De janvier et du jour de l’an en particulier, des vœux, de l’année bissextile 2008 et calendrier…
Au fil des siècles et au gré des époques, des pays et aussi des églises, l’année a commencé à des dates très différentes. Premier mars dans le premier calendrier romain, mais alors janvier et février n’existaient pas, puis 1er janvier avec la mise en place du calendrier «julien», Noël sous Charlemagne, et cela jusqu’au XII ème siècle dans certains lieux comme à Soissons, ou Pâques au temps des Capétiens, ou d’autres dates encore !
C’est ainsi qu’on peut lire, dans la généalogie des Rois de France de Bouchet en 1506 : «Charles VIII alla à trépas au chasteau d’Amboise le (samedi) 7 avril 1497 avant Pasques ( le 15 avril cette année là) à compter l’année à la feste de Pasques ainsi qu’on le fait à Paris, et en 1498 à commencer à l’Annonciation de Nostre-Dame ainsi qu’on le fait en Aquitaine.» C’est l’édit de Roussillon de Charles IX en 1564 qui décréta que l’année devait débuter obligatoirement en France au 1er janvier.
Il nous reste en héritage de ces fluctuations : les étrennes et les fausses étrennes «poissons d’avril», lointains souvenir de ces dates révolues.
Les Romains accompagnaient le début de l’an par des vœux de prospérité. Quintus Aurélius Symmachus, Symmaque ( -345/-402), nous rapporte que l’usage de ces vœux fut introduit sous l’autorité du roi Tatius Sabinus qui fut le premier à recevoir la verbena (la verveine) du bois sacré de la déesse Strenia ou Strenna, pour le bon augure de la nouvelle année. Ces vœux étaient avant tout destinés aux personnes de valeur et de mérite, puis prirent de telles dimensions et occupaient une telle place les six ou sept premiers jours de l’année que Tibère, empereur d’une humeur plus sombre, fut obligé de les interdire au-delà du premier Jour de l’An. Caligula les fit rétablir y trouvant un grand intérêt. Claude abolit ce que son prédécesseur avait rétabli.
On ne peut s’empêcher de penser aux sempiternelles cérémonies des vœux qui sont un bon prétexte à un grand nombre d’administrations et d’organisations, et non des moindres, pour ne pas répondre, tant ces cérémonies les préoccupent. Que celui qui n’a aucun exemple de cette perturbation lève le doigt ! Le peuple perpétua longtemps la coutume au point que le concile d’Auxerre, en 587 tenta de la réglementer. Les étrennes, jointes à des sacrifices étaient devenues véritablement diaboliques. Les confréries perpétuèrent la tradition. On en trouve des traces dans les statuts de la confrérie des drapiers en 1362. Les coutumes suivaient alors les variations des dates de début de l’an selon les lieux.
Nous sommes nombreux à nous souvenir des étrennes de début janvier, quand le commerce n’avait pas encore pris le pas sur la fête de Noël avec sa débauche de cadeaux et de Père Noël. Cela avait encore un peu de sens ! Vive le Père Noël et ses cadeaux s’il ne nous fait pas oublier le sens de cette fête ! Nous avons le devoir de rappeler à nos «chers petits» qu’il y a autre chose !
Quant aux cartes de vœux elles ont commencé à faire leur apparition tardivement au milieu du XVII ème siècle grâce à un nouveau procédé d’imprimerie mis au point en Allemagne par Aloÿs Senefelder en 1796, la lithographie, qui permettait de reproduire en très grande quantité un dessin ou un texte gravé au préalable sur une pierre. La tradition d’enveloppes décorées de motifs de Noël, puis des cartes de souhaits s’est développée à l’époque de la création des timbres-poste notamment sous l’impulsion de John Calcott Horsley pour le compte de Sir Henry Cole, conservateur du musée Victoria et Albert de Londres, avant de venir jusque chez nous via les Etats-Unis vers 1860 avec l’installation de l’imprimerie de Louis Prang, un lithographe allemand émigré outre-Atlantique et installé à Boston.
