mardi 2 octobre 2007

A propos d'octobre 2007

Octobre, comme septembre, novembre et décembre, a gardé son nom du premier calendrier romain bien qu’étant passé dans notre calendrier, du huitième rang au dixième ! Avec octobre c’en est fait de l’été. Le mois va s’avancer dans un mouvement de déséquilibre issu des remous de l’équinoxe. L’arrière saison va s’évanouir doucement, faisant place aux brumes tenaces, aux pluies et aux premiers frimas. Nous serons alors vers le 22, date qui marquait le début de mois de Brumaire dans le calendrier républicain. Cela correspondra cette année à un noeud lunaire, donc probablement à un
changement de temps dans les trois ou quatre jours qui suivront, avec quelques perturbations qui devraient cesser pour la pleine lune du 26. Cette lune est à surveiller car son influence sera d’autant plus grande qu’elle sera à son périgée, le point le plus proche de nous. Gageons qu’elle nous amènera du beau temps ! et ce sera le début des vacances scolaires.


Les dictons correspondant à ce jour nous disent que pour la saint Raphaël, le 24, patron des malades, des infirmes et des pèlerins, la chaleur sera finie sans rémission. Associé à Saint Michel déjà fêté, et à saint Gabriel dans le nouveau calendrier liturgique, l’église en a fait une seule et unique fête des saints Archanges, pour des raisons qui se comprennent bien mais nous faisant perdre hélas nos vieilles références. On pourra songer, si ce n’est déjà fait, à allumer le chauffage : «A la saint Raphaël, la chaleur remonte au ciel.»
A la saint Crépin le 25 octobre, plus de mouches ! «A la saint Crépin, les mouches voient leur fin !»
Crépin et Crépinien, étaient deux nobles romains qui s’étaient fait savetiers par humilité chrétienne et pour échapper aux persécuteurs du III ème siècle. Ils chaussaient les pauvres gratuitement, dit leur légende, tandis que nulle part ailleurs, les riches ne trouvaient d’aussi bons souliers. Dans Jules César, Shakespeare les loue «d’avoir encore mieux soigné les âmes que les pieds de leurs clients». Ils sont devenus tout naturellement les saints patrons de tous ceux qui travaillent le cuir et bien sûr des cordonniers. On disait, d’un homme chaussé trop à l’étroit et que les souliers torturent, qu’il est «logé dans la prison de saint Crépin». Il est encore question des mouches, ou de chaleur, le 28 octobre pour la fête des deux apôtres Simon et Jude : «A la saint Simon, l’éventail se repose» puisque cet instrument n’est pas fait que pour du vent ! Cette année il paraît qu’on l’a très peu utilisé, du moins dans certaines régions !
La première partie du mois reste encore très marquée par les travaux de vendémiaire, vendanges et dernières récoltes, notamment des pommes à cidre, alors que la fin du mois est marquée par l’arrivée des brumes, et un changement radical du temps qui justifie le nom de Brumaire. Gilbert Romme cet auvergnat, auteur principal des calculs établissant le calendrier républicain, soutenu par les vers de son compère et poète Fabre d’Églantine, - qui n’avait d’églantine qu’un brin de fantaisie,
lié à une récompense obtenue aux Jeux Floraux de Toulouse -, avait bien fait son calcul pour faire coïncider les saisons et les mois. Le 5 octobre 1793 la Convention avait adopté les principes de ce calendrier et sa nomenclature proposée par Fabre le 24 octobre de la même année. Sur ce point le calendrier républicain était sans doute bien plus pertinent que le nôtre. !

Mois du grand déclin végétal, octobre va se dépouiller lentement après l’offrande d’un flamboyant bouquet et sombrer, avec des nuits de plus en plus précoces, dans une atmosphère mélancolique déjà esquissée en septembre, comme le chantent si bien ces vers d’Alphonse de Lamartine :
Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut derniers beaux jours ! ….
Les jours en effet diminuent d’une heure et quarante sept minutes dans le mois ; leur longueur moyenne est de onze heures et cinquante et une minutes dans la première semaine, de dix heures neuf minutes dans la dernière. Tout ceci est bien sûr le résultat du cycle du soleil, et non pas une décision du Parlement Européen ou du Conseil de l’Europe. Mais ce sont eux qui ont décidé du changement d’heure, qui interviendra cette année le 28 octobre : à 3 heures du matin il sera 2 heures. Cela ne fera qu’accentuer l’apparence des nuits plus longues, avec tous les problèmes liés à ces changements d’heures imposés à des fins d’économies réelles mais qui ne tiennent pas vraiment compte, pour des raisons que j’ai déjà expliquées l’an dernier, de la réalité et du contexte de chaque pays. Madrid tourne à l’heure de Berlin ! Heureusement que le soleil ne continue d’en faire qu’à sa tête !

