mardi 26 décembre 2006

Un autre monument pour la paix

La commune de Neuville-Saint-Vaast pourrait accueillir le premier mémorial consacré aux épisodes de la fraternisation durant la guerre 14-18. En réalisant le film « Joyeux Noël », évocation des fraternisations entre soldats français et allemands sur le front, durant la Première Guerre mondiale, Christian Carion a voulu ancrer ce travail de mémoire. Jusqu’à envisager la création d’un monument du souvenir à Neuville-Saint-Vaast, près d’Arras.

PAR BENOÎT FAUCONNIER
region@lavoixdunord.fr

Les manifestations patriotiques, Louis Lagniez connaît. Le maire de Neuville-Saint-Vaast, un village de 1 500 habitants à une dizaine de kilomètres au nord d’Arras, est rompu à l’exercice du devoir de mémoire… La commune est citée dans la plupart des livres d’histoire comme centre névralgique des batailles d’Artois, en 1915. Au pied de la crête de Vimy, suscitant la convoitise, le village est alors le théâtre de combats d’une violence inouïe.Plusieurs écrits de soldats confirment la place de Neuville-Saint-Vaast au coeur de cet épisode. D’autres racontent l’improbable : les fraternisations.Parties de football, chants, dépose des armes et réveillon partagés par des soldats « ennemis » qui sortent des tranchées. Une de ces rencontres de football aurait eu lieu au village, en direction du bois des Canadiens, vers Vimy. « Des fraternisations, il y en a eu partout, pas uniquement ici », tempère le maire.