Tout le monde s’accorde pour faire du 1er janvier le début de l’année civile, et personne ne remet plus en cause cette date, même si elle ne correspond pas à grand chose en référence au soleil ou à la lune. Il faut bien, pour des tas de raisons, avoir des butoirs ! Par contre 2008 dans lequel nous entrons sera marqué par deux évènements qui nous rappellent le souci des hommes, tout au long des siècles de faire coïncider le cycle du soleil et les saisons et d’harmoniser la course de la terre tout au long de l’année avec le cycle de la lune. Je veux parler de l’année bissextile et de la date de Pâques.
L’origine du bissextile est complexe et lointaine. Chaldéens, Babyloniens, Grecs, Chinois, Egyptiens, Romains entre autres, s’étaient aperçu d’un problème de concordance entre leurs différents calendriers et les saisons régies par le soleil, et les phases de la lune, qui ont, elles, tant d’influence sur les plantes et les hommes. On ajoutait alors des jours «épagomènes» c’est à dire supplémentaires. Ces jours étaient dans la plupart des cas considérés comme néfastes ou jours de malheur. On retrouve cette vieille croyance pour nos années bissextiles comme le rappelle ce proverbe qui invite à la prudence : «En l’année bissextile, garde du blé pour l’an qui suit !».
L’année bissextile allait amener la ruine sur les récoltes et le bétail. Aussi gardait-on davantage de réserves. Rassurons-nous tout de suite, un autre dicton qui a cours en Provence, nous dit le contraire : «N’aie nulle peur de l’année bissextile mais de celle d’avant et de celle d’après»
Les premiers habitants de Rome avaient pris tout naturellement comme référence le calendrier en usage chez les gens du coin, c’est à dire ceux du pays d’Albe, qui ne comptait que 304 jours, répartis sur dix mois, désignés par leur numéro d’ordre, ce qui nous donne toujours l’étymologie de nos mois de septembre, octobre, novembre et décembre ( 7ème, 8 ème, 9 ème et 10 ème mois). C’était le calendrier «Albain». L’année commençait en mars, mois consacré à ce dieu père de Romulus et Remus. Après la guerre entre Romains et Sabins et le fameux «rapt des Sabines» il fut établi que les rois seraient en alternance Romains et Sabins. Sous le règne du roi sabin Numa Pompilus (-715 à -642) on tenta d’établir des règles pour le culte des dieux et on mit en place un nouveau calendrier appelé le «calendrier pré-julien». Pour compenser le décalage constaté entre les saisons et le cycle du soleil, on fit un premier ajout de 50 jours. Ce sont nos mois de janvier et de février. Mais 304+50 cela donnait un chiffre pair et les jours pairs étaient considérés comme néfastes. D’où sans doute le dicton que je viens de citer.
Les calculs étant encore insuffisants pour faire le lien avec le début des calendes de mars et le début de l’année, d’autres ajouts furent nécessaires. On décréta un «mensis intercalaris» pour arriver à une durée d’année moyenne de 365, 25 jours, ce chiffre étant à rapprocher de la durée de «l’année sidérale», c’est à dire du temps que met le soleil pour revenir en face de la même étoile, qui est de 365 jours, 6 heures, neuf minutes et 9,5 secondes, ou de «l’année tropique», c’est à dire de l’intervalle entre deux passages du soleil au «point vernal» qui est de 365 jours, 5 heures, 48 minutes et 45 secondes. Faible écart ! Il faut souligner la prouesse d’un calcul aussi précis, résultant essentiellement d’observations, sans instruments sophistiqués. Ce «mensis intercalaris» était appliqué de façon un peu désordonnée, par les «pontifes» de Rome, dont une des fonctions était de faire connaître tous les débuts de mois, quels seraient les jours de travail et les jours fériés et les différentes célébrations des dieux. Jules César, devenu Grand Pontife, fut à l’origine de nouvelles dispositions. Avec un peu d’imagination, on peut dire, qu’au cours de ses aventures en Égypte il eut connaissance du calendrier de ce pays et des travaux de tous ces savants que «le Grand Conquérant» Alexandre avait fait venir à Alexandrie, tels : Aristarque qui avait conçu une horloge solaire et qui avait osé avancer que la terre se déplaçait par rapport au soleil ; Ératosthène qui avait mesuré l’inclinaison de la terre ; Hipparque qui avait découvert la précision des équinoxes et fait lui aussi un calcul précis de la durée de l’année solaire à 6 minutes près ! et Ptolémée, bien sûr ! Jules César chargea Sosigène, dit «d’Alexandrie», d’établir un nouveau calendrier plus adapté. C’est le «calendrier Julien» encore en usage chez les orthodoxes. On ne sait pas ce qui aurait pu se passer si le nez de Cléopâtre avait été plus long !
