dimanche 31 décembre 2006

Paysages de Flandres...

LesPaysages flamands sont à la fois résultat du processus de formation géographique / géologique et fruit de l'activité des hommes depuis son installation. L'empreinte de l'homme est profonde sur une petite région au point de parler parfois de «stigmates».

Le constat est en simple: nous sommes au cœur de la «banane bleue» des géographes, c'est-à-dire l'axe industriel et urbain du XIX° siècle, les incidences ne peuvent qu'être nombreuses.


I - LA FLANDRE, UN ENVIRONNEMENT PROPICE AUX ACTIVITES HUMAINES

A - UN ENVIRONNEMENT FAVORABLE

La flandre est un carrefour qui permet la communication avec les îles Britanniques puis le reste du monde. Si nous sommes le Nord de la France depuis 1662 (achat de Dunkerque) et 1667 (conquête de Lille, Douai et Orchies), nous avons surtout été le sud des Pays-Bas et des Provinces unies.
Nous sommes donc et restons une zone de frontière, point de passage obligé pour le commerce, zone d'échange (les foires de Flandre prolongent les foires de Champagne), région d'influences économiques et artistiques. Le pays est ouvert sur l'extérieur, par voie de mer, par voie continentale. Ne trouvait-on pas en effet des draps de Flandre vendus à Kiev? De plus, les autres produits n'en étaient pas moins réputés.

La Flandre est le prolongement du Bassin parisien et de la plaine germano-polonaise d'où l'absence remarquable d'obstacle. Le fait que la Flandre soit un ensemble sédimentaire a des incidences sur l'occupation et la mise en valeur de son territoire.

B - RAPPEL SUR LA GEOGRAPHIE DE LA FLANDRE

La Flandre est un pays bas et plat . Si on se réfère à la carte des altitudes, on la définit comme telle au regard de l'Artois car les reliefs sont les mêmes à l'est ce la frontière.
Rappelons quand même que la Flandre est plus basse, plus plate et en pente douce vers les Pays-Bas.

* La chaîne des Monts n'est qu'une série d'aspérités car aucun ne dépasse 200 mètres d'altitude et ce ne sont pas des massifs sédimentaires.
* La plaine littorale est soumise aux transgressions, de plus une partie est plus basse que le niveau de la mer.
* La Flandre intérieure et gallicane (entre Lys et Scarpe) est une région sédimentaire et argileuse avec des cours d'eau qui débordent d'autant plus facilement que le drainage peut poser problème (voir Phalempin les 2 et 3 décembre 2000).
Rien n'empêche de circuler, les terres sont lourdes et fertiles et les activités agricoles ont été longtemps prédominantes.

Autre rappel, c'est un pays humide. Le climat est tempéré, les précipitations sont abondantes et il n'y a pas d'excessivité des températures. Le climat océanique est d'ailleurs le plus tempéré qui soit, ce qui est bénéfique aux cultures... Cette année de records mise à part. L'eau est présente dans le sous-sol, qu'il s'agisse des sables pissarts de la plaine littorale ou des aquifères dans le reste de la Flandre. Encore une fois ce sont des conditions favorables. En surface, l'eau est aussi omniprésente puisque les cours naissent en Artois. Néanmoins avec la pente douce, avec des sols imperméables, les débordements sont fréquents, les marias pourraient se recréer.

Quant aux limites internes:
* Flandre maritime: le «Blootland», le pays nu, sans arbre
* Flandre intérieure: le «Houtland»
Les deux forment la Flandre Flamingante.
* Flandre gallicane: jusqu'à la Scarpe.
Les nuances, pour peu qu'elles soient subtiles, concernent la terre, les eaux, le peuplement.

C - SUR LE PLAN DU PEUPLEMENT

A la vue d'une carte récente des densités de peuplement en Europe, on voit que la Flandre est très nettement incorporée à l'«Arc de la révolution Industrielle». La densité est ici d'au moins 400 habitants par km² or la France n'affiche une densité de peuplement nationale de 106 habitant par km².

