mardi 4 avril 2006

Estaminet! Et je pèse mes mots

C'est le Grand Messiant Loup qui régale! C'est lui qui invite...

L'oeil pétillant, le regard vif et toujours le mot pour rire. Il est rare, le Bougre! Amateur de bonne chair, vivant pour le bon mot, un hédoniste qui vous colle une rage jalouse car il se tient bien à table et il ne prend jamais un gramme lorsque vous, humant le délicat fumet d'une carbonade ou salivant devant une bonne bière de garde, sentez le regard désapprobateur de votre médecin vous brûler le dos: il vous rappelle que vous cumulez du mauvais cholestérol.
On sent le truculent qui pourrait pester intérieurement contre la lenteur du service mais qui savoure l'instant car il en profitera pour glisser une bonne blague!

Autant dire que Jacques Messiant est à l'image des Flamands des toiles de Brueghel: un hédoniste, que dis-je, un "jouisseur" dans le sens noble du terme, il prend plaisir à tout ce qu'il fait!
Evidemment, pour publier une histoire des estaminets, les salons du peuple où l'on prolongeait l'espace familial parce que de toute façon il n'y avait pas de place à la maison, il ne pouvait être question de quelqu'un d'autre.


Au fil des pages, l'on pénètre dans un univers que l'on redécouvre grâce à d'autres bons vivants comme le patron du Het Blauwershof à Godewaersvelde, des types qui en un tour de main, qu'il s'agisse de faire sauter le muselet d'une bière de garde ou d'un geste leste faire couler le divin nectar à la pression, vous font oublier tous les soucis.
Bye bye les tracas familiaux, les ennuis avec le patron ou les bisbilles avec les collègues de travail. Chuttt... ici, on vit, on s'amuse! Et cela transpire tout au long des pages. Tout est passé en revue... Les lieux (en Flandre, le dimanche, le catholique est à l'estaminet, le protestant au temple... C'est le partage des tâches). Il décrit la vie dans ces précieux havres le long des chemins comme au creux des quartiers où parfois l'on navigue non de bord à bord mais de trottoir à trottoir... Il exulte en parlant de la convivialité des chambres de réthorique, des tabagies, des jeux mais aussi des lieux plus "chauds" où les filles de salle ne faisaient pas toujours que servir et surtout des arrière-salles où naissaient les luttes politiques. L'Internationale ne fut-elle pas après tout jouée pour la première fois dans un estaminet de Saint-Sauveur à Lille?Là où aussi, parfois, les discussions finissaient par une bonne bagarre...

Tout y passe: les chants, les jeux, la bière, le genevièvre (ahhhhh un 'tite bistoulle!) et puis les plats. Plus encore, il narre la renaissance des estaminets dans une Flandre qui redécouvre son passé et ses traditions...

Vous l'aurez deviné, le Grand Messiant Loup connait son affaire, il n'est pas un guide, il est un initiateur, la preuve, il livre même de bonnes adresses.

Pas la peine de tergiverser! Tout flamand qui se respecte doit l'avoir, ce petit livre (même pas rouge), mais pas dans la bibliothèque, il doit le garder religieusement dans son sac, sous le siège de la voiture pour organiser des escapades et tâter de l'âme flamande, respirer la nostalgie et savourer le temps qui passe.

Un "cinq étoiles" sur l'échelle du plaisir... A consommer sans modération

Estaminets du Nord, salons du Peuple,
collection les Patrimoines, éditions la Voix du Nord
51 pages, 2004, ISBN 2-84393-078-2
7 euros (et raisonnable en plus !)

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