Le vert paradis des vacances enfantines
Durant la Préhistoire (celle d’avant la naissance de la télé), les enfants trouvaient refuge au patronage. Chaque paroisse en comptait un. Celui de Saint-Pol-sur-Mer, qui jouxte l’Eglise Saint-Benoît a connu des fortunes diverses puisqu’il abrita, entre autres, quelques mois un hôpital militaire belge pendant la première guerre mondiale. Il faut passer la grille de la cour pour le découvrir : au rez-de-chaussée, une grande salle commune où des cloisons mobiles permettent d’en diviser l’espace. A l’étage, des salles accueillent une chapelle et sa sacristie : le patronage est avant tout une œuvre paroissiale et n’avait pas que des aspects ludiques. Il fallait un peu de place et de monde pour encadrer des enfants dont l’habitude est de jouer dans la rue ou sur la plage, de chasser la grenouille armés d’une paille (surtout dans les ruines de Saint-Gobain après 1945…) ou de dévaler la digue du Comte Jean.
Même pas de semaine des quatre jeudi !
Entre les deux guerres, cent-cinquante à trois cents enfants fréquentent assidûment les lieux. Les abbés ne sont pas seuls : les enfants plus âgés s’occupent des plus petits. Les occasions de s’y rendre sont régulières : le Jeudi, jour de repos hebdomadaire, que les petits espèrent dès le dimanche soir (en déplorant que la « semaine des quatre jeudi » tarde à venir), le dimanche après les Vêpres, tout le mois d’août et le début de septembre. Quand les cris des enfants ne résonnent pas dans la cour, c’est qu’une part de leur précieux temps est consacrée aux études, surtout le matin. Dans une ville ouvrière, où les partis de gauche sont alors bien implantés comme à Saint-Pol, le patronage sert aussi à contrer le discours laïque de la « Communale » où les Hussards Noirs de la République dispensent un enseignement républicain, donc sans Dieu.
Un petit air de Don Camillo
C’est aussi que l’ambiance lors de certaines fêtes oblige le clergé à saisir tous les moyens de poursuivre sa tâche éducative et sa catéchèse : il n’est pas rare que les processions se fassent dans une atmosphère tendue ou que quelque militant «énervé » se jète sur le curé pour faire tomber la Croix à terre. Les plus anciens se souviennent juste avant guerre du scandale provoqué par le changement de nom de la rue Jeanne d’Arc pour celui de Roger Salengro, qui n’avait pourtant rien à envier à la sainte pour l’épreuve du martyre… mais revenons à nos moutons ! Le sport, les jeux et les sorties sont réguliers. Il n’est pas choquant que le curé participe au match de foot. D’ailleurs, c’est même recommandé par sa hiérarchie pour apprendre à se mouvoir de façon naturelle dans sa soutane à 33 boutons !
Mens sana in corpore sano
Les enfants n’ont pas le temps de prendre le chemin de l’école buissonnière. Quand ce n’est pas dans la cour, c’est sur la plage de Saint-Pol ou la plaine Bayard que l’on se défoule. Si l’on manquait de moyens, on avait par contre de l’espace. L’on n’oublie pas pour autant l’éducation physique avec agrès, barres parallèles… ni la culture avec la scène où les enfants jouent de petites pièces de théâtre et ou succombent à la magie du cinéma muet… Et puis, le patronage sert aussi de pépinière pour les activités associatives pour les plus grands, combien de militants de la JOC sont passés dans ses rangs ? En tout cas, ce ne devait pas être désagréable, le "patro", tant sont nombreux ceux qui le connurent en parlent encore, quelle que soit la génération, quelle que soit la paroisse.