du mois de mai 2008
Nous connaissons tous le fameux : «En mai fais ce qu’il te plait». En effet nous pouvons raisonnablement penser que les beaux jours sont enfin là. Or les nombreux dictons du mois, contradictoires ou embrouillés, taquins ou imprévisibles, nous invitent à la prudence. «Mai, va comme te plait, quoique encore on ne sait !...»
C’est en mai que l’année prend le bon ou le mauvais tournant :
«Plus mai est chaud, plus l’an vaut» ; «Du mois de mai la chaleur, de tout l’an fait la valeur» ; «Mai ensoleillé rend le paysan orgueilleux» dit on en Languedoc, et en Gascogne «Mai bagnat, hen au prat» (mai mouillé, herbe au pré). On trouve aussi, en Lorraine «Lorsque mai sera chaud septembre rira chaud » ou « Rosée de mai, automne gai» ; en Dauphiné «Mai pluvieux rend le laboureur joyeux» alors qu’en Bretagne «Mai fait la fleur, juin en a l’honneur».
Certains dictons laissent espérer de la pluie «La pluie de mai, rend le temps gai». Et l’on ne sait de : «Mai Foin ou grain ?» qui sera le plus heureux de l’agriculteur ou de l’éleveur . En effet «Avril frais et mai chaud, comblent la grange jusqu’en haut» ou «les pluies d’avril donnent le grain et celle de mai le fourrage». Quant aux vignerons : «Quand le vin naît au mois d’avril il remplit tonnes et barils, mais quand il naît au mois de mai, il les remplit mieux que jamais».
Mai peut être un généreux semeur de bourgeons, porteur de toutes sortes de promesses pour un été luxuriant, ou le grand pourrisseur d’espérances, avec des pluies insistantes, de la grêle, voire du gel pour les saints de glace, mais sans risque cette année puisque nous sommes sortis de la lune rousse. Le «joli mois de mai» peut alors se transformer en «vilain mois de mai»
«Dieu nous garde de la poussière de mai et de la fange d’août» dit-on en Corrèze. Et si la pluie fait pourrir les glands essentiels pour la nourriture des porcs on dit alors «Eau de mai tue le porc de l’année» Car «Mai fait ou défait» comme on dit dans les Ardennes. On trouve encore «Mai sec année maigre» en Provence, et « Mai sec année propice» dans le Maine. Sans risque de se tromper, il est possible d’affirmer que ces contradictions peuvent s’expliquer par les différences géographiques entre la France du Sud et les régions du Massif Central avec toutes celles qui sont au dessus du 45 ème parallèle. Alors que la Beauce ou le Berry aspirent à un mai chaud, la Provence et le Languedoc et le Vivarais le veulent frais. Je pourrais ajouter d’autres fleurs à ce florilège de dictons. Voila un joli bouquet pour ce «mois de mai où les fleurs volent au vent».
Cette année le mois de mai est marqué par la fin de la lune rousse, le 5, et le 6, début du mois lunaire de Nissan ou de Rabi’out Tani a bien été marqué par quelques perturbations orageuses et par de la pluie un peu partout, en lien avec la nouvelle lune et le périgée de sa ronde autour de nous. Il nous reste à affronter les «saints de glace». Ils ne devraient pas être bien méchants cette année, mais ils seront quand même marqués par une chute des températures en début de matinée, aux alentours de 8°, ce qui permettra à nos météorologues de dire qu’il fait frais pour la saison.
Des origines de ce mois, pas très nettement établies, - tenant à la déesse Maia fille d’Atlas et mère de Mercure, ou dérivées du latin "majores", dédié aux hommes âgés – et des vieilles coutumes païennes ou de décisions plus récentes, il nous reste, pêle-mêle, les Floralies et autres fêtes de fleurs et jardins, les fêtes de désignations de «reine» de ci et de ça, reine de Maïa, ou «Rosières», et tout autre hommage aux filles en âge de se marier.
