mardi 12 février 2008

Lille : Les copropriétaires de l’hôtel de Marchiennes en résistance contre un projet indésirable

On prend les mêmes et on recommence. Deux ans après un premier projet finalement annulé, un promoteur vient d’afficher un nouveau permis de construire pour l’immeuble qu’il compte bâtir au 180, rue de Paris. Le lieu n’a rien d’anodin : cet espace est voisin immédiat du 191 de la même rue, ci-devant hôtel de Marchiennes classé monument historique. Un petit trésor d’architecture XVIIIe siècle que ses occupants entendent protéger.

PAR JEAN-MARIE DUHAMEL
lille@lavoixdunord.fr
«Comprenez-nous : nous ne sommes évidemment pas contre un projet. Nous sommes contre ce projet. Nous souhaitons une construction qui soit plus harmonieuse, plus conforme avec notre habitation.» L’habitation en question est cet hôtel particulier en retrait de la rue de Paris, porche daté de 1626, cour intérieure, ensemble en forme de U élevé sans doute dans les années 1710-1720, donné comme l’un des premiers témoins du style français importé à Lille après le rattachement au royaume de France.

Comme il y a deux ans, les quatre copropriétaires s’opposent au projet monté par le groupe Pascal-Boulanger. En faisant remarquer, au passage, qu’il s’agit bien du même bâtiment : la pancarte officielle offerte au regard des passants évoquant treize logements et commerces sur 1 238 m² pour une hauteur de 17,90 m, contre 17,91 m il y a deux ans. «Mais c’est peut-être une erreur !», fait remarquer Manuel Gros, l’avocat qui défend à nouveau leurs intérêts. En leur nom, il vient de déposer une requête en annulation auprès du tribunal administratif de Lille.
Comme il y a deux ans, les copropriétaires s’élèvent contre l’esthétique générale de l’immeuble prévu, certes pas très haut (quatre niveaux), mais dont les volumes les inquiètent. Ils craignent d’être littéralement coincés entre ce nouveau bâtiment et l’affreuse barre HLM de l’autre côté, bâtie à la fin des années 60 au moment de la rénovation du quartier Saint-Sauveur. «Les photos du dossier semblent montrer un effort paysager. Je me fais fort de montrer qu’elles ont été prises de telle manière qu’elles déforment les perspectives», note Manuel Gros.
Certes, note encore l’avocat, le projet a reçu l’aval de l’architecte des Bâtiments de France, curieusement, avec moins de réserves que sur le premier dossier.
Aussi, l’avocat lillois qui avait naguère plaidé dans l’affaire du stade Grimonprez-Jooris II (pour Sauvons le site de la Citadelle), a-t-il choisi de construire son argumentation à partir de la loi de 1913 sur la protection des monuments historiques. «On n’est pas dans le secteur protégé comme dans le Vieux-Lille, mais en venant s’adosser au monument, le projet lui porte atteinte et nuit gravement à sa visibilité.» Un argument avancé lors de l’affaire du stade à Grimonprez-Jooris et qui avait compté dans la décision de la cour d’appel à Douai.
Aujourd’hui, la balle est dans le camp de la mairie qui doit répondre au dossier déposé par l’avocat. En reconnaissant que le projet n’est pas d’un style «transcendant», l’adjoint au patrimoine, Dominique Plancke, considère que rien ne peut empêcher les travaux de commencer.Auquel cas, Me Gros assure qu’il déposerait alors un recours pour les faire cesser.
À suivre. •


...Le porche d’entrée de ce qu’on appelait autrefois le refuge de l’abbaye de Marchiennes – parce qu’il servait de pied-à-terre aux abbés de Marchiennes et leur suite quand ils venaient pour affaires à Lille – était déjà écrasé par l’affreuse barre de droite.Avec ce nouveau voisin, l’encerclement sera définitif.Autrefois, le porche était front à rue. Il a été reculé lors du réalignement de la rue de Paris au moment des grands travaux de reconfiguration du quartier dans les années soixante. Avec l’ancien hospice gantois, le pavillon Saint-Sauveur, en face de la mairie, et la cour des Brigittines, rue Gustave-Delory, c’est tout ce qu’il reste de l’historique quartier Saint-Sauveur, rasé au nom de la modernité et des urgences sanitaires (il y en avait à l’époque).
C’est aussi au nom de ces années de lutte pour le préserver – depuis son classement aux Monuments historiques en 1958 – que les copropriétaires s’opposent au projet. •

In LA VOIX DU NORD, édition de Lille, 12 février 2008

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