et la fête de sa dédicace en église, en date du 13 mai. Puis le transfert de cette fête au 1er Novembre par le Pape Grégoire IV, sous le règne de Louis le Débonnaire, avec l’institution de cette fête sur tout l’empire carolingien, pour tenter de prendre la place de la fête de Samain qui notamment en Grande Bretagne et en Gaule et dans les pays du nord de l’Europe dégénérait en banquets et beuveries, marquant le début de la moitié sombre de l’année.
Mais nul ne parle aujourd’hui des origines de ce jour férié qui marque notre milieu du trimestre, et permet une pose et des vacances bien appréciées de tous. Or ce jour férié, dans le contexte actuel de notre république, au milieu du concert de revendications de tous ordres et en plein dans les débats sur la laïcité, nous ramène bien à une vraie question sur nos origines et nous appelle à regarder les choses avec un peu plus de bon sens, et moins de sectarisme. Sans vouloir ranimer de vieux débats, il faut bien dire que la Toussaint est une fête purement catholique dans ses origines. Je ne dis pas «chrétienne» puisque nos frères réformés ne la célèbrent pas mais commémorent le 31 octobre la fête de la Réformation, c'est-à-dire l’affichage, le 31 octobre 1517, par le moine Augustin Martin Luther, sur les portes de la chapelle de château de Wittenberg en Saxe, des 95 thèses portant sur la vente des indulgences, ces «parts de paradis» contre espèces sonnantes et trébuchantes, et plus largement remettant en cause le rôle et la place de l’église catholique entre le Croyant et Dieu ; publication considérée traditionnellement comme le point de départ de la Réforme.
Quant au jour férié de Toussaint il est un rescapé du concordat de 1801 et des articles additionnels de 1802. La première constitution de notre république avait bien crée un état laïc, mais Napoléon, après des tas de déboires et de difficultés, avait rétabli la prédominance de la religion catholique. «Il me faut un Pape qui rapproche au lieu de diviser ; et qui réconcilie les esprits, les réunisse et les donne au gouvernement sorti de la Révolution pour prix de la protection qu’il en aura obtenue. Et pour cela il me faut le vrai pape : catholique, apostolique et romain, celui qui siège au Vatican. Avec les armées françaises et des égards, j’en serai toujours le maître. Il fera ce que je lui demanderai dans l’intérêt du repos général ; il calmera les esprits, les réunira sous sa main et les placera dans les miennes.» Le 16 juillet (27 messidor an IX), entre 0h et 2h du matin, après de longues heures de discussion, le Cardinal Consalvi, au nom du pape Pie VII, signe avec Joseph Bonaparte (pour le Premier Consul) le Concordat qui restaure la religion catholique en France et abolit la loi de 1795 séparant l’Eglise de l’Etat ; en retour, le Saint Siège reconnait la légitimité de la République. «De toutes choses entreprises par Bonaparte, écrit Châteaubriant, celle qui lui coûta le plus fut indubitablement son Concordat.» En 1905, la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, si durement discutée de part et d’autres ne toucha pas à certaines dispositions de ce Concordat et de l’arrêté du 19 avril 1802 qui instituait la Toussaint comme jour férié. L’article 42 stipule : «Les dispositions légales relatives aux jours actuellement fériés sont maintenues». Il n’y avait alors que quatre jours, Noël, l’Ascension, l’Assomption et la Toussaint. C’est le gouvernement de M. de Freycinet, qui dans sa loi du 8 mars 1886, en pleine querelle religieuse, et surtout dans le cadre des grands mouvements sociaux qui ont marqué la IIIe république, créa, entre autres jours fériés, le lundi de Pâques et le Lundi de Pentecôte. On se demande pose encore aujourd’hui la question du pourquoi de cette décision qui n’a rien de religieux. Sans doute Charles Louis de Freycinet, Président du Conseil, homme de conciliation et de compromis au point qu’on l’avait surnommé «la souris blanche» (il faisait le tampon entre Jules Ferry et Gambetta !) cherchait-il la paix sociale ! Cela valait la peine de rappeler ce point d’histoire. On imagine facilement le tollé qu’entraînerait, notamment dans le monde du travail et auprès des syndicats, la suppression de ce jour férié de Toussaint qui coupe si bien l’activité de ce trimestre et permet vacances et pont ! La Toussaint jour férié, nous appelle à un peu de recul face au débat des jours fériés.