On célébrait aussi, selon une vieille coutume païenne, la fête des esprits malins, les sorcières de «Walpurgis».Mai était alors considéré comme néfaste aux unions et Ovide déconseillait «d’allumer en ce mois les flambeaux de l’hyménée, car ils se changeaient bientôt en torches funestes». Au Moyen Age, l’auteur du calendrier des laboureurs confirme cette réputation : «Si le commun du peuple dit vrai, mauvaise femme s’épouse en mai». On dit aussi : «Noces de mai, noces mortelles » ou encore : « les mariages de mai ne fleurissent jamais». Ce n’est qu’après la décision du Pape Pie VII, celui qui eut tant de démêlées avec notre Napoléon, que le mois de mai fut consacré à la Vierge Marie.
Bien sûr le mois est marqué par la Fête du Travail et les fameux ponts tant attendus des uns et des autres. Cette fête du travail, unanimement célébrée par les syndicats, a posé un problème d’ordre juridique avec le cumul fête de l’Ascension. Les journaux et autres publications ont expliqué ce qu’il fallait faire en matière de gestion du personnel. Je n’ai pas relevé de demandes pour compenser ! Il n’est plus question pour l’origine de ce 1er Mai de la décision du gouvernement de Vichy qui, a l’initiative de René Belin, ancien dirigeant de l’aile socialiste de la CGT, devenu Secrétaire d’Etat dans le gouvernement du Maréchal, avait voulu rallier les ouvriers au régime de Vichy. Aujourd’hui, on préfère évoquer les origines de cette fête dans les revendications de l’American Fédération of Labor dès 1884 et les dramatiques manifestations de Chicago du 3 mai 1886, puis dans les travaux de la II e Internationale Socialiste pour imposer la journée de 8h et la semaine de 48 heures, et bien sûr des tristement célèbres journées de Fourmies de 1891. On ne parle plus de l’exemple russe qui sous l’autorité de Lénine décide en 1920 de faire du 1er mai une fête chômée en encore moins de l’Allemagne nazie qui avait fait de ce jour une fête chômée dès 1933. Dès 1890 pour revendiquer cette journée de travail de 8 heures, les organisations ouvrières avaient décidé d’une grande manifestation et défilaient en portant à la boutonnière un triangle rouge pour symboliser la division de la journée en trois parties égales : travail, sommeil, loisirs. Quelques années plus tard le triangle fut remplacé par la fleur d’églantine, puis en 1907, par le muguet, symbole du printemps en Île de France, avec un nœud de ruban rouge. On connaît la suite.. La chanson : « Il est revenu le temps du muguet » est associée à ce jour, semble-t-il depuis 1936. Notre premier mai, repris en 1947 par le gouvernement issu de la Libération, n’est toujours pas officiellement désigné comme «fête du Travail» ( appellation qui n’est que «coutumière»). Il est un jour férié et payé mais pas encore une fête légale !
L’Ascension ayant eu lieu ce même jour, ce n’est plus la peine de parler des Rogations, c’est trois jours de prières qui précédaient la fête, crées à l’instigation de Saint Mamert, évêque de Vienne en Dauphiné ( 420 - 477) , parce que des calamités avaient ravagé la vallée du Rhône. Les Rogations qui n’existent plus de façon officielle dans notre église. Ne cherchez même pas les «saints de glace». Servais ( et non Gervais), Pancrace et Mamert ont disparu du calendrier et sont remplacés par Estelle, Achille et Rolande. Il n’est même plus question de « lune Rousse ». Par contre, comme fort souvent dans le passé, il y a eu aussi cette année des gels qui ont détruit les fruits à plus de 80%. Les journaux et les organisations agricoles nous parlent de la «gelée noire» du début avril et on triture toutes sortes de textes réglementaires, pour voir comment trouver une solution pour indemniser des méfaits de la Lune Rousse !
Dans quelques années peut-être ! Se souviendra-t-on que tout compte fait, si on regarde l’histoire, des gelées semblables s’étaient déjà produites, et que la lune rousse ou les saints de glace méritent un peu plus de considération ! et peut-être des prières !
