lundi 3 août 2009

A propos du mois d’Août 2009

Ce mois d’août s’ouvre, comme chaque année en pleine canicule, puisque c’est ainsi que se nomme cette période qui va du 24 juillet au 24 aout, pendant laquelle le soleil se lève et se couche en même temps que Sirius, l’étoile la plus brillante de la constellation du Grand Chien quel que soit le temps qu’il puisse faire, chaud ou moins chaud, beau ou mauvais !

Depuis les récentes et fortes chaleurs de 2003 on donne une autre définition pour la canicule, en parlant de période de «forte chaleur durant l’été». On considère qu’il y a canicule quand, dans un secteur donné, la température reste élevée et l’amplitude thermique faible. Cela correspond grosso modo à une température qui ne descend pas en dessous de 18° C pour le nord de la France et 20° C pour le Sud la nuit, et atteint ou dépasse 30°C pour le Nord et 35°C pour le Sud le jour, ceci d’autant plus que le phénomène dure plusieurs jours, la chaleur s’accumulant plus vite qu’elle ne s’évacue par convection ou rayonnement. Cette définition vaut surtout pour l’Europe de l’Ouest et la France. En Afrique ou en Scandinavie il faudrait se baser sur d’autres valeurs.

Personne ne sera étonné que ma préférence aille pour la première version du mot canicule qui est fondée sur l’étymologie. Je devrais ajouter d’ailleurs qu’on ne va quand même pas attendre le déclenchement administratif d’un plan canicule pour se mettre au frais s’il fait chaud, pour boire ou pour ne pas s’exposer trop au soleil pour bronzer inutilement ! Où est notre vieux bon sens !

Pline l’Ancien écrivait dans son ouvrage l’Histoire naturelle livre II Chapitre 40-42 : «Quant à la canicule, qui ignore que, se levant, elle allume l’ardeur du soleil ? Les effets de cet astre sont les plus puissants sur la terre : les mers bouillonnent (XVIII,68) à son lever, les vins fermentent dans les celliers, les eaux stagnantes s’agitent. Les Egyptiens donnent le nom d’Oryx à un animal qui, disent-ils se tient en face de cette étoile à son lever, fixe ses regards sur elle, et l’adore, pour ainsi dire, en éternuant. Les chiens aussi sont plus exposés à la rage ( VIII,61) durant tout cet intervalle de temps ; cela n’est pas douteux
Dans la Rome antique on tentait de conjurer l’influence néfaste de Sirius sur les moissons en immolant les chiennes rousses, qui rappelaient la couleur de l’astre à l’époque.
Curieusement on relève que les étés caniculaires vont souvent par groupe de trois ou quatre : 1383-1385, 1331-1334 ; 1778-1781 par exemple. L’ouvrage considérable d’Emmanuel Le Roy Ladurie, «Histoire Humaine et comparée du Climat», est plein de références sur ce sujet et fait le lien entre les périodes de disettes et de manque de grains, - conséquences du mauvais temps - et les évènements importants qui ont marqués l’histoire, comme dans les années qui ont précédé la période de la Révolution. Jacques Godechot, cité lui-même par Emmanuel Le Roy Ladurie décortique ainsi les évènements de juillet 1789 : «11 juillet, renvoi de Necker. Or depuis le 30 juin le prix du froment à Gonesse est à son maximum pour le XVIIIe siècle. A Magny le prix est monté encore davantage entre le 4 et le 11 juillet. Le 12 juillet des manifestations s’ensuivent dans les jardins du Palais-Royal. Le 13 la question des subsistances est au premier plan des soucis des parisiens. A une heure du matin ils incendient les 54 barrières ou poste d’octroi donnant accès à la capitale. Ils veulent ainsi faire baisser le prix du pain qui est à son niveau le plus élevé du siècle. Ce même jour à 6h du matin il y a le pillage du couvent Saint Lazare où on dit que les grains sont stockés. A 8h le même jour une milice bourgeoise se forme. Il y a émeute et pour obtenir des armes une délégation va aux Invalides.» La suite est connue avec la prise de la célèbre Bastille. Certes d’autres paramètres entrent en jeu mais le mauvais temps et ses conséquences est bien un des facteurs majeurs de cet autre évènement majeur. Et la lune, bien entendu a une place privilégiée !
On pourrait analyser de la même façon les soubresauts climatiques et disetteux de 1845-1846 et les mettre en relation avec les révolutions de février-mars 1848 à Paris, puis à Berlin et à Vienne, nous dit encore Emmanuel Le Roy Ladurie.