On pourrait faire de même et s’éclairer par l’histoire, en regardant ce qui s’est passé dans les différentes législatures pour l’établissement du dimanche comme jour chômé. Je rappellerai ici simplement que si la liberté de culte était reconnue, le dimanche ne figurait pas parmi les jours de fêtes entraînant le chômage. «Le peuple mange le dimanche. Il doit pouvoir travailler le dimanche» fait-on dire à Napoléon. Ah les leçons de l’histoire !
Je soulignerai encore une question qui reste sans explication, à ma connaissance, pour ce jour de Toussaint : pourquoi le mot est-il écrit sans le «s» à la fin ? Il n’y a qu’en France que c’est ainsi : Todos los Santos en Espagne, Ognissanti en Italie, All saint’s day dans le Royaume Uni.
Après ce petit retour en arrière, un rappel de quelques dates parmi d’autres qui ont profondément marqué notre histoire.
Le 1er Novembre 1414, le concile de Constance met fin au grand schisme d’Occident qui voyait papes et antipapes s’entredéchirer depuis des décennies.
Ce jour, en 1755 c’est le tristement célèbre tremblement de terre de Lisbonne qui fit tant de dégâts. Et c’est le début de l’insurrection algérienne en 1954!
Etienne de la Boétie, humaniste et ami de Montaigne – «parce que c’était lui, parce que c’était moi» - (ça ne vous rappelle rien ?) naît à Sarlat le 1er novembre 1530 ; et Nicolas Boileau naît à paris en ce premier jour du mois de 1636.
Le 5 novembre 1922 Howard Carter découvre le tombeau de Toutankhamon : «de l’or, une montagne en d’or» se serait-il écrié alors, sous le coup de l’émotion.
5 novembre 1956 c’est le début de l’opération aéroportée franco-britannique contre l’Egypte, et l’ "affaire de Suez». Le canal du même nom avait été inauguré le 17 novembre 1869 par l’Empereur Napoléon III et l’Empereur d’Autriche François-Joseph en présence de l’Impératrice Eugénie.
Le 15 novembre 1793 – 26 Brumaire An II – un décret de la convention stipule que tous les français doivent manger le même pain : «la richesse et la pauvreté devant également disparaître du régime de l’égalité, il ne sera plus composé de pain de fleur de farine pour le riche et de pain de son pour le pauvre. Tous les boulangers seront tenus, sous peine d’incarcération, de faire une seule sorte de pain : le Pain de l’Egalité» A quelque chose près on croirait entendre nos ténors politiques !
Il en faut du temps pour que les choses évoluent ! Napoléon, encore lui !, devait tenter de réglementer la taille et le poids du pain : 40 cm et 300 g environ. Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que se généralisa la baguette appelée aussi flûte ou «petite» selon les régions. D’une longueur de 80 cm et d’un poids de 250g, son prix a été fixé, jusque dans les années 1980, par arrêté préfectoral.
15 novembre 1889 ; le Brésil devient une république et en 1908 le Congo, devient une colonie belge. En 1927, ce 15 novembre, Léon Bronstein alias Trotski est exclu du parti communiste d’URSS. En 1924, impitoyablement il écrit : «Aucun de nous ne veut ou ne peut discuter la volonté du Parti, car le Parti a toujours raison..» Il s’efface devant Staline et s’exile au Mexique où il sera assassiné par un espion à la solde de Staline. Méthode comme une autre pour avoir toujours raison !
Plus proche de nous on s’accorde pour dire que le 15 novembre 1971 est né le microprocesseur qui devait connaître l’évolution que l’on sait.
On fête ce 15 novembre, le très grand, l’immense Albert le Grand, cette si belle figure du Moyen Age, représentatif des «intellectuels» de l’époque, qui enseignait à Paris la théologie et l’œuvre d’Aristote et qui eut pour élève Thomas d’Aquin, «le Bœuf muet de Sicile» tel que le surnommait ses condisciples. Albert les fit taire en leur disant : «les mugissements de ce bœuf retentiront dans le monde entier». Bien que son œuvre ait scandalisé en raison de ses références à la magie et à la doctrine de Platon, il a été proclamé docteur de l’église en 1931.
Le 16 novembre 1700 Louis XIV entérine le testament du Roi d’Espagne et autorise le duc d’Anjou son petit-fils à relever la couronne d’Espagne, Charles II de Habsbourg étant mort le 1er novembre sans héritier.
L’ "Armée blanche" est défaite en 1920 à Sébastopol, défaite qui consacre la victoire des bolcheviques et de Lénine.