Les causes sont anciennes et variées:

- ville : phénomène ancien, sans préjuger de leur origine.
- influence du bassin minier, dont les activités sont consommatrices de main-d'oeuvre.
- industrialisation précoce (les sayetteurs du XVIII° siècle, les filateurs et la métallurgie au XIX° siècle, la reconstruction de la seconde moitié du XX° siècle).
- l'existence de ports autant commerciaux que militaires (quoique cette vocation n'ait plus de raison d'être) à vocation internationale.
- une bourgeoisie entreprenante (comme la famille Vrau) et une noblesse éclairée qui profitent d'une aide des politiques, grâce à des privilèges seigneuriaux ou comtaux (Qu'il s'agisse des Comtes de Flandre, ou des Archiducs). Nous avons eu plusieurs bienfaiteurs, notamment Napoléon Ier, dont la statue de Premier Consul orna longtemps le superbe écrin de la Vieille Bourse, qui favorisa chez nous les cultures industrielles pour cause de blocus continental à partir de 1806.

De fait, la Flandre possède un semis urbain dense avec une conurbation «centrale» (Lille-Roubaix-Tourcoing), celle-ci est entourée d'un réseau de villes moyennes, voire même de villes «rurales» à très courte distance les unes des autres. Si on ajoute à cela une position longtemps maintenue dans le «croissant fertile» et une tradition d'accueil maintenue depuis des siècles, rien n'est alors étonnant qu'il faille de grandes villes pour loger tout les monde... Le phénomène urbain tel que nous le connaissons est caractéristique des pays de l'Europe du Nord. Agriculture, aide des autorités et mentalité industrieuse, il n'en fallait pas plus pour l'agriculture soit moderne, avec des activités diversifiées, venant en support de l'essor urbain.

II - UNE MISE EN VALEUR PRECOCE

A - METTRE HORS D'EAU: UNE PRIORITE ABSOLUE

La côte flamande est soumise aux caprices de la montée des eaux à chaque période de réchauffement d'où des risques. Les transgressions marines sont assez insidieuses car aucun texte de mentionne d'épisode violent ou de cataclysme. Au retrait de la mer, les populations sont monté des digues comme celle de Jean de Namur dont il reste encore quelques vestiges à St-Pol-sur-Mer. Les gains sont considérables dans le temps mais peu importants dans la distance gagnée. Quoiqu'il en soit, c'est une entreprise de longue haleine, ainsi que le démontre G. Dupas à propos des polders de Gravelines.
Les modifications sur l'environnement sont importantes puisque ces assèchements modifient aussi les cours d'eau. Ces changements ont des incidences sur la sédimentation car les courses des rivières sont incertaines et l'eau peut alors devenir un ennemi «invisible» à combattre en permanence. Les digues sont à maintenir nécessairement.

Le drainage est nécessaire pour combattre l'eau et la rejeter à la mer. C'est ainsi que les Moëres ont été asséchées par Wencelas Coebergher sur ordre des Archiducs Albert et Isabelle. Le travail est long car il continue encore aujourd'hui. En 1770, les Moëres sont envahies par les eaux, les travaux sont abandonnés jusqu'en 1778. C'est un milieu assez fragile. Ailleurs, les watergangs doivent drainer les espaces plats, notamment à proximité des villes.

Ainsi, au sud de Dunkerque, c'est 4.500 hectares parcourus par des fossés qui s'ajoutent aux défenses de la ville. Non pas des défenses infranchissables mais suffisamment gênantes, qui servent aussi de limites cadastrales... Chercher une solution de rejet est un souci quasi permanent: car aucune solution n'est évidente, que l'on use des canaux à écluses, de fleuves comme l'Aa ou des canaux spécialisés comme le canal exutoire, percé dans les années 30. Ces très (trop) basses terres que l'on inonde sont alors des défenses souvent illusoires.
Le drainage existe aussi dans le reste de la Flandre, mais il a été avant tout le fait des abbayes et de quelques seigneurs

La disparition des marécages est aussi une conséquence des travaux de drainage. Utilisable en cas de danger selon Vauban, l'inondation est une chose exceptionnelle à grande échelle mais force est de constater que les marais ont été une donnée permanente du paysage flamand, du moins à certains endroits. On ne souffre pas de pénurie dans ce domaine quoique réserver les marécages à quelques points très isolés de Flandre ou à l'Audomarois est peut-être une erreur en se privant de certaines spécificités naturelles de ces milieux... Ces disparitions permettent cependant de mettre en culture l'ensemble du territoire notamment par la disparition radicale de ces surfaces humides. Quoiqu'il en soit, à la vue des fermes ou des nombreux châteaux résidentiels encore entourés d'eau, à la vue des nombreux étangs que l'on peut observer depuis le ciel, l'eau est encore très présente. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que l'eau, lors de très fortes pluies, ait beaucoup de mal à s'évacuer à cause de la configuration du terrain et de la réduction des capacités d'évacuation et d'absorption.

