lundi 2 avril 2007

Bon mois d'avril, Bonne Pâque et joyeuses Pâques

D’avril 2007 et du calendrier, des poissons, de Pâques, de la Lune Rousse et des Saints de Glace


Du latin « aprire », avril, le bien nommé parce qu’il ouvrait l’année, était consacré à Cybèle, déesse de la terre et de la force reproductrice chez les Romains. Les jours vont progresser durant le mois d’une heure et quarante deux minutes. Avril tout nouveau n’est pas vraiment tout beau. C'est un mois versatile, qui en dépit du calendrier tient encore largement de l'hiver, et dont les froids passagers, souvent pinçant, sont d'autant plus mal accueillis que l'on espérait en avoir fini avec eux, surtout après les derniers jours de mars, les fameux « vaqueirieu » qui cette année ont bien été marqués par la chute des températures. Et si vous avez noté le temps qu’il a fait entre Noël et le jour des Rois, vous verrez qu’avril, cette année ne s’ouvre pas sous de bons auspices. « Il n'est si gentil mois d'avril, qui n'ait son manteau de grésil. »


Parfois la neige s'ajoute au grésil : « Il n'est point d'avril si beau, qui n'ait neige à son chapeau. »
Ce rabiot de l'hiver, qu'il nous est difficile d'accepter sans récrimination, doit nous inciter à la prudence: « En avril, ne te découvre pas d'un fil. » Ou dans le Midi : « O mès d’obriéou quittès pas eu piéou »
Ou :"celui qui s'allège avant le mois de mai, certainement ne sait pas ce qu'il fait." . Et aussi :« on n’est pas sorti de l’hiver qu’avril n’ait montré son derrière.


Avec ses coups de gel et sa lune rousse, avril va encore donner des frissons aux impatients des beaux jours.
C’est un mois d’une intense activité agricole où le cultivateur comme le vigneron, mais aussi le jardinier, ont fort à faire : dernières semailles après les fumures, de l’orge, de l’avoine, du maïs, du houblon, de la betterave, sarclage des plantes semées avant l’hiver, échardonnage, fin de la taille de la vigne, surveillance de la fermentation des vins, repiquages, arrosages, traitements…« En avril, il faut tout remuer ; écrit Henri Pourrat. C’est vrai qu’il faut partout désherber, gratter, biner, sarcler, éclaircir aussi où la pousse est trop drue. Tout lève si vite en ce mois. La terre semble avoir la fièvre. »


Les moments les plus significatifs ou remarquables de ce mois sont, avec l’évolution du calendrier, le poisson d’avril, la fête des Rameaux et de celle de Pâques, la lune rousse et les saints de glace. Je dois vous reparler de cela, Au moins !

En 1564, lors d’un voyage dans les différentes parties de son royaume, le roi de France Charles IX, constata que selon les diocèses, l’année débutait soit à Noël (à Lyon par exemple), soit le 25 mars (à Vienne) soit le 1er mars, soit encore à Pâques. Afin d’uniformiser l’année dans tout le royaume, il ajouta un article à un édit donné à Paris en début janvier 1563, édit qu’il promulgua à Roussillon le 9 août 1564. Les 42 articles de cet édit avaient trait à la justice, excepté les quatre derniers ajoutés lors du séjour à Roussillon, petite ville du Dauphiné, aux limites de l’Isère et de la Drôme. L’article 39 décrète que l’année commencera désormais le 1er janvier. La papauté généralisa cette décision à l’ensemble des pays catholiques en 1622. Voilà pour ce qui est du calendrier.


Faute de nouveau décret royal ou de décision pontificale… il nous faudra attendre le chant du coucou pour savoir si c’est bien avril car : « Ce n’est jamais avril, si le coucou ne l’a dit ». Vu le temps ambiant, il ne s’est pas encore manifesté à ma connaissance !

En souvenir de l’époque où on célébrait le début de l’année, une coutume s’était instaurée de faire des cadeaux « pour rire ». Ce sont ces farces qu’on a baptisées « poissons d’avril ».


Ce n’est qu’une hypothèse car, selon les endroits, l’année ne commençait pas toujours à la même date, comme nous venons de le voir, ce qui laisse planer un doute sur l’origine de cette tradition.


Mais pourquoi du poisson ? Il court sur ce point des interprétations plus ou moins douteuses. Certains disent que c’est à cause de la fermeture de la pêche pour la période de frai. Des plaisantins auraient alors eu l’idée de lancer des harengs dans les rivières pour tromper l’impatience des pécheurs d’eau douce…


D’autres disent que la date de Pâques qui marquait le début de l’année, ne coïncidant pas toujours avec le 1er avril, on continuait de faire carême et donc de manger du poisson jusqu’à la date de cette fête…

Avec le dimanche des Rameaux les chrétiens sont entrés dans la Semaine Sainte. Cette fête commémore l’entrée de Jésus à Jérusalem où il venait célébrer la pâque juive.


Ce jour, les chrétiens font bénir des branches vertes, souvent des branches de buis, de lauriers ou d’oliviers. Ils en ornent les crucifix de leurs maisons ou ils les portent au cimetière sur les tombes de leurs défunts comme signe d’espérance et de foi en la résurrection.