On sait par exemple que le Sénat Romain avait suspendu les fêtes de Flore, pendant de longues années, sous la proposition d’un élu qui répondait au nom de Servilius, parce que les intempéries avaient fait souffrir les bourgeons des arbres et les fraîches pousses des légumes.
On connait bien cette anecdote historique du 1er Mai 1780, qui eut pour cadre les terrasses du palais de Sans-Souci à Postdam. L’air était tiède, le soleil chaud. Le grand Frédéric se promenait et s’étonna que les orangers fussent encore enfermés. Il fit appeler son jardinier, et lui ordonna de faire sortir les arbres. «Mais Sire, lui objecta le jardinier, vous ne craignez donc point les trois saints de glace ?». Le roi philosophe se mit à rire et renouvela son ordre. Jusqu’au 10 mai tout alla bien ; mais le jour de saint Mamert, le froid survint ; le lendemain jour de saint Pancrace, la température baissa davantage, et il gela fortement dans la nuit. Les orangers furent gravement endommagés.
On sait qu’en 1897, du 11 au 13 mai, il avait fortement gelé un peu partout en France, et les dégâts avaient été d’autant plus importants que l’hiver avait été bénin, et que la végétation était bien avancée ! Cette année là le Cher avait été dévasté. Les vignes avaient gelé, ainsi que les pommes de terre, les haricots et les fraisiers. A Angers, la gelée avait ravagé les cultures au sud de la Loire mais épargné celles qui se situaient au nord du
fleuve ! Dans notre région du Gard les feuilles de mûriers avaient gelé et avaient fait défaut pour nourrir les vers à soie…Ce fut une catastrophe. Dans nos histoires locales, on trouve partout traces de ces gels dus aux méfaits des saints de glace, mais surtout à la lune rousse.
Avec la réforme liturgique et la suppression des prières des Rogations, a aussi disparu un des rares vestiges de ces chants et rites gallicans, chants chrétiens primitifs de la Gaule franque, qui s’étaient maintenus malgré la réforme et la mise en place du Grégorien. Il s’agit d’une sorte de mélopée répétitive, proche des mélodies arabes ou byzantines, sur une gamme de notes très simples, articulée autour des notes ut, mi, sol, lancée par un soliste et reprise par la foule. Ce sont les litanies. Ces chants sont encore présents dans les liturgies byzantines, et on les retrouve dans le cérémonial du vendredi saint. On retrouve ce type de mélodies et rythmes en Bretagne et en Irlande notamment.
Faute d’égrener les litanies des Rogations voici une petite litanie de dictons cette fois liée aux différentes fêtes des saints de ce mois en lien avec le cycle lunaire.
A tout seigneur tout honneur : « A l’Ascension, dernier frisson». Nous voilà tranquilles !
A la nouvelle lune du 5 et au périgée du 6 je note, «Jeannet, gare à Jeannet, quand il s’y met, il nous fait trois pets». Nous avons bien vu une zone orageuse traverser notre pays le 5 et le 6 pour la célébration du martyre de Saint jean l’Evangéliste, qui fut plongé dans une cuve d’huile bouillante devant la Porte Latine. Il en sortit indemne.
Le 12 mai, pour la saint Achille et la saint Pancrace, jour du premier quartier de lune, il pourrait bien encore y avoir quelques orages : «Lorsque Saint Pancrace apporte les dragées, c’est toute la noce qui est mouillée» ; dans les jardins il faut tondre et couper l’herbe qui a bien poussé : «A la saint Achille, herbe à pleine faucille».
Le 20, pour la pleine lune, nous fêterons Saint Bernardin de Sienne et Saint Gobain : «A la saint Bernardin, plus de gélée ne craint» et «A saint Gobain, la futaie pousse à vue d’œil».
Quant au dernier quartier de lune le 28 mai, pour la sainte Théodosie, martyrisée à Tyr en 308 sous l’empereur Galère : «Tant que mai n’est pas au vingt-huit, l’hiver n’est pas tout à fait cuit».
Sans oublier quand même, le 16 mai, le picard saint Honoré, patron des boulangers et des pâtissiers : «a la saint honoré, s’il fait gelée, le vin diminue de moitié».