B - LA MISE EN CULTURE

Il y a des défrichements importants. La couverture forestière est réduite, naturellement dans le Blootland, par défrichement dans le Blootland. La couverture forestière a donc tendance à disparaître sauf sur les pentes des monts (voir la comparaison aérienne de Cassel par Sanderus et du 15 août 2000). Les massifs ont tendance à être reboisés (comme à Kemmel, au Mont Noir ou aux Récollets) car une mise en culture serait par trop improductive. Le reste de la plaine est dévolu à la culture: blés, maraîchage et cultures industrielles, développées depuis deux siècles. La caractéristique est ici - dans l'agriculture comme dans l'élevage - les termes utilisés : agriculture industrielle et intensive.

La qualité des terres oblige à une certaine complémentarité: là où on ne trouve pas de houblon, on trouve des séchoirs à chicorée. Ainsi on trouve des blés, de la chicorée (endive), de la pomme de terre, de la betterave sucrière , du houblon, du lin, et dans une moindre mesure, du tabac. Des plantes qui d'ailleurs ont souvent besoin d'eau. Nous bénéficions cependant d'un savoir pluriséculaire. Remercions au passage un de nos grands bienfaiteurs contemporains, napoléon Ier, sans lequel nous continuerions peut être à cultiver des fèves. A cela s'ajoute une nouvelle dimension qui s'inscrit dans les changements économiques: l'espace flamand est en effet favorable aux grandes exploitations.

Le bocage a disparu au profit de l'open-field et du remembrement, à partir de 1952. Les haies vives de Flandre intérieure et du Mélantois disparaissent pour créer de grandes parcelles autour des fermes isolées. Ce n'est là qu'une suite logique à l'existence d'une agriculture moderne créée dès le moyen-âge (voir les travaux du Professeur Derville). Déjà la flandre se distinguait au Moyen-âge par des rendements élevés, une agriculture déjà industrielle. L'agriculture flamande était prête à obéir aux ordres de napoléon Ier parce qu'elle avait les capacités d'y répondre. En effet, les études sociales montrent l'émergence lente mais inexorable des «laboureurs» et autres agents seigneuriaux dès le Moyen-âge, qui peu à peu imitent la noblesse. Comme les «Landlords» anglais, la paysannerie flamande est à la pointe du progrès et, avec quelques seigneurs, investit dans une proto-industrie établie à l'abri des enceintes urbaines...

La Flandre, c'est avant tout une région fortement marquée par le phénomène urbain et les activités qui y sont attachées...

III - LA FLANDRE: AUSSI ET AVANT TOUT UN PAYSAGE URBAIN

Il faut réitérer le constat; la Flandre appartient à l'arc industriel (la fameuse "banane bleue" des géographes) pour lequel la ville est un phénomène important:
* Elle est un phénomène ancien
* Ce phénomène a été accentué par la révolution Industrielle en regroupant les activités et la main-d'oeuvre.
* La vocation de la ville change en passant de la ville à rempart à la ville ouverte, à espace spécialisé.
La Flandre est le reflet, le témoin de la croissance explosive dans les domaines économique, urbain et humain...

A - LA RUPTURE DE L'INTEGRATION A LA FRANCE

La Ville n'est pas un phénomène importé par les Français, il existe un substrat ancien mais les villes sont cependant isolées dans des remparts quand elles sont importantes. Le réseau urbain se double de villes secondaires et les remparts se complètent de fortifications «semi-privées», rurales ...

La rupture est amenée par Vauban et non par les archiducs, pourtant très actifs. A leur arrivée, les Français n'ont fait que recueillir les fruits de la croissance et de la reconstruction après les guerres de religion.?