J’aime à revoir encore…
ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois !


Relisons nos classiques… !
Aux champs, les travaux sont urgents avant l’arrivée effective du froid, du gel et des pluies. Après la déchaume, il faut terminer les labours, les fumures et s’attaquer sans tarder aux semailles non effectuées en septembre. Octobre marque le nouvel an agricole comme saint Michel en a marqué la fin. Nos aïeux ne se contentaient pas de vagues indications. Pour eux comme pour les militaires : «l’heure c’est l’heure, avant l’heure c’est pas l’heure, après l’heure c’est plus l’heure». D’où ce dicton très répandu : «Ne sème point à Saint Léger ( 2 octobre) ; Si tu ne veux blé trop léger sème au jour de la Saint François ( 4 octobre), Il te rendra grain de bon poids. Mais n’attends pas la Saint Bruno ( 6 octobre), Ton blé serait «abruné» ou noiraud (noirci).»
Saint léger, évêque d’Autun, mourut vers l’an 680, victime d’un règlement de comptes politiques. «A la saint léger faut se purger !» Sans doute parce que septembre, mois par excellence des récoltes, donnait lieu à quelques ripailles et qu’il était donc tout indiqué d’aborder l’automne avec une bonne purge forcée. Mais attention à l’ellébore, elle serait plutôt destinée à ceux qui souffriraient d’affection psychique. Voyez le bon Monsieur La Fontaine. J’espère que ce n’est le cas pour aucun de vous ! Il est curieux de noter que la majorité des dictons à propos de saint Léger sont des recommandations de prudence.

J’ai tenté d’expliquer les raisons qui ont fait maintenir pour octobre, comme pour septembre et comme ce sera le cas pour novembre et décembre, ces noms liés au système décimal. Une question reste en suspens : pourquoi en effet, dans le langage courant dire soixante-dix, quatre-vingts, quatre-vingt-dix, alors que les formes septante, octante, nonante, en accord tout à la fois avec le latin et le système décimal, sont plus ou moins largement usitées dans divers pays francophones ? C’est une des
bizarreries les plus célèbres de la langue française. On parle bien toujours de sexagénaire, septuagénaire, octogénaire et nonagénaire… ! Notre vocabulaire porte ici la trace d’un usage très ancien: au Moyen Âge, on avait coutume en France de compter de vingt en vingt. Aussi trouvait-on les formes vint et dis (30), deux vins (40), trois vins (60), etc. Saint Louis fonda, par exemple, l’hospice des Quinze-vingts (des 300 aveugles). Ce système, dit «vicésimal», serait un vestige du système utilisé par les Celtes et les Normands, semble-t-il aussi les Mayas et les Aztèques, qui comptaient avec les dix doigts de leurs mains et avec leurs pieds, pour arriver à une base vigésimale bien entendu !
Les Babyloniens et les Sumériens avaient eux, un système de numérotation à base 60, dont l’origine est obscure, mais probablement en rapport avec le fait que l’année comporte environ 360 jours et que la circonférence du cercle comprend environ 6 fois le rayon. Ce système hexadécimal fut repris par les astronomes grecs et arabes. C’est la raison pour laquelle l’influence de ce système se remarque encore de nos jours dans la mesure du temps (60 secondes par minute et 60 minutes par heure et dans la mesure des angles (360° ). Dès la fin du Moyen Âge, les formes concurrentes trente, quarante, cinquante, soixante se répandent. Pourquoi est-on revenu à un système plus ancien ? Aucune explication n’est vraiment satisfaisante. Et la curiosité est d’autant plus grande quand on lit
dans les dictionnaires que l’usage de septante, octante et compagnies est un terme vieilli alors que c’est précisément l’autre façon de faire qui serait plus ancienne.. ! Ce serait probablement sous l’influence de Vaugelas et de Ménage, au XVIIe siècle, que l’Académie et les autres auteurs de dictionnaires ont adopté définitivement les formes soixante-dix, quatre-vingts, quatrevingt-
dix. Il est à noter encore que les mots septante, octante, nonante figurent dans toutes les éditions du Dictionnaire de l’Académie française et étaient conseillés par les Instructions officielles de 1945 pour faciliter l’apprentissage du calcul. Ils restent connus dans l’usage parlé de nombreuses régions de l’Est et du Midi de la France, ainsi qu’en Acadie. Ils sont officiels en Belgique et en Suisse (sauf, cependant, octante, qui a été supplanté par quatre-vingts et huitante - en Suisse - tant dans l’usage courant que dans l’enseignement ou les textes administratifs). Rien n’interdit de les employer, mais par rapport à
l’usage courant en France, ils sont perçus comme régionaux ou vieillis.

