vendredi 15 février 2008

Wellington, un mémorial pour la bataille d’Arras

PATRIMOINE • Les carrières qui ont abrité plus de vingt mille soldats britanniques durant la Grande Guerre vont être ouvertes au public

Le 1er mars, Arras ouvrira au public une partie de ses entrailles fouillées depuis les XIIIe et XIVe siècles par les tailleurs de pierre. Ses puits d’extraction de calcaire furent transformés par l’armée britannique, durant la Grande Guerre, en un réseau de défense qui comprenait même un hôpital militaire. Quelques centaines de mètres de ces souterrains viennent d’être aménagés en mémorial de la bataille d’Arras.
PAR NICOLAS ANDRÉ
region@lavoixdunord.fr

C’est sous un ancien camping municipal que l’on a redécouvert le site il y a plus d’une dizaine d’années. Vingt mètres en dessous des tentes et des caravanes, les anciennes carrières du Moyen Âge, d’où l’on tirait de la pierre de calcaire, portaient encore les stigmates de la défense passive et de la Grande Guerre.

Curieusement oubliée durant des décennies, cette partie du réseau souterrain arrageois fut revisitée à l’occasion d’une expédition, menée en 1996 par des spéléologues, avec la complicité du service archéologique local d’Alain Jacques. Elle offrait des facilités d’aménagements permettant d’y créer un lieu de mémoire destiné en particulier aux Anglo-Saxons. Car «c’est surtout leur histoire que l’on évoque ici !», souligne Jean-Marie Prestaux, directeur de l’office de tourisme arrageois.La ville, située au coeur d’une région marquée par la Première Guerre mondiale, avec ses «boves», les nombreux cimetières du Commonwealth et notamment les parcs commémoratifs de Vimy, Notre-Dame-de-Lorette et Neuville-Saint-Vaast, entend profiter de cet aménagement pour développer le tourisme de mémoire.On espère dans un premier temps quarante mille visiteurs, puis soixante mille en année pleine. Une estimation raisonnable (la moitié du nombre de visiteurs qui se rendent chaque année à la non moins spectaculaire Coupole d’Helfaut) quand on connaît l’importance des touristes anglo-saxons dans la région.

Arras et ses carrières sont en effet toujours présents dans la mémoire des Britanniques, des Australiens et des Néo-Zélandais qui occupèrent la place. Au point que ces sous-sols furent visités par le duc de Kent, le Premier ministre néo-zélandais, des étudiants d’Auckland, avant même qu’ils ne soient aménagés pour le public.

Un témoignage émouvant
Ce sont 350 mètres de sous-sols qui ont été aménagés pour permettre la visite, par groupes de dix-sept personnes avec un audioguide, en toute sécurité. Après avoir longé un grand mur de béton, puis visité une petite exposition d’équipement militaire, nous plongeons dans les entrailles de la terre en ascenseur.Quinze mètres en dessous du sol exactement, dans des galeries où l’on compte de 2 à 13 mètres de hauteur sous le plafond.

Là, le visiteur chemine, marque une vingtaine de haltes commentées, devant des archives filmées de l’Imperial War Museum. Sur les parois, un corps de femme gravé dans la pierre ; là, la croix d’un autel devant laquelle des soldats prièrent avant de partir à l’assaut ; ici, un visage en bas-relief témoignent de l’occupation des lieux par les soldats.Pichets, boîtes de conserve rouillées, casques de «Tommies», escaliers taillés dans la craie... L’émotion s’invite à cette étrange visite de près d’une heure, dans les tréfonds d’Arras, qui s’agrémente d’une évocation filmée de l’offensive britannique d’avril 1917.

L’aménagement du site aura coûté 4 millions d’euros dont 27 % seront pris en charge par le conseil régional et 28 % par l’État (ministère de l’Aménagement du territoire et ministère de la Défense). •

L’attaque du 9 avril 1917

Près de 24 000 soldats britanniques ont jailli des tréfonds d’Arras, à quelques mètres de la ligne de front allemande, le matin du 9 avril 1917. Le même jour, les troupes canadiennes s’attaquaient à la colline de Vimy. Le front s’étendait sur vingt-deux kilomètres.L’offensive d’avril 1917 allait permettre de gagner une douzaine de kilomètres sur le front allemand.

Deux lignes de défense allemandes allaient être occupées au prix de gros sacrifices (près de 4 000 morts par jour en deux mois) et permettre de tenir la ville hors de portée jusqu’à l’Armistice, et ce malgré les contre-offensives.

L’opération avait été préparée pour faire diversion et mobiliser les Allemands qui ne pourraient alors fournir les renforts pour répondre à l’attaque française au Chemin des Dames. Mais la coordination des Alliés ne fut pas efficace. Alors que rien ne pouvait plus s’opposer à leur avance, les Anglais font une pause le 10 avril. Ce qui permettra à des troupes fraîches ennemies de préparer la contre-attaque.

Dans le plus grand secret
La préparation de cette offensive avait été menée dans le plus grand secret. Les habitants qui étaient restés à Arras entre 1916 et 1917 (près de 2 000) ne surent rien de ce qui se tramait. La discrétion fut telle que les tunneliers, chargés de relier les anciens puits d’extraction de pierre calcaire entre eux et d’aménager les galeries, ne pouvaient rejeter les déblais à l’extérieur. La pierre et la terre étaient utilisées pour combler les fosses.

L’existence d’une grande partie de ce réseau fut oubliée. Seules les boves, des caves aménagées sous l’hôtel de ville, étaient proposées à la visite.Les soldats n’auront pas longtemps occupé ces souterrains. Mais tout avait été prévu pour que leur séjour en nombre soit possible avant l’attaque du 9 avril : un réseau ferré permettait l’accès de wagonnets chargés des munitions, fournitures et vivres, des latrines et des cuisines avaient été aménagées, des poutrelles protégeaient par endroits des éboulements.
Pour s’y retrouver dans ce dédale, les tunneliers avaient baptisé les galeries de noms de leur pays : Wellington, Auckland…
• N. A.

Ouverture au public le 1er mars

La carrière Wellington sera inaugurée officiellement aujourd’hui. Mais ce n’est qu’au 1er mars que le site sera ouvert au public.
> Horaires : de 10 h à 12 h 30 et de 13 h 30 à 18 h, tous les jours, excepté le 1er janvier, les trois semaines après les vacances de Noël et le 25 décembre.
> Entrées : elles sont fixées à 6,50 et 2,70 euros (tarif réduit pour les enfants dès six ans et les étudiants).
Des tarifs de groupes sont proposés (4,40 et 5,50 euros selon la période).
Pas de réservations pour les particuliers.

> Mobilité réduite : on accède au site par un plan incliné adapté aux personnes en fauteuil, puis au souterrain par un ascenseur.
Des lés de bois couvrent le parcours dans la carrière.
> Groupes scolaires : le site propose des visites de groupes aux lycées, collèges et écoles (à partir du CM1), ainsi que des ateliers consacrés à la Première Guerre mondiale. Des circuits sur «Les champs de bataille de l’Artois» (parcs commémoratifs de Vimy, Notre-Dame-de-Lorette) ; «Sur les traces de la bataille d’Arras» ; «Les cimetières de la Grande Guerre, lieux de mémoire et de paix», sont aussi proposés au public scolaire. Réservations possibles dès maintenant. •

> Carrière Wellington, rue Delétoile, 62000 Arras.
Tél : 03 21 51 26 95.
Fax : 03 21 71 07 34.
Site : http ://www.ot-arras.fr


In LA VOIX DU NORD, édition régionale du 15 février 2008

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