La seule nouveauté apportée par les Français est la nouvelle conception de l'utilisation de la ville. Elle devient le point d'appui d'une frontière définie dans le «pré carré» de Vauban. Point question ici de frontière linéaire, elle n'existe que dans le cas des frontières naturelles, incontestables car visibles. Ici, en plaine, on créé une frontière en profondeur, avec des lignes de défense, justement celle - voir la carte - est redessinée par la paix d'Utrecht, et qui par la suite devient celle que nous connaissons... La ville devient un point fortifié, chaque ville complète et couvre sa voisine, néanmoins ceci ne fonctionne que dans une stratégie qui veut que la guerre soit avant tout remportée par la prise des villes et non pas par l'occupation d'un territoire plus ou moins vaste. Les villes importantes se complètent d'une citadelle (citadella : petite ville) comme à Lille ou à Dunkerque, s'y ajoutent des villes secondaires (servant de camps retranchés comme Bergues refortifiée par Vauban) ou des forts secondaires, indépendants, qui sont autant de points d'appui (ex: Fort de Scarpe pour Douai, Fort Louis et Fort Vallières pour Dunkerque).

On trouve ici un réseau en ligne discontinue. Cette conception n'est pas une invention de Séré de Rivières et encore moins de Maginot... Les points d'appui naturels sont évidemment recherchés pour leur hauteur (difficile en Flandre) ou pour les capacités d'inondation . De fait les seules défenses naturelles mobilisables restent en Flandre les marais... Rien d'étonnant alors à ce que la citadelle de Lille ait si magnifiquement résisté en 1708: extraordinaire conception dans un environnement favorable (les marais de Lambersart). On peut aussi - comme à Dunkerque d'après la carte des watergangs du XVIII° siècle - utiliser les fossés de drainage qui peuvent gêner l'approche des ennemis ou même se servir de bras de rivières naturelles comme l'Arbonnoise - aujourd'hui disparue - à Lille.

Autre nouveauté dans l'aspect des villes, c'est la hauteur relativement faible des fronts des forts: les murs d'enceinte dressés par Vauban sont assez bas pour ne laisser que peu de prise aux tirs tendus d'artillerie, et de fait, ces fortifications - basses - s'intègrent naturellement au paysage de plaine. On est loin des murs élevés des enceintes médiévales...

La nouveauté est donc de penser la frontière comme un réseau de villes. Il faut aussi repenser la ville. Elles se doivent d'être protégées : Sanderus signale une simple levée de terre pour Armentières, les cartes montrent des douves (mais qui sont causes d'insalubrité et de maladies). Le schéma de Vauban présuppose malgré tout la destruction pure et simple des points de résistance hors de ses villes fortifiées d'où la volonté de détruire le plus vite possible les châteaux forts comme Erquinghem-Lys, Comines, Lannoy, etc.

Dans un tel contexte, les villes ne peuvent s'étendre que grâce à leurs faubourgs. Le spectacle des villes flamandes n'est pas des plus réjouissants car les monuments grandiloquents côtoient un misère profonde, dickensienne même... La misère est présente et l'organisation économique est difficile à gérer car dans un espace clos de petite taille, on ne peut avoir réellement d'espace spécialisé. La ville est un espace protéïforme; on ne sait pas toujours à quoi s'attendre. Tout réside dans la difficulté à concilier croissance économique et impératifs militaires qui veulent qu'on maintiennent des fortifications, qu'on les réaménagent ou qu'on les agrandissent. Quelque soit le choix, la ville n'est pas toujours agréable pour tout le monde.

B - LA REVOLUTION INDUSTRIELLE

On se trouve ici face au catalyseur de la croissance urbaine, d'autant plus que la Flandre bénéficie de nombreuses conditions favorable au «décollage» économique bien avant la fin du XVIII° siècle. On peut dire que nous avons réussi à prendre «le train en marche». L'existence d'une frontière «poreuse» est bénéfique ici par l'apport de main d'œuvre spécialisée. Les courants migratoires - importants - nous font bénéficier de l'expérience des filateurs belges (voir la Thèse de Pierre Pierrard) ou écossais (comme Dickson à Dunkerque) A cela s'ajoutent les traditions de travail et d'industrie ainsi qu'un contexte historique favorable comme le blocus continental de 1806 qui n'a fait que favoriser les productions locales, qui a incité le développement d' «Erszätsen» pour remplacer les produits d'importation contrôlés par les britanniques. La ville change...