Pour établir les concordances, l’année 46 avant JC eut une durée exceptionnelle de 445 jours. Elle fut appelée «Ultimus annus confusionis» : la dernière année de la confusion. Le nouveau calendrier supprimait le "mensis intercalaris", décrétait un mois de février de 29 jours et une alternance de 30 et 31 jours pour les autres mois et un doublement du 24 février, tous les quatre ans, c’est à dire le 6ème jour avant les calendes (le début) de mars, le jour "ante diem bis sextus ante calendas Martias". Voilà notre jour bissextile ! Une année bissextile comprenait deux fois le sixième jour avant le 1er mars. Souhaitons, qu’avec son réajustement «bissextile» 2008 ne soit pour personne une année de «confusion» avec toutes les réformes annoncées!
Au passage je souligne que ce calendrier fixait le solstice d’hiver au 24 décembre, d’où la Fête de Noël fixée au 25 décembre.
Les pontifes romains chargés de l’application de la réforme, firent preuve d’une mauvaise volonté évidente pour l’appliquer, ou de trop de zèle ! Les méchantes langues disent que les échéances des mois fixant les dates des contrats et des créances, ils avaient tenté de profiter de l’occasion pour maintenir, voire développer leurs privilèges ! Ils appliquèrent pendant 36 ans le jour bissextile tous les trois ans. C’est finalement Auguste, le neveu de Jules, qui fit remettre tout en ordre, en supprimant le bissextile pendant 12 ans. Au passage, pour ne pas être en reste avec ce qui avait été fait pour son oncle avec le nom du cinquième mois de l’année devenu Juillet, on fit rebaptiser le sixième mois Augustus - Août-. Comme il n'était pas pensable de traiter différent l’oncle et le neveu, on attribua 31 jours à ces deux mois en retirant les jours au mois «complémentaire» de février, en en faisant ainsi le mois le plus court de l’année.
Hélas le «calendrier julien» présentait encore un décalage de 11 minutes et 12 secondes de trop. Cela faisait désordre notamment sur la date de l’équinoxe de printemps, base de calcul, toujours en vigueur aujourd’hui, pour fixer la fête chrétienne de Pâques, nous allons le voir.
Le Concile de Trente chargea le Pape Grégoire XIII de faire établir un nouveau calendrier. La bulle papale «inter gravissimas» signée le 24 février 1582 pour être appliquée au mois d’octobre de la même année, mit en place le «calendrier Grégorien» établit sur la base des calculs de plusieurs savants dont Clavius et Lilio. C’est aujourd’hui le calendrier le plus universellement reconnu.
Il fixait entre autres les dates des équinoxes et solstices, mais on ne toucha pas à la fête de Noël ni à la Saint Jean, et il établissait une nouvelle règle pour l’année bissextile. Il convient de la rappeler ici car ce n’est pas aussi simple qu’on le croit. Les années bissextiles ne sont pas les années paires tous les quatre ans. Il y a des exceptions. Certes une année est bissextile si son millésime est divisible par 4, mais si le millésime est divisible par 100 ce n’est pas une année bissextile, à moins qu'il soit divisible par 400. C’est ainsi que 1700, 1800,1900 n’ont pas été des années bissextiles. 2000 l’était. 2100, 2200, 2300 ne seront pas des années bissextiles.
Nous sommes presque arrivés au bon compte : 365, 2425 jours pour l’année grégorienne, pour une année tropique qui reste immuablement à 365,2422 jours. Cela entraîne encore un décalage de 3 jours sur 10000 ans. Il faudra encore réajuster nos calendriers. Ce n’est pas à l’ordre du jour pour le moment !
Voyez ce qui est en train de se passer pour l’équinoxe de printemps. Il était le 21 mars en 2007. Désormais Il sera le 20 mars jusqu’en 2043… ! et en 2044 il sera le 19 mars, comme en 1796 !
