Un temps détestable… ! mais que dire ou prédire ? L’objectif de ces chroniques n’est ni de prédire, ni de promettre, mais de rafraîchir – vous apprécierez le choix de ce verbe particulièrement de circonstances ! - notre mémoire collective ou celle de nos informateurs de météo. Car si la pluie et le mauvais temps nous surprennent, nos ancêtres ont forgé des dictons qui sont la preuve que ce n’est pas si nouveau que ça qu’il pleut beaucoup en cette saison. Il faut en effet pour qu’il y ait eu dictons que les phénomènes se soient reproduit plusieurs fois ou souvent… donc… ! D’ailleurs on appelle cette période «la mousson d’Europe» et c’est précisément la période où se déroule le tournoi de Roland Garros. Nous avons tous été témoins de ces averses à répétition s’abattant sur les cours. Rien de nouveau ! C’est, à quelque chose près, chaque année pareil !
Quant à notre mémoire, faut-il rappeler quelques chiffres ? Pluies record en Ile de France le 1er juin 1992 avec 192 mm à Paris. Il y a 2 mètres d’eau dans les rues de Sarcelles ! Des photos impressionnantes font la une du Parisien du 2 juin. 6 juin 1950 un orage inonde Le Mans sous 2m d’eau ; 7 juin 1987 un grain orageux surprend l’Aquitaine. Il faisait 11° dans le Nord un 30 juin après-midi et 10° dans ce même département le 15 juin 1971 alors qu’on enregistrait 9° à Strasbourg le 6 juin 1969 et 9° aussi à Lyon et à Clermont-Ferrand le 1er juin 1962. Les parents d’élèves de l’école où nous étions à Paris se souviennent bien de nos kermesses sous la pluie et sous le froid. Du chauffage qui se déclenche un 24 juin. Voila un chapelet de catastrophes dues aux orages et au mauvais temps au cours de ce mois de juin dans les années passées. On a oublié. On n’a retenu que les grosses chaleurs des quatre dernières années ! On a oublié que Juin est un mois capricieux, à l’image de Junon auquel il est consacré.
Juin 2008 s’annonce fidèle à l’image de la déesse à laquelle il est consacré : capricieux, avec des orages. Voyez ce que nous dit la météo nationale pour les jours qui viennent. Saint Barnabé, dont j’ai attendu la fête pensant qu’il allait remettre de l’ordre dans tout ça, se révèle impuissant. Il est vrai que les proverbes nous disent que sa grande préoccupation est de reboutonner la culotte du «grand pissard» saint Médard. Or les proverbes qui le concernent, comme ceux des plus connus pour la saint Médard, datent semble-t-il du XIe siècle, bien avant la réforme grégorienne. La saint Médard était alors juste avant le solstice d’été, au moment où la lumière solaire est la plus vivifiante et où les influences astronomiques peuvent amener des troubles atmosphériques provoquant orages et pluies ; et la fête de saint Barnabé était trois jours après, à la veille du jour le plus long de l’année, le jour où le soleil de midi darde ses rayons à la verticale, ce jour étant alors le 24 juin.
Avec la réforme grégorienne, tout a été déplacé, et saint Médard se retrouve le 8 juin, saint Barnabé le 11 et le solstice le 21. Je rappelle ceci avec insistance car j’ai lu encore hier dans notre grand journal régional, semblable explication, sauf que l’auteur a oublié de noter que le solstice était au 24 juin, comme celui d’hiver à la veille de Noël. Si on oublie cela, on oublie du même coup l’explication de la fête de la saint jean et la signification des feux de la saint Jean et aussi la signification de Noël.
Juin tire son non de Junon, déesse de la Fécondité, assimilée à l’Héra grecque. Elle symbolise l’union des principes lunaire et solaire. Fille de Saturne et de Rhéa, elle est à la fois sœur et épouse de Jupiter et mère de Vulcain et de Mars. Comment voulez –vous que cela ne déclenche pas les foudres ? Qui plus est elle était jalouse et vindicative, et d’un caractère acariâtre. Sans parler de ses disputes avec Jupiter, Junon mit souvent le trouble dans l’Olympe. La nymphe Chélonée, la reine des Pygmées Pigas, les filles de Proctus, la nymphe Callisto, le berger Pâris, la nymphe Echo furent autant de victimes de son mauvais caractère. La première fut transformée en tortue car elle était arrivée en retard au mariage de Junon. La deuxième fut changée en grue pour avoir osé se comparer à elle. Les deux suivantes furent changées en génisses alors qu’elles se proclamaient les plus belles, ou même en ourse ! Juin nous invite à nous replonger dans la mythologie. Si vous promenez dans le parc de Versailles vous retrouverez toutes ces nymphes et déesses et leurs allégories, notamment au fameux bassin de Latone.