Le souhait d’un caporal…
Le sujet frappe Christian Carion (lire également ci-contre). Il sollicite Louis Lagniez, et entame le tournage de ce qui devient Joyeux Noël, avec Dany Boon et Guillaume Canet. Au-delà de l’aventure cinématographique et historique, le réalisateur s’implique dans la promotion des fraternisations. Une phrase du livre du caporal Louis Barthas semble l’obséder : « Qui sait ? Peut-être qu’un jour dressera-t-on sur ces terres d’Artois un monument en mémoire de ce que nous avons fait aujourd’hui. » L’idée d’ériger une stèle est soumise. L’association Noël 14 est créée, présidée par Bertrand Tavernier. Son but, récolter des fonds et créer le monument, à Neuville-Saint-Vaast, qui détient déjà le « privilège » d’être la commune de France la plus fournie en monuments militaires, après Verdun : des cimetières allemand, français et britannique, des monuments tchèque et polonais, un autre dédié au général Barbot… Sans compter un flambeau de la Paix, la croix du Souvenir, le monument de la Reconnaissance, tous initiés dans les années vingt par Ernest Petit, fils du notaire du village, qui a voulu à tout prix la renaissance de Neuville-Saint-Vaast, et un hommage aux combattants.Un monument supplémentaire devrait donc voir le jour, celui de la Fraternisation, porté par l’association Noël 14. À ce titre, un match de football avait été organisé à Neuville-Saint-Vaast, en 2004. Quarante anciens internationaux et le Variété-club de France avaient apporté leur contribution, dans le froid d’un dimanche matin de décembre, devant 2 500 spectateurs. « C’est le plus beau jour de ma vie », lançait alors Christian Carion. Quinze mille euros étaient récoltés. Le monument devait voir le jour un an plus tard, fin 2005, à l’occasion de la sortie en salle de Joyeux Noël. Le film est aujourd’hui disponible en DVD, et le monument n’est toujours pas debout.Un concours d’architectes a bien été lancé. Sans donner satisfaction. « Un nouveau concours vient d’être lancé, à un échelon européen.Je pensais que c’était passé. Mais Christian Carion m’a rappelé et m’a dit qu’il ne laissait pas tomber. La stèle se fera », raconte Louis Lagniez, qui n’aura pas à sortir un centime, sauf pour le terrain, récemment acquis par la commune et l’association ; il jouxte la nécropole de La Targette.L’ancien dépôt de betteraves devrait être abattu. Une nouvelle souscription vient d’être lancée. L’élan de sympathie autour du projet devrait reprendre de la vigueur : le film avait déjà fait converger vers la mairie de Neuville-Saint-Vaast un flot de courriers, multipliant les témoignages de la présence d’aïeux aux combats dans la commune en 1915 et 1917…
L’auteur du film « Joyeux Noël » veut réparer l’injustice
Après avoir totalisé plus de deux millions d’entrées l’hiver dernier, «Joyeux Noël» est sorti en DVD. Son réalisateur Christian Carion s’explique sur sa volonté de voir ériger un mémorial en hommage aux soldats qui, dans le carnage de 1914-1918, fraternisèrent.
– Comment est né votre projet ?
« Dès que j’ai commencé à m’intéresser aux fraternisations, bien avant de mettre le film en chantier, j’ai compris que les autorités avaient tout fait à l’époque pour étouffer ces épisodes, pour en gommer le souvenir. On a notamment détruit des photos faites par des soldats. J’ai eu un sentiment d’injustice. Après la sortie du film, des gens nous ont envoyé des documents de famille et des photos que nous avons utilisés dans un documentaire. La censure n’avait pas tout saisi.
Je suis né à Cambrai. J’ai vécu près de Bapaume, non loin de la ligne de front, dans une culture du souvenir des combats. Je pense que les fraternisations doivent trouver leur place dans la mémoire collective. Ce mémorial serait le seul monument au monde qui rende hommage à un acte de paix dans un conflit. »
– Comment comptez-vous procéder ?
« Une association baptisée “Noël 14 - le monument” a été mise en place. Elle est présidée par Bertrand Tavernier qui a réalisé deux films sur cette guerre. Elle compte parmi ses membres des personnalités comme Simone Veil, Daniel Percheron, Jean-Paul Delevoye. C’est un projet qui fédère.L’association a été reconnue d’utilité publique. Les dons bénéficieront d’une déduction fiscale. »
– Quel est votre budget ?
« Il n’est pas arrêté pour l’instant. Les collectivités seront sollicitées, comme la Région, qui a déjà apporté une aide au tournage, le conseil général. Nous allons nous tourner vers l’État et l’Europe, mais nous lançons aussi un appel aux dons pour associer le maximum de citoyens au projet. Quand le film a été diffusé sur Canal+, suivi d’un documentaire, ils ont fait une forte audience et ont déclenché beaucoup de courrier et déjà des dons de la part de gens qui ont le sentiment qu’on a voulu leur voler la mémoire sur ces fraternisations. »
– Le site choisi est d’ores et déjà connu ?
« L’association a acheté une parcelle de terrain à Neuville-Saint-Vaast, près d’Arras. Il y a eu à cet endroit une fraternisation. Un “Poilu”, Louis Barhas, qui était tonnelier dans le Minervois, l’a racontée. Dans son texte étonnant, il écrit “peut-être qu’un jour on dressera un monument à la mémoire de ce que nous avons fait”. Ce mémorial serait l’occasion de lui donner raison. Il peut aussi s’inscrire dans un projet plus vaste consacré au tourisme de mémoire. On est au coeur des combats, pas très loin des sites de Vimy et de Lorette. »
– Quel est votre calendrier ?« Au début de l’an prochain, nous allons choisir l’artiste. Nous avons quelques noms en tête mais je ne peux pas en dire plus. On aura aussi une idée du coût. Il y a des projets simples qui peuvent se réaliser en quelques mois. Si on pouvait déboucher sur une inauguration en 2008, ce serait formidable. »
– Avez-vous d’autres projets ?« Je travaille en ce moment à un projet de film sur l’affaire Farewell, une autre histoire vraie, celle d’un colonel du KGB déçu par le système et qui donnera aux Français des informations capitales sur l’espionnage soviétique en Occident. » •
PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE SERRA
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Les dons pour le mémorial de Neuville-Saint-Vaast peuvent être adressés à l’association « Noël 14 », BP 169, 75523 Paris CEDEX 11
La Voix du Nord, édition régionale du mardi 26 décembre 2006

1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est avec plaisir que j'apprend l'existence de cette initiative et sa bonne marche !
En effet mois aussi j'avais découvert ce texte sur un numéro de feu le journal "Le Matin". Plus tard je l'avais traduit en espéranto pour notre revue "Norda Gazeto"(ce fut même le premier texte que j'ai traduit en E-o).
Et puis, également frappé par la réflexion de Louis Barthas, j'avais, une fois écris au maire de Neuville -Saint-Vaast pour lui suggérer l'érection d'un monument, mais n'avais reçu aucune réponse!
Aussi d'apprendre que ce monument sera (j'espère!) effectivement réalisé ne peut que me réjouir très fort.