mercredi 11 juillet 2007

Patrimoine religieux.

Les retables de Wattignies et Roubaix, uniques en Europe, ont retrouvé leur église.

En bien mauvais état au début des années 2000 après avoir pourtant réussi à traverser les siècles, les retables des églises Saint-Lambert, de Wattignies, et Saint-Martin, de Roubaix, réalisés au XVIe siècle dans le plus pur style de l’école anversoise, ont retrouvé leur place d’origine après deux années d’une restauration complexe. Une petite fierté pour la métropole lilloise qui compte ainsi, à elle seule, deux exemplaires de ces pièces inestimables dont on ne recense qu’une quinzaine de spécimens dans le monde.

PAR STÉPHANE HUBIN
metro@lavoixdunord.fr

Les yeux en l’air, une main devant la bouche, les spécialistes, silencieux, apprécient la scène. Après dix-neuf mois d’absence, l’une des pièces maîtresses de l’art religieux médiéval recensées dans le Nord, le retable de Wattignies, est enfin de retour à sa place, dans l’église Saint-Lambert.Philippe Hertel, conservateur des Monuments historiques, Jean-Pierre Delcour, conservateur des Antiquités du département du Nord, et Jacques Philippon, conservateur régional des Monuments historiques, qui connaissent sur le bout des doigts l’histoire de ce chef-d’oeuvre du Moyen Âge, sont aux anges. Il y a quelques mois déjà, en décembre, la même émotion les avait saisis lors du retour de la pièce cousine du retable wattignisien, le retable de Roubaix, parti deux ans en restauration, lui aussi au Centre régional de restauration et de conservation des oeuvres d’art de Vesoul, une clinique chirurgicale par laquelle passent presque toutes ces oeuvres si précieuses.Un endroit où même les cas les plus désespérés retrouvent une jeunesse. Le diagnostic des retables de Wattignies et de Roubaix n’était ainsi pas très engageant : rongées par l’humidité et les insectes xylophages, les structures bois avaient grandement souffert pour celui de Roubaix. Quant à celui de Wattignies, les peintures représentant la Passion du Christ commençaient à s’effriter. Des traitements de choc leur ont donc été administrés : six semaines sous gaz inerte pour tuer les insectes xylophages, nettoyage, traitement de l’enduit polychrome, retouches picturales ont eu raison de leurs maux. Pour un peu plus de 30 000 E, pris en charge à 50 % par l’État via la DRAC, l’autre moitié revenant aux communes, les retables, malgré leurs presque 500 ans de vie, resplendissent de nouveau.

Pour l’anecdote, les deux spécimens nordistes se sont d’ailleurs retrouvés ensemble dans les ateliers de restauration avec deux autres de leurs cousins de France, soit quatre retables médiévaux en restauration au même moment et au même endroit, alors qu’il n’en est recensé... que six à travers l’Hexagone, et une quinzaine dans le monde ! Une rareté qui fait mieux comprendre les péripéties endurées par le retable wattignisien, victime à deux reprises, dans les années 1970-1975, d’un pillage en règle de ses statuettes, dont quelques-unes furent retrouvées en 2000 sur un marché d’Amsterdam... Heureusement, tous les deux sont désormais bien protégés. •


* * *
ZOOM
La plupart des retables médiévaux ont été brûlés !

- Six retables médiévaux en France, six en Belgique, trois ou quatre en Allemagne, un en Suède et un aux États-Unis... C’est tout ce qu’il reste de la grande école anversoise qui, tout au long du XVIe siècle, a pourtant inondé l’Europe de ses retables. Il faut dire que la grande majorité de ces chefs-d’oeuvre a purement et simplement été détruite lors de la Réforme protestante, dite aussi la révolte de Luther. Une réforme qui a banni les images religieuses. Les retables de l’école anversoise, qui illustraient le plus souvent des scènes de la vie du Christ, comme celui de Wattignies, ou de ses apôtres, comme celui de Roubaix, ont ainsi été brûlés, d’où leur extrême rareté aujourd’hui.

« C’est pourquoi il est si important que les collectivités engagent les efforts pour conserver ces oeuvres », estime Aubert Gérard, qui a restauré les deux retables de la métropole lilloise. « À cette époque, l’Église a en effet été un mécène qui a stimulé les artistes à produire ces choses magnifiques. Il faut désormais non seulement les conserver, mais aussi se les approprier : chacun doit pouvoir admirer ces oeuvres et ainsi connaître son patrimoine. »

* * *
Comment voir les retables métropolitains ?
À Roubaix, l’office de tourisme organise, une fois par mois, des visites guidées, dont l’une s’intitule « Variations autour du retable ». Ces visites sont mises en scène avec la complicité d’artistes. Réservations au 03 20 65 31 90. Tarif plein : 6 E ; réduit 4,50 E.

À Wattignies, l’église est également fermée au public en dehors des célébrations. Il sera toutefois possible d’admirer le retable de l’église Saint-Lambert à l’occasion des Journées du patrimoine programmées les 15 et 16 septembre.


In LA VOIX DU NORD, édition métropole lilloise du 11 juillet 2007

Aucun commentaire: