dimanche 6 juillet 2008

Du mois de juillet 2008

« Et je croys se je vous disoye
Les valeurs qui sont en mon fait
Qu’a grant peine creu je seroye,
Et si suis le moys de Juillet
Je suis joyeux e peu de plet
Pour tous biens faire tost meurir.
Si doit on bien de cueur parfait

En mon temps Jesucrist servir. »


Et je crois je vous disais
Les valeurs qui sont en mon fait
Qu’à grand peine je serais
Et si je suis le mois de Juillet
Je suis joueyx à peu de plet
Pour tous bien faire tôt mûrir
Si doit on bien de cœur parfait
En mon temps Jésus-Christ servir


De tous temps les hommes ont cherché à donner des références pour permettre de s’y retrouver dans le temps. C’est l’origine des calendriers.
On retrouve ainsi dès le 12ème siècle des livres à l’usage des clercs tels les psautiers et livres des heures, bréviaires ou missel et martyrologes. Ces livres débutent presque toujours par un calendrier qui indique les fêtes liturgiques. Ces livres n’étaient accessibles qu’aux clercs et dirigeants. Les seules références pour le peuple étaient les fêtes liturgiques, les fêtes carillonnées, d’ où l’importance des cloches, et plus régulièrement chaque jour, au clocher de nos églises, l’Angelus qui rythmait la vie des champs. On était alors avant l’invention de l’imprimerie, et avant l’invention des horloges qui «piquaient» les heures, telle l’horloge de la tour d’angle sur le boulevard du Palais à Paris, la plus vieille des horloges parisiennes, qui au Palais du Roi, indiquait l’heure «officielle».
C’est un peu la raison du développement des dictons sur le temps, liéés aux fêtes religieuses, inscrits encore dans nos mémoires collectives.

Guy ou Guiot Marchant, à Troyes, de 1491 à 1541 publia le compost des Bergers, dont je cite le couplet du calendrier sur Juillet. C’est un document pédagogique qui vise simplement à fournir des indications pour la vie quotidienne et les techniques agricoles et artisanales.
Il est édité pour «enseigner la science des bergers qui est science de l’âme, du corps, des astres, de la vie et de la mort
Ces livres sont en fait des compilations à usage pratique et moral destinés aux laïcs. Ils s’inspiraient d’ouvrages médiévaux, tels le «Livre des Propriétés des choses» de Barthélémy l’Anglais, des «Grandes danses Macabres» et des traités préparant les âmes au Jugement Dernier.
Ces publications ont recours à l’astrologie, aux signes du zodiaque, aux danses macabres ou autres représentations des enfers, aux représentations des activités agricoles ou artisanales pour chaque mois de l’année, toutes représentations que nous retrouvons gravées dans la pierre des portails et porches de nos cathédrales, ou dans les enluminures telles les riches heures du duc de Berry, toutes représentations destinées à guider l’homme vers son salut.
Ce sont les ancêtres de nos almanachs. Ces chroniques se situent dans une même démarche très proche: un rappel.

Juillet nous invite à cela, puisque il fut ainsi nommé, en souvenir de la famille de Jules César, la gens Julia, perdant ainsi son nom de Quintilis qu’il gardait du premier calendrier romain, le cinquième des mois de l’année qui commençait alors au mois de Mars.
Les évènements se précipitent en cette année 44 avant JC. Jules César, est au sommet du pouvoir. Il a pris pour maîtresse la jeune reine d’Egypte, Cléopâtre VII, qui lui a donné un fils Césarion. Général devenu premier consul, débarrassé de ses collègues du Triumvirat Pompée et de Crassus, Jules César tente une OPA sur la république. Au cours de la fête des Lupercales, Marc-Antoine le grand général adulé par la foule, pose sur la tête de son ami Jules, le diadème des rois grecs. La foule proteste. Jules César enlève lui-même la couronne de sa tête. Mais il continue son dessein et tente de se faire nommer roi pour la partie orientale de l’empire romain. Une séance est prévue au lieu-dit «le portique de Pompée». Sa femme Calpurnie, tente de l’alerter du danger. Qu’à cela ne tienne, il se rend devant les sénateurs qui se sont donné le mot pour arrêter sa course vers le pouvoir absolu. Au signal du sénateur Tullius Cimbre qui l’empoigne par sa toge, les conjurés se précipitent et frappent Jules César de 23 coups de poignard. Parmi eux se trouve Brutus, le fils de sa maîtresse Servilia, ( et peut-être de lui-même !). En le voyant, il lui lance, en grec – la langue de l’élite romaine : «kai su teknon» ce que les chroniqueurs ont traduit par un mot de dépit : «tu quoque fili» ( toi aussi mon fils) . Ce pourrait être au contraire une malédiction à l’adresse d’un traitre : «qu’il t’arrive à toi aussi le même sort !». Les historiens restent divisés sur ce point. La dessus, Jules César se couvre de sa toge et cesse d’espérer. Les comploteurs s’enfuient. Le corps de Jules César est ramené à sa demeure par trois esclaves. Les assassins songent à jeter le cadavre dans le Tibre, mais le peuple par un curieux retour des choses, sans doute manipulé par quelque orateur de ses partisans, se révolte et selon la tradition, demande que son corps soit incinéré en place publique. Ce sera fait le 20 mars avec un bûcher si haut que les chroniqueurs nous disent qu’il mit le feu aux maisons d’alentour.

Jules César, malgré sa fin tragique et prématurée, il a 55 ans et n’a été au pouvoir que cinq années à peine, nous laisse les mots Kaiser et Tsar qui sont des déformations de son nom pour désigner les souverains en allemand ou en russe. Le mot César lui-même est souvent employé comme synonyme d’empereur alors que lui-même Jules César n’eut jamais ce titre.

Marc-Antoine, pour tenter de reprendre le pouvoir fit décider par le même Sénat qui avait arrêté si brutalement la course du dictateur, de rebaptiser le cinquième mois Julius, qui devient notre mois de Juillet.
Il est vrai que depuis quelques mois, Jules César, sans doute en contact avec les savants qui se pressaient à Alexandrie, au moment de la campagne d’Egypte, avait chargé le fameux Sosigène, avec quelques autres savants, d’établir le nouveau calendrier, plus adapté à la course du soleil et aux saisons. C’est le calendrier «Julien» qui venait d’être appliqué au moment de ces évènements et qui devait rester en vigueur jusqu’au XVI ème siècle.
Octave, petit-neveu de Jules entreprit de venger son oncle et se fit nommer empereur. Il prit alors le nom d’Auguste, et le Sénat, par flatterie, fit rebaptiser le sixième mois du calendrier, Augustus, Août.
Jules César qui vient de nous révéler son vrai visage avec le si beau buste trouvé dans les eaux du Rhône, au niveau d’Arles, au large de Trinquetaille, méritait bien cette longue digression. Car tout ceci c’est bien l’histoire de notre mois de Juillet.

Juillet nous amène en principe les grandes chaleurs, tandis que finit le 19 du mois le Messidor du calendrier républicain et que s’ouvre Thermidor, si bien nommé à cause de sa correspondance avec la période de canicule.

La chaleur est en effet le résultat de l’accumulation de la température à la surface de la terre, et elle augmente donc, même après le 21 juin alors que la hauteur de la courbe du soleil au dessus de nos têtes a commencé à diminuer, et que les jours deviennent plus courts de 58 minutes au cours du mois.

Les jours les plus chauds se situent autour du 15 juillet, et non au solstice d’été. C’est pendant cette période que la belle étoile Sirius se lève et se couche en même temps que le soleil. Les croyances populaires attribuaient à la présence de cette étoile les chaleurs vives de juillet. Comme Sirius fait partie de la constellation du Chien, en latin canis, on a fait de ces jours le mot canicule, mot qu’on emploie improprement pour d’autres périodes de chaleur que celle de juillet.

D’ailleurs le soleil risque de nous jouer un drôle de tour. En effet, si la canicule tombe actuellement en juillet, le soleil ne se retrouve pas exactement à la même place d’une année sur l’autre. Il prend du retard chaque année. Le décalage est tel que dans quelques milliers d’années, nos petits-enfants accuseront peut-être la canicule de ramener sur la terre les froids le plus rigoureux de l’hiver !

Il faut dire aussi qu’en juillet, le soleil entre dans la constellation du Cancer, l’écrevisse. Arrivé le 21 juin au plus haut de sa course, il commence, à partir de ce moment à rétrograder, à redescendre, à marcher à reculons : de là le nom d’écrevisse donné à la constellation dans laquelle le soleil entrait il y a deux mille ans, au moment du solstice.
En juillet, comme en juin, les travailleurs des champs redoutent l’abondance des pluies et manifestent leurs craintes au rythme des dictons dont en voici quelques uns :
«Quand il pleut à la saint Calais, il pleut quarante jours après ( tiens donc.. il n’y a pas que Saint Médard !). ou encore : «Pluie que saint Calais amène durera au moins six semaines.».
Saint Calais est fêté le 1er juillet en même temps que saint Thierry, plus connu. Il est vrai que c’est plus facilement porté de s’appeler Thierry que Calais !

La nouvelle lune se produit cette année le 3, d’où les changements de temps et les vagues orageuses qui traversent notre pays et qui correspondent peu ou prou aux dictons liés aux saints célébrés ces jours-là : «Lorsqu’il pleut à la saint Donatien ( le 3) , c’est la pluie pour le mois qui nous vient» et pour le 4, à la saint Rachet, on dit en Bourgogne «Quand il pleut à la saint Rachet, où tu vas aux vignes, moins y es». S’il pleut , le vigneron n’a rien faire dans les vignes sauf à attendre le beau temps en buvant du Montracher, un des meilleurs vins blancs de Bourgogne.
On trouve aussi ces deux bons conseils : «A saint Anatole ( le 3) confiture dans la casserole» ce qui cette année sera bien contrarié par une mauvaise récolte des fruits qui après les gels de début avril et la pluie de mai ont «coulé» ; et «Pour la sainte Berthe ( le 4 juillet ) se cueille l’amande verte ; si elle n’est pleine que de lait, il faut laisser mûrir le blé.»

Le 6 juillet «Pour la sainte Colombe, le ramier quitte sa colombe» dit-on en Picardie. Condamnée à être brûlée vive à Sens en 274, Colombe fut sauvée des flammes par une pluie diluvienne qui éteignit le brasier.
Ce 6 juillet c’est aussi la saint Tranquilin : «Orage du jour de Saint Tranquille, trouve le moissonneur agile ; mais si la pluie devait durer, elle le ferait bientôt jurer» Cela se passe d’explication !

La pleine lune qui se produira le 18 juillet va nous amener, outre la canicule, certainement des orages : «Entre Saint Victor –le 21 juillet- et saint Roch – le 16 août, des orages les grands chocs» comme on dit en Gascogne.
Le 22 juillet «pour la sainte Madeleine la noix est pleine». Si vous n’avez pas fait votre vin de noix ce sera trop tard car la noix sera trop formée.

Nous entrerons alors dans la période propice pour l’observation des étoiles filantes dont les fameuses Perséides, associées à la comète Swift-Tuttle, découverte en 1862 et nous pourrons le faire jusqu’au 22 août, avec un maximum prévu pour le 12 août prochain.
Nous invoquerons, le 25, saint Christophe protecteur des automobilistes et Saint Jacques le Majeur, celui de Compostelle, qu’on invoque entre autres choses, pour guérir les rhumatismes. «Si saint Jacques est serein, l’hiver sera dur et chagrin», ce que confirme un autre dicton : «Le vingt cinq sans pluie, hiver rigoureux» On serait donc tenté de souhaiter qu’il pleuve ce jour-là et de toutes façons «Pluie du matin n’arrête pas le pèlerin» de saint Jacques, ça va de soi ! Sainte Marthe, patronne des servantes est invoquée comme patron des cuisinières. Soulignons cette évolution. Le mois se terminera par la saint germain d’Auxerre, le 31. «S’il pleut à la saint Germain, c’est comme s’il pleuvait du vin» ; ou «Pourvu qu’à la saint germain le Bon Dieu ne soit pas parrain» c'est-à-dire ne fasse pas pleuvoir sur la terre des «dragées» que sont les grêlons ! Or nous serons à la veille d’une nouvelle lune, et le périgée étant le 29, la fin du mois risque d’être orageuse.

Je ne peux terminer cette chronique sans parler des «treize lunes». On dit n’importe quoi à ce sujet ! S’il y a eu treize pleines lunes en 2007, il n’y a eu que 12 nouvelles lunes. En 2008 il y a treize nouvelles lunes mais seulement 12 pleines lunes et un tout petit peu plus que douze lunaisons.
Une lunaison - mois lunaire- est l’intervalle entre deux nouvelles lunes consécutives, ou l’intervalle entre lequel la lune se retrouve au même endroit pour un observateur terrestre (sachant que la terre a elle-même tourné). Elle est d’une durée de 29 jours, 12 heures, 44 minutes et 2 secondes en moyenne (=29,53). Si on multiplie 12 (mois ou lunaisons) par 29,53 (jours) on obtient 354 (jours). Or une année comporte 365,25 jours. 365,25 – 354 = 11,25. Il faut donc que la première pleine lune ait lieu au plus tard le 11 janvier pour qu’il y ait 13 lunes dans l’année.
D’autre part : 29,53 divisé par 11,25 = 2,62. Les années de 13 lunes reviennent donc en moyenne tous les 2,62 ans. Qu’on se le dise ! Les trois dernières années de treize lunes ont été 2007, 2004 (2 lunes en juillet) et 2001 (2 lunes en novembre). En 2004, comme il a fait plutôt beau personne n’a parlé des treize lunes ! Restons sérieux, mais par contre notons que les changements de temps se situent bien à la nouvelle lune, comme ce mois-ci le 3 juillet, ou à la pleine lune notamment quand celle-ci est proche de la terre au périgée de sa courbe. Bien sûr s’il y a treize lunes ça augmente la probabilité de changement d’une fois de plus. Mais treize lunes ça n’a jamais été synonyme de mauvais temps. C’est purement une fantaisie, liée aux superstitions autour du chiffre treize. Ca donne un sujet de conversation, sans aucun fondement scientifique. Nos anciens ne s’y sont pas trompés, eux qui n’ont composé aucun dicton sur ce sujet !

D’où l’importance, comme Monsieur Jourdain, de bien connaître le calendrier, pour savoir quand il y a de la lune ou quand il n’y en a pas ! A Diou sias !
Jean Mignot le 6 juillet 2008 en la fête de Saint Tranquilin

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