Quant on regarde le tableau de Martin des Batailles sur l'inauguration de l'écluse de Mardyck (fin du XVIII° siècle, Musée des Beaux-Arts de Dunkerque), on voit qu'il l n'y rien ou si peu dans les campagnes. La ville concentre toutes les activités, l'espace est informel car toutes les activités s'y mélangent. Aujourd'hui, et à la suite de la Révolution industrielle, la vue aérienne comme les cartes désigne l'existence d'espaces plus grands mais spécialisés: le centre est dévolu à l'habitat, au commerce, aux «services», à l'est, la commune de Malo est avant tout résidentielle, celle de et de Rosendael se réserve à l'habitat et au maraîchage...

A l'ouest: St-Pol-sur-Mer concentre des usines, des espaces de stockage et un important habitat ouvrier, il en est de même à Coudekerque-Branche au sud... Point central de ce nouvel espace: le port agrandi par Trystram. Un port qui, du XIX° siècle jusque 1945, confond encore les activités économiques et militaires justifiant l'existence de nouvelles fortifications dont il reste quelques rares reliques... La III° République protège le port et la ville de Dunkerque centre, les autres communes en sont exclues (Malo est alors construites de villas de bois pour être démontées ou brûlées en cas de danger). Seuls le port et la ville centre sont considérés comme des points névralgiques...


Lille connaît une évolution analogue: au Lille ancien conservé dans son aspect XVIII° siècle, la ville est repensée au sein de nouveaux remparts avec l'annexion des communes de Moulins, Esquermes, Wazemmes... Mais comme la ville est aussi et avant tout une importante ville de garnison, les activités militaires sont inévitables. La physionomie urbaine de Lille est encore une fois conditionnée par la frontière. On opère une légère refonte des quartiers anciens avec la gare, le boulevard Faidherbe (nommé ainsi après 1870) et l'opéra, on spécialise les quartiers : les grands boulevards sont résidentiels, les communes annexées deviennent des espaces de production et de logement ouvrier... Mais le tout reste emprisonné dans les murs percés de portes. Comment prévoir justement cette ceinture: large mais pas trop, pas assez large et les faubourgs, industrieux donc vitaux, ne seront pas protégés, trop larges et on doit protégés des espaces vides et nécessairement improductifs dans un périmètre au coût d'entretien trop élevé pour les finances communales...

La Flandre connaît alors une nouvelle typologie urbaine: la ville de transit comme Dunkerque, la ville atelier comme Roubaix, la ville rurale où les activités industrielles ou de gros artisanat est complémentaire comme Bailleul ou Armentières... Ceci est possible grâce à une autre bienfaiteur : Napoléon III a permis et même incité à la modernisation des transports, à la voie d'eau et aux routes s'ajoute la voie ferre, mise en place surtout pendant le Second Empire: le train permet de mettre en relation toutes ces villes, que ce soit pour la mobilité des biens comme celle des personnes. En Flandre, le train et l'usine finissent par rythmer le paysage en mettant en relation des villes importantes. La gare est d'ailleurs un excellent informateur sur la dynamique urbaine. A Lille on trouve deux gares dont une est réservée aux voyageurs, au cœur d'un quartier rénové à l'aspect parisien, on veut donc impressionner le voyageur qui débarque. La seconde gare est réservée au fret dans un quartier où les usines sont nombreuses. A Dunkerque, la gare est un terminus mais elle se situe au point de jonction de la ville et du port, affirmant une double vocation... A Bailleul, la gare est à la périphérie, descendre du train à Bailleul oblige à marcher longtemps avant d'arriver au centre de la ville... A croire que les édiles locaux n'y croyaient pas du tout...