On dit aussi que «juin» viendrait de juniores, «jeunes gens», tout comme «mai» viendrait de majores, «hommes âgés». C’est moins probable. Le nom de ce mois vient du premier calendrier romain, selon une habitude courante chez les habitants du Latium à cette époque de dédier à un dieu chacun des mois de l’année avant qu’on ne fixe des noms liés au système numérique.
C’est le mois des mariages et des mères à cause de la référence à Héra et la maturité qu’elle symbolise. Des quantités de croyances et légendes populaires en découlent dont, par exemple, la tradition en vigueur dans les temples de Junon qui voulait que les femmes se coiffent en séparant leur chevelure en deux, théoriquement avec la pointe d’une lance, pour symboliser la fusion des principes lunaire et solaire. C’est sans doute l’origine de cette coiffure des jeunes filles que l’on appelle les couettes !
A propos de saint Médard, fêté le 8 juin, voici les plus connus des dictons : «Saint Médard grand pissard, il pleut quarante jours plus tard.» ; «S'il pleut à la Saint-Médard, il pleut quarante jours plus tard, à moins que saint Barnabé ne lui donne un coup de pied ou ne lui coupe l'herbe sous le pied.» ; «Pluie à la Saint-Médard durera quarante jours plus tard, à moins que la saint Barnabé ne vienne lui couper le nez (ne ferme le robinet).» ; «Soleil à la Saint-Barnabé, Médard a le nez cassé» ; «Saint Barnabé reboutonne la culotte de saint Médard.» ; «Saint Barnabé, la journée clairette de saint Médard, rachète.». Et pour ce qui est de la légende, je vous renvoie aux chroniques des années précédentes.
L’observation du cycle lunaire en référence à ces dictons laisse supposer, -ou prévoir… ! - un temps semblable, fait de passages orageux, avec de la grêle et des chutes assez fortes de températures, presque jusqu’au 14 juillet, avec ses fameux orages, la pleine lune étant le 18 juillet et le nœud lunaire le 20. Juillet deviendra alors le «thermidor» du calendrier révolutionnaire et on peut penser à juste raison qu’il fera chaud à ce moment là. A quelques jours près on retrouve les quarante jours annoncés pour la saint Médard. Les paris sont ouverts !
Je rappellerai, pour ce qui est de l’histoire, la célèbre affaire des «convulsionnaires de saint Médard» c'est-à-dire des manifestations curieuses et étranges qui, en pleine querelle janséniste, se produisirent sur la tombe du diacre Pâris, au cimetière de la paroisse saint Médard à Paris. Une ordonnance du roi le 27 janvier 1732, déclara qu'on cherchait à Saint-Médard à abuser de la crédulité du peuple et, en conséquence, le cimetière fut fermé. Immédiatement, un petit distique ironique fleurit et se répand dans Paris : «De par le roi, défense à Dieu / De faire miracle en ce lieu».
Je n’abuserai donc pas plus longtemps d’interprétations des dictons et autres proverbes pour ce mois de juin, par crainte de me voir interdire toute interprétation de tel ou tel dicton et de m’attirer la foudre de mes fidèles lecteurs.
Je laisse à chacun la liberté d’interpréter ce qui suit.
En juin l’idéal est un temps ni trop humide ni trop sec, ni trop chaud, ni trop froid. Tout est dit et son contraire… !
«Un pré est bien vaurien, quand en juin il ne donne rien» ; «En juin beau soleil qui donne n’a jamais ruiné personne».
L’ennemi de ce mois c’est la pluie «Temps trop humide en juin donne au paysan du chagrin» dit-on en Anjou. Et en Bourgogne «Pluie de juin, belle avoine, maigre foin» alors qu’en Picardie «Pluie de juin détruit vin et grain» ou «Pluie de juin ruine le moulin». On trouve encore «S’il pleut en juin mange ton poing» et «Un juin humide et les greniers sont vides». Mais il y a pluie et pluie : «Juin larmoyeux rend le paysan joyeux» trouve-t-on en Franche-Comté, ou encore «Juin humide n’appauvrit pas le paysan» et «En juin pluie au soleil unie, fait prévoir récolte bénie». Alors que croire ?
Les avis divergent «S’il tonne en juin paille et foin» ou «S’il tonne en juin, belle récolte assurée, mais pour les bêtes à quatre pieds grande mortalité» en Lorraine.
Dans tous les cas «Qui en juin se porte bien ne craindra rien» !
Alors rendez-vous au mois de Juillet. A Diou sias !
Jean Mignot
Le 11 juin 2008 en la fête de Saint Barnabé
«Le jour de la saint Barnabé ( le 11 juin), est le plus beau jour de l’année»