Les Uzétiens m’en voudraient si je ne parlais pas de leur saint Firmin dont la foire reste toujours fixée au 11 octobre, alors que tous les autres saints Firmin, celui d’Amiens et celui de la feria de Pamplona sont célébrés le 25 septembre. Il faut bien montrer nos particularités ! Notre saint Firmin fut élu évêque d’Uzès à 22 ans, en 538. Il mourut, selon la tradition en 553, au lieu dit «Firminargues». Il fut enterré dans la basilique qu’il avait fait construire dans le faubourg d’Uzès, dit de la Perrine, qu’un élu municipal, ignorant sans doute l’histoire de sa ville - un comble pourrait-on dire !- a récemment tenté de rebaptiser d’un nom quelconque. En vain heureusement ! Le lieu prit de l’importance et devint un vrai bourg avec sa propre administration et ses consuls. Les pèlerins vinrent sur la tombe de Firmin. Cela attira les commerces et on fit même une foire. Les affaires dégénérèrent et le clergé fit disparaître les reliques. La foire subsista jusqu’à la disparition de ce bourg. En 1385 la ville d’Uzès, fut autorisée, par lettres patentes du Roi de France, à organiser cette foire à l’intérieur des murs. C’est
notre foire de la saint Firmin.

Le sujet des calendriers étant un thème majeur de mes chroniques, je me dois de souligner que c’est au moment de la fête de la sainte d’Avila, Thérèse, le 15 octobre, qu’eut lieu la réforme du calendrier grégorien. C’est précisément dans la nuit du jeudi 4 octobre que la grande mystique mourut. Elle fut enterrée le lendemain, mais on était alors déjà le vendredi 15 octobre !
Il fut en effet décidé par le Pape Grégoire, que le lendemain du 4 octobre serait le 15 octobre 1582 pour rattraper le décalage du calendrier Julien avec le cycle du soleil. Ce décalage de dix jours fut appliqué en France au mois de décembre de la même année, et le lendemain du 9 décembre 1582 fut donc le 20 décembre 1582. En Angleterre cette réforme ne fut appliquée qu’en 1752. Des pays comme la Russie et l’église orthodoxe appliquent encore le calendrier julien. C’est la raison qui nous fait parler de la Révolution d’Octobre en Russie, alors qu’elle eut lieu en novembre. Ce décalage on s’en doute, est un vrai casse-tête pour les historiens et pour les généalogistes. Cette réforme du calendrier a entraîné aussi un décalage des fêtes et des dictons qui s’y réfèrent, la plupart étant de création très ancienne, l’exemple le plus connu étant celui de la sainte Luce en décembre, qui ne correspond plus au solstice d’hiver. De l’importance de bien connaître le calendrier pour savoir, comme Monsieur Jourdain, quand il y a de la lune ou quand il n’y en a pas ! Octobre en ces derniers jours va nous plonger dans le froid, dans la nuit, dans les histoires étranges de loup-garou et de sorciers avec la mauvaise réminiscence qu’à des fins purement commerciales, les vendeurs de fantasmes et de multiples objets de mauvais goût nous proposent pour faire revivre la fête païenne d’Halloween dans un contexte complètement déplacé, alors que le culte et le respect des morts auraient du présider à ces périodes où l’on se souvient de nos ancêtres ! On ferait mieux de nous conseiller de bonnes recettes à base de courge aux effets bien connus plutôt que d’en faire des épouvantails.

Notre santé ne s’en porterait que mieux !

Mieux vaut parler des loups car leurs ravages dans les troupeaux ne relèvent pas du fantasme. La famine qui sévissait en France en 1498, avait amené les loups jusque dans Paris un 1er octobre. Ils avaient dévoré quelques parisiens. Les loups étaient entrés dans Paris comme le chantait si bien Serge Reggiani. Drôles de loups ! Soyez prudents et couvrez-vous bien, les froids arrivent ! et si vous n’avez pas de quoi vous couvrir, suivez ce bon conseil : «Oou mes doctobre, Qu’a ges de raoubo, que n’en trobe». C’est le moment de faire vos achats de vêtements chauds pour affronter l’hiver.
A Diou sias.


Jean Mignot
1er Octobre 2007


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