mercredi 20 décembre 2006

Qui veut la mort du patrimoine aéronautique français?

Vous avez peut-être assisté au dernier meeting de La Ferté-Alais...Alors que l’on célèbre partout en Europe le 60e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, et que l’on rend hommage aux derniers vétérans encore vivants, un faisceau de nouvelles réglementations construit la partition de la marche funèbre du patrimoine aéronautique français.


CREATION D’UNE REDEVANCE POUR LES MEETINGS AÉRIENS
Un récent projet d’arrêté fixant le champ d’application et les tarifs de divers services rendus par la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) prévoit — chose nouvelle — une redevance intitulée " redevance de manifestation aérienne " relative à la délivrance de l’autorisation relative à l’organisation de manifestation aérienne prévue par l’article R. 131-3 et des arrêtés pris en application. L’article 20 de ce projet indique des montants de redevance de manifestation aérienne fixés forfaitairement à 10 000 euros pour les manifestations de moyenne importance et à 20 000 euros pour les manifestations de grande importance (soit respectivement trois et six mois du salaire moyen d’un fonctionnaire de la DGAC…). Même si ces montants sont donnés à titre indicatif, sans tenir compte des consultations en cours, il n’en demeure pas moins que jusqu’à présent, les organisateurs de meetings n’avaient rien à payer — et pourquoi auraient-ils eu une redevance à payer à un service d’état ? Qui plus est, si l’arrêté donne des montants indicatifs pour cette redevance, il ne dit absolument rien des services exigibles en contrepartie par les organisateurs de meetings… Quant aux organisateurs de meetings aériens dégageant des bénéfices supérieurs aux redevances prévues, il n’en existe aucun en France à notre connaissance. L’article 20 de ce projet d’arrêté signifie tout simplement la fin des meetings aériens en France, et en corollaire celle des avions de collection, et donc une attrition à très court terme de notre patrimoine aéronautique.


LE DECRET QUE LES COLLECTIONNEURS ATTENDENT DEPUIS… DEUX ANS, REMIS EN CAUSE PAR UNE NOUVELLE LOI SUR LA DEFENSE NATIONALE
Lors du vote de la loi sur la Sécurité Intérieure, au début de 2003, les collectionneurs avaient obtenu in extremis sa modification, afin de pouvoir continuer à détenir et à acquérir d’anciens avions militaires. Or, cette loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 sur la Sécurité Intérieure, et plus spécifiquement son article 80, n’est toujours pas appliquée car le décret d’application n’a toujours pas été promulgué. Ceci malgré de nombreuses relances auprès des services concernés. Le texte de ce décret existe pourtant bien ; il a été rédigé par un fonctionnaire du ministère de l’intérieur et devait être présenté au conseil d’état en février dernier. Nul ne sait plus aujourd’hui où il se trouve, perdu dans les nombreuses mutations de personnels qui suivirent les changements de fonction de N. Sarkozy. Mais surtout, certains hauts fonctionnaires zélés du ministère de la Défense bloquent depuis deux ans sa sortie, bloquant du même fait l’enrichissement de notre patrimoine aéronautique ; un, en particulier, s’est appliqué à retarder sine die la parution de ce décret d’application de l’article 80 de cette loi pourtant votée dans l’urgence en 2003. Selon ce fonctionnaire, “il n’existe actuellement aucune procédure réglementaire autorisant le " déclassement " d’un matériel classé dans la 2e catégorie des matériels de guerre [à laquelle appartiennent les anciens avions d’armes militaires, même un Spad XIII de 1918] en dehors de la réduction à l’état de ferrailles " et il ne voit pas de raison d’agir pour changer cet état de fait. L’inquiétude des collectionneurs est d’autant plus légitime qu’ils ont appris qu’une première lecture d’un projet de loi sur la Défense nationale a eu lieu le 7 avril 2005 à l’Assemblée nationale, visant plus ou moins intentionnellement à abroger de fait une partie de la loi sur la Sécurité Intérieure.


UN RÈGLEMENT EUROPÉEN IMPOSANT QU’UN B-17 SOIT ASSURÉ COMME UN BOEING 737
Depuis le 30 avril, un règlement européen impose de nouveaux seuils de couverture en responsabilité civile à tous les opérateurs d’aéronefs. La spécificité des avions de collection n’a pas été prise en compte lors de la rédaction de ce règlement, qui catégorise les avions par tranches de poids, avec pour chaque catégorie un minimum de couverture. Un B-17 ou un Noratlas se retrouve ainsi dans la même catégorie qu’un Boeing 737… et donc doit payer la même prime d’assurance. Or, un B-17 ou un Noratlas ne vole que 30 à 40 heures par an contre plusieurs centaines pour un Boeing 737 d’une compagnie aérienne et ne peut emporter de passagers payants… il en résulte au minimum le triplement de la prime d’assurance de ces avions historiques, véritables monuments vivants, parce qu’en état de vol, à la mémoire des équipages qui ont donné leurs vie pour notre liberté. Cette augmentation hors de proportion engendre un surcoût à l’heure de vol impossible à supporter pour les associations de bénévoles qui restaurent, entretiennent et font voler ces machines. A court terme, ces avions seront arrêtés de vol définitivement, et ne pourront donc plus être présentés au plus grand nombre, et en particulier aux jeunes générations, où ils seront vendus à l’étranger, ce qui ne fera qu’amoindrir encore plus notre patrimoine aéronautique. A l’heure où le couplet sur devoir de mémoire est repris sur tous les tons partout en Europe, les menaces qui pèsent aujourd‘hui sur notre patrimoine aéronautique sont tout simplement indécentes, intolérables. Vous pouvez agir. Ecrivez à votre député local, ainsi qu’à votre député européen. Agissez ou faites-vous à l’idée que vous ne verrez plus jamais ces monuments honorer la mémoire des libérateurs dans leur élément.


Jean Claude Roussel, président de la FFA
Patrick Charrier, président de l’AOPA
Gérard Feldzer, président de l’Aéro-Club de France
Catherine Dartois, présidente du RSA

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