C’est dans ce contexte que nous voilà au mois d’août. Dans l’ancien calendrier romain ce mois était le sixième mois de l’année et s’appelait sextilis, nous annonçant la suite avec, avec septembre et les suivants.
Caius Octavius Thurinus, né en 63 av JC devint Caius Julius Caesar Octavianus en 44 av JC quand Jules César l’adopta. Divinisé il devint Caius Julius Caesar Divi Filius en 42 av JC puis Imperator Caesar Divi Filius et ce n’est qu’en 27 avant JC qu’il devint le premier empereur romain et fait «Auguste» par le Sénat : Imperator Caesar divi filius Augustus. En 8 av JC on décida de donner son nom au sixième mois du calendrier, et comme ce mois ne pouvait décemment pas être plus court que celui attribué à la mémoire de Jules César, on fit en sorte que le nombre de jours soit égal à juillet, en allant «piquer» un jour au mois de février, qui n’étant qu’un mois complémentaire n’avait pas de connotation commémorative. Voila comment on écrit l’histoire, alors que pourtant le souci était de bien faire coïncider les saisons au période du soleil. Mais de fait on ne touchait rien à cela.
Augustus est devenu chez nous août et c’est le seul accent circonflexe qui est le rappel de cette histoire. C’est ce qu’on appelle un amuïssement. Un accent circonflexe indique que le mot contenait une lettre maintenant disparue parce que le phonème qu'elle notait s'est «amuï» avec le temps. Il indique bien qu’il y avait là une lettre.

C’est pourquoi je m’élève avec la plus grande énergie envers cette disposition qui dans le souci de simplifier l’orthographe française, sur le rapport de 1990 sur les rectifications orthographiques propose de supprimer les accents circonflexes et nous demande de prononcer août : «ou» ! à la rigueur «out» ! en faisant sonner le «t» Nous dans le Midi on dit alors : - pardon à nos amis ! - «prononcé à la parisienne !», ou encore «avec l’accent pointu».
Par contre on ne tolère ni «a-ut» (a-out), ni «a-u» (a-ou). Le «a» disparait donc aussi dans la prononciation. De plus le texte des recommandations recommande la graphie : «aout» sans l’accent. Un comble !
Pourquoi donc supprimer dans la prononciation le «a» et le «t» et l’accent circonflexe - ( en vieux français on écrivait «aoust») - qui nous rappellent l’origine étymologique du nom de ce mois et l’empereur Auguste. Notre calendrier doit tant aux Romains ! et puis une consonne c’est bien quelque chose qui doit «sonner» dans la prononciation. Souvenons-nous de Monsieur Jourdain ! Si on supprime les consonnes et si on ne garde que les voyelles nous allons avoir une prononciation sans charpente. Et sans charpente on sait ce qui arrive !
Tout se perd ! Heureusement qu’il y a nos amis Espagnols et Anglais pour sauvegarder cette mémoire d’histoire, avec Agosto et Agust !

Il parait pourtant que c’est ainsi qu’août se prononce depuis le XVIe siècle à cause de la répugnance que le français a pour l’hiatus. La Fontaine écrit «oût», Madame de Sévigné écrit «out». Voltaire, dans l’avertissement de Zaïre dit qu’août se prononce «oût». La prononciation «a-ou» réapparait à partir du XIXe siècle chez les orateurs démocrates et chez les poètes comme Sainte Beuve, Victor Hugo ou Henri de Régnier.

Je souligne encore que ce rapport de rapport de 1990 a tranché, sans se poser la question de la prononciation des mots dérivés tels «aoûtat» donné à cette larve d’acarien qui nous démange tant si nous n’y penons pas garde, et le qualificatif «aoûtien» dont on qualifie tant de vacanciers ? Va-t-on dire un «outat» ? et un «outien» ? L’Académie, parait-il n’y voit rien de choquant. N’en déplaise à ces prestigieuses références, moi je trouve cela ridicule ! Sauvons notre mois d’Août de crainte qu’il ne se fâche et que profitant d’un nouveau rendez-vous du soleil avec la lune, il nous bombarde d’orages et d’autres alertes «orange» ou d’appel à la vigilance, comme il l’a souvent fait dans le passé, et comme la «télémétéo» commence à nous l’annoncer, pour les jours qui viennent sans nous dire que c’est l’effet toujours observé des périodes où se produit une éclipse. Car éclipse il y aura bien dans la nuit du 5 au 6 août.

Souhaitons qu’il fasse encore beau ensuite puisque nous sommes encore en ce mois si bien nommé de «Thermidor» le révolutionnaire, se partageant avec juillet son compère une bonne part de «Canicule».
Je ferai encore remarquer que cet hommage à Auguste en ce mois d’août a une étroite relation avec l’évènement majeur de notre ère puisque c’est bien sous le règne de l’empereur Auguste que l’on situe la naissance de Jésus , à quelques années près, et que depuis on décompte les années, avant JC et après JC.

Quelques citations originales de nos grands classiques, pour ce mois qui commence : «Je consens de bon cœur, pour punir ma folie, Que tous les vins pour moi deviennent vins de Brie, Qu'à Paris le gibier manque tous les hivers, Et qu'à peine au mois d'août on mange des pois verts.» [Boileau, Satires] ; «Je vous paîrai, lui dit-elle, Avant l'août, foi d'animal.» [La Fontaine, Fables] ou encore du même auteur «Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'août.» [La Fontaine, ib. V, 9]
Pour les proverbes, la liste est très longue et on trouve tout et son contraire. C’est un mois de dur labeur dans les champs : «En août et vendanges, il n'y a fêtes ni dimanches.». «Je suis Aoust auquel nul grant loysir ne doit prendre ne séjourner, mais faucher, fener par plaisir, mettre en grange, battre et venner» nous dit le Grand Calendrier des Bergers de 1496 qu’il me plait de citer souvent dans ces chroniques.

C’est un mois qui selon le temps qu’il amène a des conséquences importantes sur les vendanges : «Août donne goût, c'est la température du mois d'août qui fait que le vin est bon ou mauvais
La lune sera montante en ce début de mois. C’est une bonne période pour greffer. Après le 15 août on dit souvent que le temps change. «La Dame d’Août arrange ou défait tout». La lune amorcera sa courbe descendante mais il y aura surtout dans ces mêmes jours un nœud lunaire le 18, le périgée le 19 et la nouvelle lune le 20, gage que, comme cela s’est produit depuis le début de cette année, il y aura d’importantes perturbations atmosphériques. Je ne peux pas dire plus, ni où, ni quand… !

Travail pour les uns, vacances et fêtes pour les autres. Observons les phénomènes qui permettent de prévoir le temps, comme le faisaient nos anciens. Grâce à la bienveillance d’un vieil ami qui m’a transmis un vieil almanach Hachette de 1915 ; je peux vous dire qu’il fera beau si les hirondelles volent haut ; si les araignées sont actives à tisser ; si les frelons et les guêpes sortent tôt le matin ; si la fleur d’oseille s’ouvre ; si la vapeur des locomotives se dissipe au sortir de la cheminée.. et il pleuvra si les hirondelles rasent le sol ; si le chat passe sa patte derrière l’oreille et fait longuement sa toilette ; si le bœuf et le cheval reniflent l’air ; si le porc grogne et éparpille sa litière ; si les pigeons rentrent au pigeonnier ; si les poules se roulent dans la poussière ; si les moutons sont folâtres et luttent entre eux ; si les abeilles restent autour des ruches et sont agressives ; si la fleur de l’oseille se ferme ; si le soleil est entouré d’un halo ; si la vapeur des locomotives traîne derrière le convoi…

Hélas il est désormais très difficile d’observer tout ça.. à moins que vous ne veniez ici ! . On a tout cela.. sauf les trains à vapeur.. !
Bon mois d’août.
Adissias !


Jean Mignot le 1er Août 2009

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