mercredi 19 septembre 2007

Attentat du 16 septembre 1944 : Albert Lammin, 88 ans, se souvient

Dimanche matin, une brève et émouvante cérémonie a marqué le 63e anniversaire de l’attentat du 16 septembre 1944 qui a fait 42 victimes et une soixantaine de blessés graves. Quelques Berguois et une personne d’Erndtebrück, ville allemande jumelée avec Bergues, se sont rassemblés dans la rue Nationale pour témoigner.


Albert Lammin qui, au moment des faits, a perdu deux frères et une soeur, se trouvait en Allemagne à Bitterfield, pour le Service du travail obligatoire (STO). Âgé de 88 ans, il raconte : «Après les destructions de 1940, il restait dans la rue Nationale deux maisons (Dufresne et Beyaert), réquisitionnées par les Allemands en 1944. La famille Dufresne vint se réfugier chez mes parents au 22, quai des Maçons. Le 16 septembre à l’aube, les Allemands quittèrent Bergues pour se replier sur Dunkerque et fuir les troupes canadiennes qui venaient libérer la ville. Il a fallu dix jours et dix nuits aux Canadiens pour enfin pénétrer dans Bergues. Les Berguois laissèrent éclater leur joie. Aussitôt, M. et Mme Dufresne et leur fille Solange voulurent rentrer chez eux et, accompagnées de mes frères et soeurs qui voulaient les aider à porter leurs valises, ils se sont présentés chez eux, sans problème puisqu’ils sont même allés à l’étage hisser les drapeaux français sur le balcon du n° 58. Mais dans la maison voisine, au n° 60, Mme Beyaert, n’arrivant pas à ouvrir sa porte, des FFI escaladèrent un mur pour pénétrer à l’intérieur et ouvrir du dedans. Ils durent par mégarde provoquer le déclenchement d’une machine infernale qui, dans une fulgurante explosion, pulvérisa les deux maisons, tuant les malheureux occupants et ceux qui se trouvaient dans les abords immédiats.« Cette terrible catastrophe programmée endeuilla la ville (42 morts) et décima notre famille (trois victimes) : ma soeur Marie-Louise, 22 ans, mes frères Jacques, 16 ans, et Pierre, 10 ans.»
Son père lui annonce la nouvelle. C’est beaucoup plus tard qu’Albert apprit la triste nouvelle de l’attentat de Bergues par un copain qui lui avait prêté sa carte de la Croix-Rouge pour correspondre avec sa famille. C’est son père qui lui écrivit pour annoncer la mort de ses proches. Il lui fallut alors survivre avec cette pensée et attendre de longs mois avant d’être libéré et de retrouver sa famille, le 13 juin 1945… Albert Lammin, conseiller municipal pendant trente années, a vécu le rapprochement avec les Allemands d’Erndtebrück et les Berguois. Il ne s’est jamais opposé à cette union fraternelle. On peut pardonner, mais ne jamais oublier. • J. D

In LA VOIX DU NORD, édition de Dunkerque du 19 septembre 2007

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