En Languedoc, ces rameaux sont appelés « rampaus » ou « rampals », c'est-à-dire « rameaux de palmes » par une vigoureuse contraction du latin ramus palmae. Il fait souvent du vent le jour des Rameaux et on trouve de nombreux dictons sur ce thème. Cette fête est souvent marquée par le vent, avec quantité de dictons à ce sujet. Or cette année il a beaucoup plu, presque partout et cela nous laisse présager un début d’été pluvieux : « Can ploou sul rompan, ploou sul boulan » . Le boulan, ou « volant » c’est le « fer volant », c'est-à-dire la faucille en langue d’Oc. Et : « S’il pleut sur les rameaux, Il pleut sur la faucille », donc sur la moisson ! Il faudra observer le temps de la fin juin, au moment de la fête de la musique et de la saint Jean. Voila pour nos « Pâques fleuries » comme on appelle ce jour.


Pâques, la plupart du temps tombe en avril. Mais il y a des exceptions. De toutes façons la règle est que c’est toujours le dimanche après la première pleine lune du printemps. Cette année c’est donc le 8 avril. Il faut noter la coïncidence de notre calendrier avec le calendrier « julien » auquel se réfèrent les Orthodoxes.


Chrétiens Catholiques et Orthodoxes fêteront Pâques le même jour, alors qu’en 2008, les décalages des calendriers fixent les Pâques catholiques au 23 mars, l’extrême limite de la date possible pour cette fête qui sera le 27 avril pour les Orthodoxes. Les calculs savants qu’on appelle « comput », pour déterminer Pâques, entraînent toute une série des répercussions sur nos calendriers et jours fériés. Trop soucieux de préserver des « avantages acquis », et des congés appréciés de tous, dans un monde qui se veut plus que jamais laïque, nul ne songe aujourd’hui à supprimer cette référence « chrétienne ». D’ailleurs on en a souvent oublié le sens et la signification.


Nous pourrons cette année vérifier si le dicton "Noël au balcon Pâques aux tisons " va se vérifier. Selon ce que j’ai noté du temps entre Noël et le jour des Rois, je crains que cette année, le dicton se révèle exact !
La lune Rousse pourrait bien, dans la foulée, nous jouer de mauvais tours. L’hiver n’est pas achevé que la lune d’avril ne nous ait houspillé ou l’hiver n’est point passé que la lune rousse n’ait décliné.


La lune rousse ensuite : C’est la lunaison qui commence en avril et se termine en mai . Cette année ce sera entre le 17 avril et le 15 mai. C’est pendant cette période que se situent les saints de glace et leur influence est d’autant plus à craindre qu’elle coïncide avec la lunaison. S’il faut parler d’influence, c’est bien de celle de la lune et non des braves saints qui ne sont en rien pour tout ce que les dictons nous prédisent comme malheur, comme je l’ai dit dans ces chroniques ! Voyez plutôt :


« Lune rousse, vide bourse » ; « lune rousse, rien ne pousse » ; « Gélée de lune rousse de la vigne ruine la pousse » ; « Récolte n’est point assurée que la lune rousse soit passée ». Et bien d’autres !


Mais pourquoi rousse ? tout simplement parce qu’elle roussit les jeunes pousses. Voici une explication et une anecdote historique sur ce sujet. Le célèbre savant Laplace qui conduisait une délégation de scientifiques auprès de Louis XVIII avait été piqué au vif par une question du Roi sur ce sujet, ne sachant pas que répondre. Il s’était sorti de la situation par une litote qui était une façon très ironique de se moquer de ce Roi qu’on a trop facilement tourné en dérision, notamment à cause de son embonpoint. Il s’en fut voir ensuite Arago qui étudia la question et répondit ce qui suit, désormais consigné dans l’ouvrage « Astronomie populaire » publié ensuite par Flammarion.


« Dans les nuits des mois d’avril et mai, la température de l’atmosphère n’est souvent que de 4, de 5 ou de 6 degrés centigrades au-dessus de zéro. Quand cela arrive, la température des plantes exposées à la lumière de la lune, c'est-à-dire à un ciel serein, peut descendre au dessous de zéro, nonobstant l’indication du thermomètre. Si la lune, au contraire, ne brille pas, si le ciel est couvert, la température des plantes ne descend pas au-dessous de celle de l’atmosphère, il n’y aura pas de gelée, à moins que le thermomètre n’ait marqué zéro, pour d’autres raisons. Il est donc vrai, comme les jardiniers le prétendent, qu’avec des circonstances thermométriques toutes pareilles, une plante pourra être gelée ou ne l’être pas, suivant que la lune sera visible ou cachée par des nuages ; si les jardiniers se trompent, c’est seulement dans les conclusions : c’est en attribuant l’effet à la lumière de l’astre. La lumière lunaire n’est ici que l’indice d’une atmosphère sereine ; c’est par suite de la pureté du ciel que la congélation nocturne des plantes s’opère ; la lune n’y contribue aucunement ; qu’elle soit couchée ou sur l’horizon, le phénomène a également lieu. L’observation des jardiniers était incomplète, c’est à tort qu’on la supposait fausse. »
Les savants viennent ici au secours de la sagesse populaire qui avait fait les mêmes observations depuis belle lurette !


