Nous sommes tous des réfugiés de Sangatte
Comme ces réfugiés belges à Boulogne en 1914, chassés par l'avance allemande, nous sommes tous des réfugiés.
La grande majorité des familles du Nord et du Pas-de-Calais ont subi les avancées prussiennes de 1870, les occupations allemandes des deux guerres mondiales et que ce soit pendant les combats ou parce que l'occupant leur ordonna, il fallut à des milliers d'entre eux prendre les chemins de l'exil, parfois pour de longues années. A une génération d'intervalle, ce sont parfois les mêmes qui durent quitter leur logis en laissant le peu de biens qu'ils avaient derrière eux.
Ainsi, en 1914, ma grand-mère maternelle, enfant, dut partir en Sologne car l'agglomération dunkerquoise une fois transformée en camp retranché vit partir ce que le général commandant la place appella les "bouches inutiles". 26 ans plus tard, mariée et mère de famille, elle vit se déchainer sur sa ville les feux du ciel. En 1944, elle dut quitter son mari, resté sur place comme pompier et partir enceinte et accompagnée de ses enfants vers le département de l'Aube. L'accueil là-bas ne fut pas exceptionnel, on les y traita de "boches du Nord", on refusait même de leur vendre l'essentiel...
Quant à ma famille paternelle, ma grand-mère, jeune mariée et enceinte de son premier enfant, quitta elle-aussi Saint-Pol-sur-Mer avec son mari et ses beaux-parents. Elle atterrit à Montemonrency-Beaufort - dans l'Aube - où tous furent accueillis humainement, avec chaleur au point d'adopter leurs hôtes comme une seconde famille, où son fils aîné naquit, et de continuer à avoir d'étroits contacts encore 60 ans après... C'était pourtant le même département. Dans ma commune, on n'enregistra aucune naissance en 1944, pareil pour la première partie de 1945...
Que l'on se rassure pourtant, nul ici n'incite à la désobéïssance civile, nul n'engage à mettre en péril sa liberté en aidant ou en hébergeant ces hommes jeunes qui à Calais désespèrent d'un passage en Angleterre, sont soumis à de nombreuses vexations et tracasseries, sont privés de toute hygiène, vivent le plus souvent dans des conditions abjectes que l'on refuserait à des animaux. Et pourtant seuls quelques uns s'engagent pour leur porter de l'aide, en courant des risques importants tant les lois contre ces irréguliers sont dures et restrictives.
Je les admire de savoir ainsi se mettre au service des plus démunis, des plus humbles, mais pour ceux qui n'ont pas la possibilité d'agir, gardez à l'esprit que ce pourraient être vos frères, vos cousins, vos fils. Qui sait ce que ce doit être de devoir tout quitter dans l'espoir d'une survie plus que d'une vie, de vendre tous leurs biens, souvent maigres, pour payer les passeurs.
Ne leur jetez pas la pierre, vos parents ou vos grands-parents, vous-même peut-être, avez peut-être connu les chemins de l'exil.
Ne détournez pas le regard, ne maugréez pas... une pièce, un don à une association qui leur porte secours, ou même un sourire, même un regard, ce n'est pas grand-chose, et c'est tout en même temps pour ceux qui n'ont rien... Je garderai toujours à l'esprit que si des gens n'avaient pas accueilli mes famille, mon père et ma mère seraient peut-être nés sur le bord d'un fossé, au fond d'une étable ou sur un tas de gravats... La charité ne connait ni heure ni couleur.
3 commentaires:
Ds photos vraiment émouvantes et vos articles toujours aussi passionants.
Sauf lourde erreur, le Nord n'a pas été envahi par les Prussiens en 1870 et les nordistes n'ont donc pas fuit... Par contre c'est tout à fait vrai pour 1914 ... La Normandie devenant "une petite belgique"
Non, vous avez raison, le Nord n'a pas été occupé mais il a été envahi, faut il rappeler les deux grandes bataills gagnées par Faidherbe, chose ardue que de mener des batailles à front renversé (voir celles ci sur le socle du monument de la place Richebé). Evitant l'occupation deu Nord, il n'en fut pas de même pour le Pas-de Calais, ni pour les départements picards. Cela expliquant en partie la hargne allemande pendant l'occupation de Lille durant la Grande guerre.
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