C - DEPUIS CENT ANS : DES EVOLUTIONS NOUVELLES

La première guerre mondiale est un événement majeur. Dunkerque excepté, les villes fortifiées de Flandre sont occupées par les Allemands, aux restrictions de circulation s'ajoutent le rationnement et la coercition des troupes d'occupation... La première guerre mondiale met en évidence l'obsolescence de ces remparts. Les murs, pour solides qu'ils soient, ne peuvent et ne pourront plus résister à l'artillerie lourde, qui opère a distance grâce au tir à déflexion, ni à la surpuissance des canons à âme rayée, encore moins à l'aviation... Et comme le char a été inventé, le combat est devenu mobile. Les villes ne sont plus des buts de guerre inévitables... Officiellement, les villes à rempart dont déclassées, et les murailles sont proposées à la démolition... Seul problème, les villes se voient proposer de racheter les murailles pour les détruire... à leur frais.

Durant les années 20, il y a trois types de villes flamandes:

- Les villes sans remparts où l'expansion est réalisable à moindre coût.

- Les villes à remparts assez riches pour racheter aux Domaines les fortifications et faire les travaux. A Lille, parce qu'on avait souffert de l'occupation, les remparts furent vite abattus même si l'on avait aucun projet pour les remplacer... Pendant longtemps, l'espace aujourd'hui occupé par le périphérique fut laissé vide, par manque de moyens et d'idées...

- Les villes à remparts pauvres, contraintes de garder ces remparts et dont la croissance ne peut que se reporter sur les faubourgs. Au sein de ces murailles naissent des «conservatoires» de l'architecture et de l'urbanisme ancien. Ce qu'on ne pouvait évidemment imaginer alors, c'est la transformation de cette contrainte en un fantastique atout touristique comme à Bergues ou Gravelines, dernière ville de Vauban dont on peut faire le tour des murailles par voie d'eau. Ces villes à rempart deviennent des villes typiques comme Bergues qui a du garder les remparts espagnols et les ajouts Vauban. En contrepartie, ces villes sont figées et l'urbanisme évolue très lentement, avec des contraintes très fortes liées à la conservation du cachet pittoresque et au respect des normes des Monuments Historiques.

Toute reconstruction est nécessairement une imitation du passé en modifiant très légèrement la trame urbaine ancienne. Cela permet la redécouverte d'un style régional pour les villes situées dans les zones de combat et qu'il faut reconstruire... Ce sont les derniers feux des villes rouges de Flandre...


La reconstruction de l'entre-deux-guerres est une seconde étape importante. Si avant guerre, Louis Marie Cordonnier édifia le Palais de la Paix à La Haye, on retiendra de lui les plans du nouvel Hôtel de Ville de Dunkerque (1901) qui complète merveilleusement le néogothique flamboyant de la façade de St-Eloi, dessinée par Van Moe. Son style éclate avec la reconstruction de l'entre-deux-guerres car il est le principal artisan de la reconstruction des villes dévastées... A sa charge, la reconstruction des villes de la vallée de la Lys. Il redonne aux villes flamandes leur lustre d'antan. Des villes entières sont repensées par lui comme par ses pairs: Bailleul, Armentières, Meteren, Armentières, Quesnoy-sur-Deûle... et des villages situés sur les lignes de front comme Radinghem retrouvent leur lustre d'antan avec plus ou moins de bonheur mais aussi avec quelques concessions à la modernité. Occasion est offerte de redécouvrir mais aussi de relire le passé architectural des Flandres. Cette démarche est encore plus flagrante hors de Flandre française comme à Arras ou à Furnes. Dans le cas de nos villes, il y a re-création d'une ville idéal en plaçant «mieux» des monuments reconstruits à presque l'identique, avec des matériaux nouveaux... Néanmoins ceci ne concerne que les centres et les bâtiments prestigieux car, sans verser dans le misérabilisme, la plupart des quartiers ouvriers ne voient pas d'amélioration... Le confort - comme les salles de bains ou les latrines intérieures - ne se généralisent qu'après la seconde guerre mondiale. L'eau courante n'existe d'ailleurs qua pour les grandes maisons dans de nombreux quartiers. La beauté de la plupart de ces reconstructions s'explique aussi par l'existence de budgets relativement élevés; en effet, la zone des combats ne concerne pas toute la France aussi on mobilise ici plus de moyens qu'on ne pourra le faire après 1945...