J’aimerai encore vous rappeler que dans l’histoire de nos ancêtres, une très vieille coutume voulait que ce soit en ce mois de mai, que se tiennent les assemblées politiques. En réalité, cela se passait d’abord au mois de mars chez les Francs, et les guerriers se réunissaient autour de leur chef, dans un lieu qu’on appelait «le Champ de Mars». Si le discours des chefs plaisait, les guerriers applaudissaient en frappant leurs boucliers de leurs framées. Sinon ils étouffaient sa voix par des murmures. Nos élus nous donnent chaque mercredi après-midi et en direct, un vibrant témoignage que leurs vociférations, pas toujours très correctes, ont bien pris le relais. J’évoquerai à peine le sujet de l’absentéisme car chez les Francs, ne pas être présents, c’était se couper à tout jamais du droit de parole. Il est vrai que le mercredi, comme il y a la télévision, il faut se montrer et alors les rangs sont bien remplis !
Sous Charlemagne, la date de ces assemblées fut repoussée au mois de mai. Les évêques, qui sous Clovis avaient été admis à ces assemblées, prirent bientôt un rôle prépondérant, rejoignant le pouvoir des comptes et seigneurs. Le rôle des guerriers s’effaça peu à peu. Ces assemblées disparurent à la fin de l’empire carolingien ; «les champs de mai» furent remplacés par «les Etats Généraux». On se souvient en particulier de ceux de mai 1302 sous Philippe le Bel et de ceux de mai 1789 ! Maintenant nous avons toutes sortes d’états généraux sur des sujets brûlants d’actualité !
C’est du mois de mai qu’on tire l’expression «planter le mai». Quand il y avait des élections municipales et que les élus l’étaient pour la première fois, leurs colistiers venaient planter un arbre en leur honneur. C’était souvent l’occasion d’un bon repas ou du moins de boire ensemble un bon verre. L’arbre était généralement un sapin ébranché auquel on ne conservait que la cime. Il était décoré d’un drapeau tricolore, parfois d’une pancarte sur laquelle était écrit : «Honneur à notre élu» C’est une tradition qui se perpétue encore ici et là.
Je dois encore rappeler que nous célébrons ce mois, la fête de Pentecôte, qui est une fête d’origine juive. Fête traditionnelle des moissons elle est devenue la célébration de l’alliance entre le Seigneur et son peuple et pour les chrétiens la fête de l’alliance renouvelée et l’acte de naissance de l’Eglise.
La Fête des Mères, le 25 mai elle aussi dans une série de célébrations qui de tout temps, rendaient hommage aux mères et aux femmes. Matralia dans l’antiquité ; Fête de la natalité sous Napoléon ; Fête des Enfants en 1897, puis Journée des Mères en 1918 et Journée nationale des Mères en 1941, pour enfin devenir la fête des Mères instituée par décret du Président Vincent Auriol le 24 mai 1950, et fixée définitivement au dernier dimanche du mois de mai.
Voici plus joli, bien que l’ayant déjà raconté les années précédentes. Au mois de mai 1654, Jacques de Ranchin, neveu des Ranchin d’Uzès, ébloui de voir Sylvie de Rossel, la fille de Claude de Laudun sortant de l’hôtel d’Aigaliers en tomba aussitôt amoureux. Le coup de foudre dirions-nous aujourd’hui ! Il lui écrivit ce que Ménage a baptisé «le roi des triolets» :
Le premier jour du mois de Mai
Fut le plus heureux de ma vie.
Je vous vis et je vous aimai,
Le premier jour du mois de Mai.
Le beau dessein que je formai !
Si ce dessein vous plait Sylvie,
Le premier jour du mois de Mai,
Fut le plus heureux de ma vie.
Le lendemain il alla demander la main de Sylvie à Madame d’Aubarne d’Aigaliers, et le 24 mai 1654, bien qu’il soit de mauvais goût de se marier en mai, il l’épousait au temple d’Uzès. Ce furent des noces splendides qui durèrent un mois.
Adissias !
Jean Mignot
Le 7 mai 2008
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