Il y a fort à parier que la référence à cette couleur fait allusion aussi au caractère maléfique (supposé !) de notre amie céleste, pourtant si douce au miséreux et aux amoureux, comme le chante célèbre complainte de la Butte. Les rousses, disait-on au temps jadis, portaient sur la tête rien de moins que les flammes de l’enfer. Elles étaient suspectes de sorcellerie, redoutées sur les bateaux, accusées de faire tourner le lait et de rancir le beurre. Dès lors rien d’étonnant à ce qu’une rousse, toute planète qu’elle soit, fasse tourner le printemps et rire jaune le jardinier, et jette la désolation au potager !


Et pourtant la lune rousse d’avril est plutôt souvent une lune pâle, de cette pâleur qui « caresse l’opale de tes yeux blasés.. » comme dit la chanson. Cette lune blême qui « jette un diadème » sur les cheveux roux de la petite mendigote de la rue Saint Vincent, a-t-elle donc vraiment une responsabilité personnelle dans les ravages infligés aux végétaux qui vident la bourse des paysans !


Ces moments là sont souvent des périodes de perturbations auxquelles les végétaux sont particulièrement sensibles. Des semis faits durant ces moments donnent des graines stériles. On constate aussi que le ciel est souvent blanc « mou ». C’est le mauvais temps que nous annonce la jolie complainte, qui nous prépare ainsi aux saints de glace :
« Mais voilà qu'il flotte, la lune se trotte, la princesse aussi. Sous le ciel sans lune, j pleure à la brune, mon rêve évanoui ! »

Les saints de glace sont pendant cette lunaison. Les premiers sont ceux qu’on appelle : les cavaliers ou encore les saints gresleurs, geleurs et gasteurs de bourgeons selon Rabelais. « Geourgeot, Marquot, Philippot, Crousot et Jeannot sont cinq malins gaichenots [garçonnets] qui cassent souvent nos goubelots [gobelets]. »
Saint Georges, est le premier de la liste le 23 avril. Sa fête est accompagné d’une kyrielle de proverbes et de dictons sur la pluie. « Pluie de saint Georges, coupe les cerises à la gorge ! » ; « S’il pleut à la saint Georges, De cent cerises, restent quatorze. » Ou encore : « S’il pleut à la saint Georgeau, n’y aura guignes ni bigarreaux »
De toutes les façons, qu'il pleuve ou qu'il vente, pour la saint Georges il faut mettre la " graine "- c'est à dire les œufs de ver à soie dans les couveuses, et non plus comme autrefois dans un petit sac pendu sous les jupons des dames ou encore dans leur soutien-gorge…car pour la saint Marc ce sera trop tard, dit un proverbe des Cévennes . C’est en effet entre fin avril et mai que l’on « élèvait » les vers à soie dans les Cévennes.


Ensuite Saint Marc le 25 avril, des quatre évangélistes, le plus concret, le plus visuel, avec des récits pleins de fraîcheur. Il est toujours représenté par un lion ou avec un lion. C’est le patron des notaires, sans qu’il n’y ait de véritable relation de cause à effet, car on connaît bien le jargon notarial qui malgré les dépoussiérages et réformes successives, n’en déplaise aux gens de la profession, reste encore bien imperméable au commun des mortels qui auraient pourtant besoin dans ce domaine de la plus grande des clartés ! « S’il pleut le jour de la saint Marc, Les guignes couvriront le parc » et aussi : « A la saint Marc s’il tombe de l’eau, Il n’y aura pas de fruits à couteau ». C’est à dire de fruits dont on enlève la peau avec un couteau pour les manger…« Marquet (Marc), Georget (Georges), et Philippet (Philippe),sont trois casseurs de Gobelets. »
Saint Philippe était autrefois fêté le 1er mai.


Pourquoi casseurs de gobelets ? Parce que le froid ou la grêle ces jours–là est néfaste pour la vigne, donc au vin, donc aux pichets et aux gobelets. On dit encore :« Trois saints dont faut se méfier… ».


Saint Robert le 29 avril : « Gelée de saint Georges, saint Marc, saint Robert, récolte à l’envers. »
Mais on dit aussi :« La pluie de saint Robert, Du bon vin emplira ton verre. » Si donc il pleut à ce jour-là, tout ne sera pas négatif…Par contre s’il pleut ensuite pour les saints suivants ce sera différent.


Le 30 avril pour Saint Eutrope (ou Tropet) : « Saint Eutrope mouillé, Cerises estropiées. »C’est ce jour-là qu'il faut semer les plantes à fève et notamment les "fayots" de toutes sortes.


Je reprendrai ce thème des saints de glace au mois de mai, puisque leur liste continue de se dérouler jusqu’au 15 mai, et en particulier en parlant de ceux dont on parle le plus : « Mamert, Servais et Pancrace, voilà les trois saints de glace ».

A Diou sias !
Jean Mignot

2 avril 2007


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