lundi 1 mai 2006

Ces huit heures qu'ils désiraient

Aujourd'hui, les défilés rassembleront peut-être du monde, il faut l'espérer car la revendication sociale et politique qui s'est exprimée dans nos rues ne doit pas passer pour une "poussée de fièvre".
Qu'il s'agisse de montrer l'unité des travailleurs, mais aussi des futurs employés comme des retraités, le Premier de mai est le moment où théoriquement les chapelles syndicales doivent taire leurs oppositions et les tensions doivent s'effacer surtout dans les régions du Nord, terre de lutte et d'engagement, qu'il s'agisse de syndicalisme, d'anarcho-syndicalisme, de partis "progressistes" ou même de catholicisme social.

A l'origine, le premier mai avait été choisi pour honorer la mémoire des militants de Chicago, pendus en 1886 à la suite des manifestations de Haymarket devant les usines Mac Cormick, dans les départements nordistes, la date - souvent oubliée - reste viscéralement attachée au 1er mai 1891 à Fourmies.


Les revendications sont simples et semblent naturelles aujourd'hui:

"A 10 Heures du Matin. - Les Délégués désignés en Assemblée générale des Travailleurs et réunis à Fourmies, au Café du Cygne, rue des Eliets, se rendront à la Mairie. Toutes les communes sont invitées à manifester dans le même sens dans chacune de leur localité.Les Délégués exposeront comme revendications :
1. La journée de huit heures ;
2. L'application de l'unification de l'heure pour la rentrée et sortie des fabriques et la même heure pour toutes, annoncée par la cloche locale ;
3. Création d'une Bourse du Travail ;
4. Révision générale des tarifs, suppression des règlements léonins, abrogation des amendes et des mal façons ;
5. Fixation de la paie tous les huit jours, sans retard laissé dans la caisse des patrons au détriment de l'ouvrier, et l'obligation réciproque de prévenir 8 jours à l'avance en cas de cessation de travail ;
6. Suppression des octrois ;
7. Amélioration hygiénique à apporter dans certains ateliers en particulier et dans Fourmies et région en général.
8. Création de Caisses de retraites pour les ouvriers."

Bien évidemment, la réaction patronale ne fut pas des plus douces, ils refusèrent en bloc ces revendications. Les esprits s'échauffent. Finalement la fusillade éclate sur la place de l'église (on utilise d'ailleurs le fameux fusil Lebel pour la première fois sur cible humaine) et laisse une trentaine de blessés et 9 morts dont une jeune fille de 18 ans et un enfant, Emile Cornaille, seulement âgé de 10 ans... en 45 secondes tout au plus...

L'évènement sera de portée internationale et les conséquences politiques en France très lourdes.

1891, une année où des mondes se découvrent: le curé de Fourmies porte assistance aux victimes et devient le symbole du rapprochement entre l'Eglise catholique et les milieux ouvriers, gagnés par la déchristianisation, rapprochement concrétisé par l'Encyclique Rerum Novarum du Pape Léon XIII, promulguée quelques jours plus tard.

Ce n'est qu'en1903 qu'un monument sera élevé à la mémoire des fusillés dans le cimetière.

Il faudra attendre la loi du 23 avril 1919 pour que la journée de 8 heures, soit 48 heures par semaine soit finalement accordée.

La question de sa transformation en jour férié est posée par les rapports de police dès le début du siècle.

En 1937, l'État donne l'exemple en accordant un jour férié: les fonctionnaires n'auront plus à faire grève pour manifester le 1er mai.

En pleine occupation, l'Etat Français en fait la "Fête Nationale du Travail", et choisit ce jour pour exposer les principes de la Charte du Travail qu'il entend imposer comme cadre des relations sociales. La Charte du Travail n'a pas survécu à la Libération, mais le Premier mai est resté un jour férié...

Alors, en allant ce matin acheter votre muguet, ayez une petite pensée pour les fusillés de Fourmies et pour ce ce jour qui a porté leurs espérances...

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