Indépendamment de tout cela, la date de Pâques qui va tomber cette année le 23 mars, va perturber de façon importante notre rythme de vie et de travail, à cause de toute la série de fêtes et jours fériés qui en découlent.
La détermination de cette fête obéit à une série de calculs, très complexes qui vont de la date de la Pâque des Hébreux à la règle établie en 325 par le 1er Concile de Nicée, en passant par les différents «computs» et autres «algorithmes» plus complexes les uns que les autres, articulés autour du fameux «nombre d’or», sans parler de «l’épacte» et de que sais-je, encore, sans vraiment tenir compte des réformes du calendrier intervenues depuis, notamment sur les dates des équinoxes, le tout sur la base d’un «cycle de la lune» saupoudrée d’éléments du «cycle de Méton».
Ouf ! Tout ceci pour aboutir à la règle ainsi définie : «Pâques est célébrée le dimanche après le 14e jour du premier mois lunaire du printemps» ou de façon plus claire : "Pâques correspond au premier dimanche qui suit la première pleine lune de Printemps".
Le comput ecclésiastique offre 35 possibilités de date entre le 22 mars et le 25 avril. En 2009 Pâques sera le 12 avril, le 4 avril en 2010 et le 24 avril en 2011. Un véritable casse-tête et un rappel à l’ordre pour nous dire de temps en temps que l’établissement du calendrier ce n’est pas si facile que ça et pas aussi répétitif qu’on serait tenté de le croire.
Ici, je me dois de préciser que si l’église a joué un grand rôle dans tout ça, la règle du concile de Nicée n’est pas un dogme et elle peut être modifiée. Le Concile Vatican II a bien déclaré que l’Eglise ne s’opposerait pas au principe d’une date fixe pour Pâques. Le statu quo persiste comme je l’ai souligné dans ma précédente chronique. Cela entraînerait de trop grands bouleversements.
Les calculs, aussi savants soient-ils, les plus anciens comme les plus modernes, pour tenter d’établir les calendriers, ont toujours buté sur la difficulté de trouver une solution définitive pour faire coïncider la durée des mois avec le cycle du soleil et des saisons. Cela nous ramène à un peu d’humilité devant la splendeur de la création !
Un des effets de la mise en place du calendrier grégorien, fut sa répercussion sur les fêtes et sur quelques dictons, dont un des plus célèbres, celui que j’ai plaisir à rappeler chaque année le 12 décembre pour la sainte Luce ou Lucie: «Per santo Luço, li jour crèisson d’un pèd de clusso» «A la sainte Luce, le jour croît du saut d’une puce !». Je vous ai entretenus de cela au mois de décembre dernier. Cette fête est passée du 23 au 13 décembre et le dicton a perdu sa justification. Il n’en reste pas moins très connu et très vivace encore aujourd’hui.
En janvier nous allons fêter les Rois.
Ce jour marque souvent l’arrivée du froid, et cela correspond bien au cycle lunaire en 2008 : début de la lune montante le 6 et nouvelle lune le 8. «Les hivers les plus froids, sont ceux qui prennent vers les Rois».
En tirant les Rois nous pensons aux Rois Mages de la crèche. Or de fait, nous mettons en œuvre là encore une vieille tradition païenne qui se réfère à l’évolution du temps, à la longueur des jours et au soleil qui brille chaque jour un peu plus. Nous sommes dans le prolongement des «Saturnales» au cours desquelles on tirait la fève pour désigner le Roi de la fête, le Roi des Fous. L’église a sublimé tout cela en en faisant la manifestation de Dieu au Monde. C’est la fête de l’Epiphanie.
Fêtons les Rois et partageons la galette, sans nous formaliser outre mesure, comme l’avait fait la Révolution en débaptisant cette fête jugée anticivique. Sinon il faudrait débaptiser la République !
Échangeons des vœux car autour de nous, amis et parents, méritent de la considération et représentent des valeurs sûres.
Bonne Année ! Meilleurs Vœux à chacun et chacune de vous, vous comptez beaucoup pour moi et «à l’an que ven, é se san pas mail que seguen pas men !»
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