mercredi 20 décembre 2006

un certain 2 février 2006


Février 2006, matin brumeux et froid, comme aujourd'hui, je passais par Wormhout pour chercher un journal qui ne paraît pas dans mon coin... Comme toujours, dès que je quitte ma commune, je prends mon appareil photo et reprenant la route de Dunkerque, j'avise cette superbe demeure derrière de larges grilles à monogramme. Ce qui m'intéressait c'était surtout la vigie qui couronne le toit. Je redémarre et là les Bleus m'interceptent, contrôle de papiers, contrôle du véhicule, petit tour sur leur ordinateur comme si j'étais un ennemi public et en plus le sermon comme quoi je n'ai pas le droit de photographier des maisons (si ça continue, les photographes n'auront plus qu'à viser leurs pieds!) puis morale sur ma vitesse (je démarre vite certes mais je ne dépasse pas le 50 en ville, étonnant ma voiture n'a plus la pêche d'un bolide depuis des siècles...) et donc, menacé quasiment du gibet, il a fallu que je montre toutes les photos stockées sur la carte mémoire (pffft, chanceux moi qui ne photographie que des monuments et des batiments... euh non, pour cela on m'aurait peut-être pendu), j'ai remisé cette photo et ses soeurs au fond du disque dur...
Je ne sais pas qui les pandores protègent dans cette "bonne ville" de Wormhout mais assurément, j'avais porté atteinte à la sécurité nationale . Autant le dire, ils sont zélés car avant comme après cette interception, jamais un représentant de l'ordre ne m'a fait de telles remarques, parfois même ils m'ont même demandé l'adresse du présent site... A croire que le gendarme rouquin et zozotant avait besoin de se faire les dents sur moi... Dame! je troublais dangereusement l'ordre public, je faisait craindre le pire au bourgeois wormhoutois...
Et puis cette semaine, je tombe sur un article du monde et à l'issue de sa lecture, je me dis qu'il est temps de ressorit le corps du délit (la photo, pas moi!) A vous de juger quel dangereux terroriste je fus ce matin du 2 février 2006...
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On peut photographier une cabane du Luberon...
LE MONDE 13.12.06 14h49 • Mis à jour le 13.12.06 14h49


Une décision de justice conforte un peu plus les photographes qui essaient tant bien que mal de prendre des images de maisons ou de sites naturels visibles par tous, à la ville comme à la campagne. Le tribunal de grande instance d'Avignon a, en effet, débouté, mardi 12 décembre, les propriétaires d'une "borie", cabane typique de pierres sèches et symbole de la région du Luberon, qui poursuivaient des éditeurs de cartes postales pour la commercialisation de l'image de leur "borie".

La justice avignonnaise suit totalement un arrêt de la Cour de cassation de mai 2004 qui visait à mettre de l'ordre dans les innombrables revendications de propriétaires invoquant leur droit sur l'image d'un bien. Des conflits et procès, parfois rocambolesques, ont en effet vu le jour concernant des photos de maisons, cafés, bateaux, arbres, calanques, tracteurs, manèges, ascenseurs - et même le volcan du Pariou, en Auvergne - qui ont pu être publiées dans des livres, des journaux, sur des publicités ou en carte postale.

Afin de tempérer les revendications de propriétaires, la Cour de cassation avait émis deux principes. Le premier est que "le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci". La Cour affirmait aussi qu'un propriétaire ne peut s'opposer à l'utilisation de l'image de son bien que lorsque cette image lui cause "un trouble anormal" et plus seulement quand la photo lui cause "un trouble certain", comme c'était le cas auparavant. Ainsi, en concluait l'avocat Gérard Ducrey, spécialiste de droit à l'image et qui défendait les éditeurs de cartes postales dans l'affaire de "la borie" du Luberon, un "trouble normal provoqué par une image est désormais acceptable".

C'est exactement ce que les juges d'Avignon ont dit. Ils ont estimé que les propriétaires n'ont "pas démontré l'existence d'un trouble anormal" causé par la diffusion des cartes postales. Les magistrats ajoutent : "La borie litigieuse qui participe par son originalité archéologique au patrimoine régional ne constitue pas leur domicile privé (...) elle est située sur un espace de garrigue dont les abords sont accessibles au public ; il s'agit d'un bien exposé à la vue de tous depuis la voie publique et de tous les terrains contigus non clôturés que peuvent parcourir les promeneurs dans le parc régional du Luberon."

Les juges rejettent l'argument "d'une fréquentation intempestive de touristes" causée par la diffusion de la carte, invoquée par les copropriétaires qui se plaignaient de dégradations sur leur champ de lavande - un argument que l'on retrouvait aussi chez les propriétaires installés sur le volcan du Pariou. Les juges enfin ne tiennent pas compte de l'usage de l'image en cause - que ce soit pour une publicité, une carte postale ou pour être publiée dans la presse.

Les trois copropriétaires de la "borie" située à Saignon (Vaucluse) avaient déposé plainte fin 2003 contre les éditeurs de cartes postales, Provençale d'édition de cadeaux (PEC) et Editions Totales créations Massilia Concept, le photographe Camille Moirenc et la propriétaire d'un bar tabac d'Apt (Vaucluse) qui vendait ces cartes. Ils réclamaient le retrait des cartes ainsi qu'une provision sur dommages et intérêts d'abord chiffrés à plus de 42 000 euros puis ramenée à au moins un euro symbolique.

"Ce jugement consacre la liberté pour les photographes de photographier les biens meubles et immeubles", affirme Gérard Ducrey. C'est aussi pour beaucoup un retour au bon sens.

Michel Guerrin (avec AFP)
Article paru dans l'édition du 14.12.06.

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