Autre événement décisif: la reconstruction après 1945, suivie des «Trente Glorieuses». Les dégâts sont plus importants et la reconstruction concerne autant l'habitat que les infrastructures de transport comme de production (qui n'a pas en mémoire les bombardements de la gare de Lomme-Lille-Délivrance?) On s'inscrit donc dans une double logique: logique de reconstruction mais avec des marchés d'état, ce qui explique une certaine uniformisation (à titre d'exemple hors de notre zone d'étude, Maubeuge est reconstruite après la seconde guerre: un quartier est identique à des îlots de Dunkerque, un autre quartier est copie identique d'une rue commerçante de Calais...). D
ans le même temps, les logements individuels sont remplacés par des immeubles collectifs. C'est là l'adaptation à la croissance économique et démographique... Car il ne faut pas oublier, la Flandre bénéficie aussi du «Baby-Boom». La seconde logique, c'est la dissociation des activités économiques et des espaces de logement en créant ici des quartiers ex-nihilo...

On entre dans une période de profonde mutation comme à Tourcoing où le centre historique (St-Christophe est à l'origine la chapelle castrale de Tourcoing) s'orne d'immeubles élevés ou des petites communes, rurales, comme Grande-Synthe deviennent des villes composées essentiellement de barres et de tours. Il importe de loger vite, dans l'urgence et à moindre coût, une population sans cesse plus nombreuse, en oubliant - certainement inconsciemment - que la banlieue soit être plus qu'une cité-dortoir, croyance erronée en un progrès économique infini et continu oblige...

Dans de nombreux cas, il est impossible de repérer la trame urbaine ancienne. Ce qui est relativement aisé à Dunkerque malgré un taux de destruction de 90 % est quasiment impossible à Lille-St-Sauveur avec la restructuration de 1959...

Signalons une expérience intéressante car unique au Nord de Paris, c'est «l'invention» d'une ville à partir des trois villages de Flers, Ascq et Annappes (assez anciens d'ailleurs puisque Annappes fut un fiscus carolingien et Annappes est cité à la même période). Nous nous plaçons ici dans une logique de croissance maîtrisée et pensée dans un ensemble vaste: la gestion d'un espace nouveau...

Néanmoins, il reste quelques créations dont l'impact est négatif surtout sur le paysage comme les grandes usines - notamment sidérurgiques - comme Usinor-Dunkerque, devenue ARCELOR. Bien évidemment, il n'est nullement question de réclamer une éventuelle fermeture mais plutôt de constater que de nombreuses usines comme celle-ci ont été édifiées à une époque où personne ne se souciait d'esthétisme industriel (contrairement à de nombreuses filatures du XIX° siècle) ni de protection de l'environnement. On peut tout au plus réclamer des modifications pour limiter les rejets (des polluants salissants et qui ne sont pas sans conséquences sur le plan de la santé...) ainsi que l'aspect actuel. Ceci est d'une haute importance si on veut continuer de jouer la carte du tourisme, que ce soit la région ou même la ville de Dunkerque...

Si les villes-ateliers de la révolution industrielle ont disparu, seuls subsistent quelques points d'activités très spécialisés, les villes tertiaires et les villes rurales constituent l'essentiel de la trame urbaine flamande actuelle...

En Guise De Conclusion
A choisir, trouvons une ville de Flandre qui reflète bien notre propos... Proposons, en Flandre intérieure, la ville de Steenvoorde. Il est possible de comparer la vue proposée au XVII° siècle et une vue aérienne contemporaine. Une bonne part du patrimoine ancien est conservée mais la trame urbaine ancienne est relativement bien respectée malgré la croissance de l'espace bâti... Le château, conformément aux évolutions de la poliorcétique a disparu... Ici la croissance urbaine a été relativement bien maîtrisée avec le maintien d'activités non agricoles et spécialisées (stockage de viandes) mais le paysage a évolué sensiblement avec un important déboisement et un remembrement très important pour créer des parcelles vastes...
Nous sommes donc ici dans une ville typique de l'Europe du Nord, de taille moyenne au sein d'un réseau serré, proche de plus grandes villes.

1 commentaire:

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