Lyautey est né le 17 novembre 1854 à Nancy et le maréchal anglais Montgomery le 17 novembre 1887.
Le 21 novembre 1783 Pilâtre de Rozier et le marquis d’Arlandès s’envolent au bord d’une montgolfière.
Le 21 novembre 533 Justinien signe la préface d’une extraordinaire compilation de 50 volumes du droit romain, ancêtre de notre code civil.
Jean le Bon, le 21 novembre 1361 réunit définitivement le comté de Toulouse à la couronne. En bon «occitan» vous comprendrez que je sois tenté d’ajouter «hélas !».
1806, ce 21 novembre c’est le début du « Blocus Continental »
Le 24 novembre 1793, c’est l’entrée en vigueur du calendrier révolutionnaire ou républicain. Concrètement cela veut dire que vous ne trouverez aucun document qui soit daté de l’an I de la République qui elle a pourtant bien commencé le 22 septembre 1792. De même il n’y a aucun document daté entre le 5 et le 14 octobre 1582 puisque ces jours ont été tout simplement rayés du calendrier au moment de la mise en place du calendrier grégorien.
Saint Martin le 11 novembre ou Sainte Cécile le 21 et Sainte Catherine le 25 sont des fêtes trop connues pour que j’en parle cette fois. Je dois quand même souligner, par devoir de mémoire, le 90 ème anniversaire de l’armistice de 1918. De cela aussi vos journaux, les radios et tous autres médias vont largement nous ressasser.
Par contre, vous entendrez très peu parler de la lune qui pourtant reste bien fidèle à ses phases d’influence et nous en donne encore la preuve, depuis deux jours.
Depuis la nouvelle lune du 29 octobre, le froid pointe son nez. Après de grosses pluies notamment sur nos Cévennes gardoises, ce qui n’a rien de surprenant en ces périodes, le temps a bien changé avec la nouvelle lune, comme presque chaque fois cette année. Mais s’il fait froid cela n’a rien de nouveau: En 1981, nous pourrions nous en souvenir, le 26 octobre, il a neigé au sud de Paris et dans le Centre avec 4 cm à Orléans et 2cm à Chartres. En 1922 le 29 octobre la neige avait provoqué une catastrophe ferroviaire en Bretagne, en pays Goëlo, à Chatelaudren. Le 31 octobre 1941 la neige était tombée un peu partout avec 5 cm à Paris et à St Etienne. 3 cm de neige à Lille le 1er Novembre 1934 et le 2 novembre 1980, début d’une importante vague de froid. Il fait -10° dans le Nord-Est de notre pays. Et encore le 3 novembre 1966 neige sur les Pays de Loire, le Poitou, le Centre et l’Ile de France. Alors ? je continue.. ? oui je continue surtout de dire qu’en un siècle où tout est noté analysé, inscrit, fiché.. «informatisé»,on perd la mémoire ! Il n’y a que le sensationnel qui fait recette ! La nature est là heureusement pour nous ramener de temps en temps à plus de réalité. Histoire de ne pas perdre la tête et de nous ressaisir, pour prendre un peu de recul avec l’info qu’on nous distille et qu’on nous instille comme un goutte à goutte pernicieux, qui fait de nous des assistés !
Nos vieux dictons, nous laissent prévoir un hiver plus rigoureux : «Si l’arbre d’automne fleurit une seconde fois jusqu’en mai prochain durera le froid». C’est bien ce qu’on a pu observer cette année !
On lit encore : «A la Toussaint le froid revient et met l’hiver en train» et aussi : «Un mois avant, un mois après Noël, le froid est bon et naturel» Par contre les prévisions sont encore plus pessimistes «Autant d’heures de soleil le jour de la Toussaint, autant de semaines à souffler dans tes mains» ou «Telle Toussaint tel Noël» et enfin «Le vent souffle les trois quarts de l’année comme il souffle la veille de la Toussaint»
Pour vous donner un peu de baume au cœur, je me hasarde à prédire un bel «été de la saint Martin» car ce sera la pleine lune le 13. Mais il durera peu et il fera à nouveau mauvais et froid très certainement autour du 27 pour la nouvelle lune.
Comme un homme averti en vaut deux, couvrons nous bien et préparons-nous à affronter le froid de cet hiver qui approche !
Jean Mignot, en ce 30 octobre 2008, c'est-à-dire en ce qui pourrait être le 9 brumaire, jour de l’Alisier !
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